Lors d’un Conseil des ministres tenu le 12 janvier 2023, le gouvernement nigérien avait annoncé une initiative ambitieuse visant à réformer la gestion de l’eau potable à travers la création d’une société d’État dénommée La Nigérienne des Eaux (NDE). Elle remplace ainsi la Société d’Exploitation des Eaux du Niger (SEEN), filiale du groupe français Veolia dont le contrat d’affermage était arrivé à son terme. Le gouvernement a donc décidé de ne pas le renouveler. Cette réforme avait pour objectif de rendre l’accès à l’eau plus équitable, d’assurer une gestion plus transparente et de réduire la fuite des capitaux. Cependant, les premières actions des nouveaux dirigeants de la NDE soulèvent des préoccupations légitimes sur la gouvernance de cette société.
Si l’intention affichée par l’État était de rentabiliser la gestion de l’eau potable tout en la rendant plus accessible, le constat actuel semble bien plus préoccupant. Selon les alertes des diverses sources fiables, la NDE fait face à plusieurs allégations de gestion opaque, de népotisme et de favoritisme dans l’attribution des marchés publics. En effet, des marchés sont octroyés en foulant allègrement aux pieds les procédures de bonne gestion. Ces marchés sont attribués sans appel d’offres comme c’est le cas de l’achat de 40 téléphones portables payés à 18.400.000fancs CFA toutes taxes comprises, ou l’achat de caméras de surveillance des domiciles, du contrat de prestations de services informatiques dans un pays étranger à coup de millions de francs CFA et sans résultats. La preuve est que le logiciel de la comptabilité est actuellement défaillant, ce qui ne permet pas de bien clôturer les dépenses de l’exercice 2024, etc.
Dans ce contexte, le Président du Conseil d’Administration (PCA) de la NDE a récemment demandé un audit de gestion pour clarifier la situation, une demande légitime visant à assurer la transparence dans la gestion des finances publiques et le respect scrupuleux des procédures conformément à ses prérogatives. Cependant, cette requête a été rejetée par la direction générale de la société, qui l’a qualifiée d’« irrecevable ».
S’exprimant sur cette situation, l’acteur de la société civile, Nouhou Mahamadou Arzika, s’est indigné de la mauvaise gestion de l’entreprise faite de délits d’initiés et de conflit d’intérêt. Il rapporte par exemple qu’une voiture de plus de 100 millions a même été commandée pour un simple usage des responsables de la société, dans ce contexte laboussaniste. C’est ainsi qu’au regard de l’insincérité du budget 2025, le PCA a refusé de le valider.
Un autre élément de cette situation qui interroge profondément concerne les conflits d’intérêts au sein de la direction de la NDE. En effet, le Directeur Général Adjoint de la société, un retraité de la SEEN, est également administrateur des actionnaires privés de cette dernière, dont la liquidation est toujours en cours. Cette situation crée un conflit d’intérêts manifeste. Comment peut-on représenter l’État et défendre les intérêts privés d’anciens actionnaires en même temps ? Une telle accumulation de responsabilités au sein d’une même personne soulève des interrogations quant à l’impartialité de la gestion de la NDE.
Il est impératif d’auditer la gestion du directeur général, officier de police de son état, en place depuis déjà un an. Un audit indépendant aura le mérite de passer cette gestion au crible, et situer les responsabilités en cas de fautes de gestion.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 16 janvier 2025