Le gouvernement a décidé, la semaine dernière, de suspendre la radio britannique BBC pour 3 mois. Les radios locales qui relaient ses programmes ont été sommées de ne pas le faire pendant la période de suspension. Au même moment, le gouvernement a pris la décision de porter plainte contre Radio France Internationale (RFI). Pour l’instant, on ne sait pas devant quel tribunal cette plainte sera déposée.
Ce qui est en cause, c’est la partialité dans le traitement de l’information dont seraient coupables ces deux chaines internationales. Il s’agit précisément du traitement de l’information sécuritaire.En effet, le gouvernement a accusé RFI de manipuler les informations concernant un incident survenu dans la localité de Chatoumane, dans le département de Téra. Selon un reportage qu’elle a diffusé, le 10 décembre 2024, l’attaque de l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) aurait causé la mort de quatre-vingt-dix soldats et cinquante civils. Cette information a été démentie par les autorités.
Intervenant sur la question au cours d’un point de presse, le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Alio Daouda, a dénoncé ce qu’il a qualifié de tentative délibérée de nuire à l’image du Niger, en soulignant que les informations véhiculées par RFI étaient non seulement fausses, mais visaient à déstabiliser le pays. Selon lui, ce type de désinformation s’inscrit dans un cadre plus large d’hostilité de la part de la France, qu’il accuse d’avoir recours à des méthodes coloniales pour semer le chaos et provoquer des tensions internes.
Le ministre a également insisté sur le fait que ces pratiques de désinformation rappelaient les stratégies utilisées par la France coloniale pour contrôler ses anciennes colonies et éliminer ceux qui résistaient à sa domination. Il a fait une comparaison directe avec des événements historiques, tels que la pendaison des résistants et les pratiques brutales utilisées pendant la colonisation.
C’est pourquoi, le gouvernement a décidé de porter plainte contre RFI qu’il accuse d’inciter au génocide et à la violence intercommunautaire. La plainte vise plusieurs chefs d’accusation : incitation au génocide, atteinte à la défense nationale, apologie du terrorisme et diffusion de fausses informations perturbant l’ordre public.
La BBC n’a pas échappé au courroux du gouvernement. La chaine est suspendue pour trois mois sur l’ensemble du territoire. Cette mesure vient en réponse à des informations jugées erronées et de nature à troubler la paix sociale. Selon le gouvernement, la BBC aurait contribué à diffuser des contenus perturbant le moral des troupes et déstabilisant l’opinion publique.
Le gouvernement a également évoqué des risques de déstabilisation régionale, soulignant que certains médias étrangers, dont RFI, pourraient être utilisés comme instruments pour justifier des actions militaires externes ou des interventions visant à miner la souveraineté du Niger. L’objectif ultime de ces campagnes médiatiques, selon le gouvernement, serait d’ouvrir la voie à une recolonisation du pays sous prétexte de maintenir l’ordre et de protéger les intérêts géopolitiques dans la région du Liptako-Gourma, riche en ressources minières.
Cette plainte est un geste fort du gouvernement nigérien qui cherche à se défendre contre ce qu’il perçoit comme des attaques extérieures à travers des manipulations médiatiques.
Les citoyens nigériens, pour leur part, sont partagés. Certains soutiennent la décision du gouvernement, estimant que la souveraineté nationale doit être protégée contre les ingérences étrangères, tandis que d’autres se demandent si cette approche ne risque-t-elle pas de restreindre encore plus la liberté de la presse au Niger.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 19 décembre 2024