Les avocats du président ont déposé à la Cour d’Etat la requête ci-dessous aux fins de mise en liberté d’office du Président Mohamed Bazoum. Pour rappel, c’est ce vendredi 7 juin qu’est attendue la suite du rabat du délibéré du 10 Mai dernier. Les Nigériens attendent d’être convaincus par la Cour si l’égalité des citoyens devant la loi est un mythe ou une réalité dans notre pays.
A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA COUR D’ETAT
Monsieur Mohamed BAZOUM, Président élu de la République du NIGER, assisté de Maîtres MOHAMED SEYDOU DIAGNE, Avocat au Barreau du Sénégal, 5 Place de l’Indépendance à Dakar et de Maître MOUSSA COULIBALY, Ancien Bâtonnier du barreau de Niamey, N° 51, Rue K.K 29 – Quartier Kouara Kano – Niamey, 1er Arrondissement – BP 10269 NIAMEY – République du NIGER, Tél (00227) 20 74 02 07 – Fax : (00227) 20 74 14 88 – Email : sounaetcoulibaly@gmail.com (le requérant et Maitre Mohamed Seydou Diagne élisant domicile au cabinet du dernier avocat précité).
A L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER :
Les faits de détention arbitraire dont il est victime
Que Monsieur Mohamed Bazoum a été démocratiquement élu Président de la République du Niger, ainsi qu’il résulte des motifs et du dispositif de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du Niger du 21 mars 2021 (pièce 1) dont le dispositif suit : « déclare par conséquent élu Président de la République du Niger Monsieur Mohamed Bazoum pour un mandat de cinq (05) ans à compter du 02 avril 2021 à 00 heure.
Dit que le présent arrêt sera notifié au Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), à Monsieur MAHAMANE Ousmane et publié au Journal officiel de la République du Niger…. »
Que le 26 juillet 2023, soit avant même la moitié du cours de ce mandat, le Général Abdourahamane Tiani, nommé par décret présidentiel n°2011-06/PRN du 11 avril 2011, chef de corps de la Garde présidentielle, dont la charge était d’assurer la sécurité du Président de la République, a fomenté et exécuté un coup d’Etat militaire, prétendant renverser l’ordre constitutionnel de l’État du Niger. Le même jour, dans une allocution télévisée, le Colonel major Amadou Abderahmane a déclaré qu’ils avaient renversé le Président Mohamed BAZOUM, suspendu la Constitution du Niger et créé un organe dénommé « Conseil national pour la sauvegarde de la patrie ».
Que le Président de la République Mohamed BAZOUM a été pris en otage le jour même, avec son épouse Mme Hadiza BAZOUM et son fils M. Salem BAZOUM, (libéré après plusieurs mois de détention arbitraire).
Que depuis lors, il est détenu et séquestré dans sa résidence située au cœur même du camp de la garde présidentielle, sans avoir reçu la notification d’une quelconque infraction, sans la moindre inculpation, sans la moindre décision de justice. Il est placé sous le seul contrôle des auteurs du coup d’État.
Que le Président Bazoum, qui est le seul chef de l’État légitime du Niger est privé de toute liberté d’aller et de venir. Les conditions de sa détention entièrement arbitraire sont extrêmement précaires, indignes et dégradantes : quasi-absence d’électricité et d’eau, absence de tout lien avec l’extérieur.
Le 28 juillet, M. Tiani s’est autoproclamé chef de l’État.
Les fondements juridiques d’une libération du requérant
Saisi par le requérant d’une plainte entre autres pour détention arbitraire dirigée contre l’Etat du Niger, la Cour de Justice de la CEDEAO par arrêt n°ECW/CCI/JUD/57/23 du 15 décembre 2023 (pièce 2) a dit et jugé à la suite d’une audience publique et d’une procédure contradictoire :
« … que le défendeur a violé leur droit à ne pas être arrêtés ni détenus arbitrairement
…Ordonne au défendeur la mise en liberté immédiate et sans condition de tous les requérants….. »
Il est souligné et rappelé qu’en vertu des dispositions des articles 19-2 et 22-3 du Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté et de ses différents additifs, que les décisions de la Cour de Justice de la CEDEAO, s’imposent aux juridictions nationales et sont immédiatement exécutoires à leur prononcé.
Il s’y ajoute que la loi nationale nigérienne notamment par les dispositions des articles 265 et 266 du Code pénal, incrimine et réprime sévèrement toute privation arbitraire de liberté.
Lesdits textes prévoient :
Art 265 : Seront punis d’un emprisonnement de un à moins de dix ans, sans ordre des autorités constituées, et hors les cas où la loi ordonne de saisir des prévenus, auront arrêté, détenu ou séquestré des personnes quelconques.
Quiconque aura prêté un lieu pour exécuter la détention ou séquestration subira la même peine.
Il ne pourra être fait application pour le présent article des dispositions relatives aux circonstances atténuantes et au sursis.
Art. 266 : La peine sera d’un emprisonnement de dix à vingt ans dans chacun des cas suivants :
– si l’arrestation a eu lieu en vertu d’un faux ordre de l’autorité publique;
– si elle a été exécutée avec un faux costume;
– si la victime a été arrêtée ou détenue avec menace de mort
Que le coup d’état militaire qui est la cause et le motif de la détention arbitraire de liberté du requérant, est qualifié crime de haute trahison par l’article 1er alinéa 2 de la Constitution et complot contre l’autorité de l’Etat par l’article 78 alinéa 1er du Code Pénal nigérien ;
De surcroit, des instruments juridiques internationaux de promotion et de protection des droits fondamentaux, ratifiés par la République du Niger proscrivent toute arrestation ou détention ou séquestration arbitraires.
Qu’ainsi l’article 9.4 du PJJCP dispose : « quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal (au sens large) afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sans détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ;
En vertu de l’article 6 de Charte Africaine des droits de l’homme et des Peuples, tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement
Qu’il est incontestable et incontesté que la détention du requérant est arbitraire ; d’autant que, par la demande de levée de l’immunité présidentielle du Président Bazoum, le ministère public a manifesté à la haute juridiction son intention d’entamer des poursuites contre le requérant, alors que celui-ci est détenu depuis 10 mois en l’absence de la moindre procédure pénale ouverte à leur encontre.
Ainsi, la Cour d’Etat relèvera aisément l’aveu judicaire du ministère public quant à l’absence d’ouverture d’une quelconque procédure contre le requérant.
Que c’est d’ailleurs le sens de la procédure de levée de son immunité pendante devant votre Juridiction sur le fondement de l’article 3 de la loi n° 94-0013 du 03 février 1994, fixant le régime applicable à la pension des anciens Présidents de la République ;
Que si votre juridiction a compétence pour lever l’immunité du Président Bazoum sur le fondement de l’article 3 de la loi 94-003 du 03 février 1994 susvisée c’est sur le fondement du même article 3 qui stipule que « Les anciens Présidents de la République jouissent de l’inviolabilité et de l’exemption de juridiction. Sauf cas de flagrant délit, ils ne peuvent être entendus, mis en état d’arrestation, gardés à vue, ni poursuivis qu’après la levée de l’immunité qui pourra être ordonnée par la Cour Suprême toutes chambres réunies » qui ouvre droit au requérant de demander à votre juridiction de constater, prima facie, que sa détention est arbitraire et par voie de conséquence ordonner sa mise en liberté immédiate ;
Qu’il échet de joindre la présente saisine à l’affaire pendante devant votre Juridiction pour y être statué par un seul et même arrêt.
Pour toutes ces raisons de fait et de droit, le requérant sollicite, qu’il plaise à la Cour d’Etat, ordonner sa libération immédiate et faire ainsi cesser sa séquestration et détention arbitraires, qui durent depuis 10 mois.
SOUS TOUTES RESERVES
POUR REQUETE
NIAMEY, LE 03 JUIN 2024
Maitre Mohamed Seydou Diagne
Maitre Moussa Coulibaly