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8 décembre, 2024
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Tribune libre : Issoufou Mahamadou en quête d’un pouvoir absolu !

Dans une tribune qui circule sur les réseaux sociaux, attribuée à l’ancien président de la République, Issoufou Mahamadou interpelle les intellectuels nigériens à ouvrir le débat sur le retour de la démocratie et en profite pour nous donner sa vision de celle-ci.

Ainsi, selon Issoufou Mahamadou, le principal défi pour la démocratie en Afrique c’est celui de la stabilité. L’instabilité, qui fait tant de tort à l’économie des pays africains, réside d’après son analyse dans le fait de l’existence de partis d’opposition. La culture politique des Africains serait réfractaire au principe d’une opposition. La démocratie à l’œuvre dans le système africain de l’élection des chefs traditionnels prévoit le principe de la multiplicité des candidats – il omet de dire que c’est seulement parmi les ayants droit en vertu de leur ascendance – mais une fois l’élection terminée tout le monde se range derrière l’élu pour « l’accompagner ».

L’auteur de la tribune nous demande d’ériger cette pratique en paradigme pour l’élection présidentielle. Il suggère que nous y réfléchissions maintenant de façon à consacrer cela dans notre future Constitution. Ainsi notre futur président sera élu au suffrage universel direct en un tour et le candidat qui aura recueilli le plus de suffrages sera déclaré élu, même s’il mobilise moins de 50% des suffrages exprimés. Il peut mobiliser même moins de 10%, pourvu qu’il soit le premier. La problématique de sa légitimité populaire n’est pas un problème. L’enjeu, c’est la stabilité. Or la condition de la stabilité, c’est que dans l’exercice de son pouvoir il ne soit pas confronté à une opposition. C’est l’existence d’une opposition qui est source des coups d’Etat militaires. Les pays non occidentaux stables, selon lui, sont ceux qui sont épargnés d’oppositions. Il cite à cet effet la démocratie à l’œuvre en Chine populaire où le PCC est au pouvoir depuis 1949.

Notre future Constitution doit impérativement, selon lui, prévoir le principe de l’élection présidentielle en un tour mais aussi l’interdiction de partis d’opposition comme cela se passe en Chine où il nous rappelle que des partis concourant au suffrage populaire existent sauf qu’ils ne sont pas des partis d’opposition mais des partis qui « accompagnent » le Parti communiste.

Chez nous, comment cela va se passer ? Pour le moment, nous avons plusieurs partis politiques. Dans son esprit, il sera loisible à chaque parti de présenter un candidat à l’élection présidentielle. Mais une fois le président élu, tous les partis qui ne s’engageront pas à l’accompagner seront interdits. Un article de la Constitution doit être prévu à l’avance pour consacrer cela. Son modèle chinois de la démocratie interdit toute candidature à la Présidence de la République en dehors du PCC. Elle interdit aussi la création de partis politiques. Les seuls partis croupions tolérés datent de 1949.

Le calcul de Issoufou Mahamadou est facile à comprendre. Il considère que du moment qu’il est très riche, il est en situation d’être le premier de tous les candidats à la prochaine élection présidentielle. Il pourra ainsi gouverner en toute quiétude puisque la Constitution n’aura prévu l’existence que de partis d’accompagnement mais jamais d’opposition. Le Issoufou Mahamadou post 26 juillet n’aura plus affaire à des partis de « Adawa » comme il dit mais des partis de « Rakiya ».

Si la stabilité d’un régime est, comme il le prétend, un facteur de développement économique, pourquoi le Cameroun et la Guinée équatoriale ou d’autres pays africains sont-ils si peu développés ? Mobutu Sese Soko et Blaise Compaoré dont il cite les exemples seraient-ils tombés juste parce qu’ils n’avaient pas interdit les partis d’opposition et qu’il aurait suffi qu’ils y songent pour qu’ils stabilisent et développent leurs pays et qu’ils s’évitent le sort qui fut le leur ?

Il ne nous a pas échappé que Issoufou Mahamadou a fait allusion aux modèles démocratiques à l’œuvre en Inde et au Japon qui, selon lui, sont d’inspiration endogène et non occidentale. Toutefois, ce ne sont pas ces systèmes qu’il a pris comme modèle pour convaincre quant au bien-fondé de sa nouvelle théorie. Et pour cause. La Constitution japonaise date de 1947 et elle a été écrite par les États-Unis qui avaient occupé ce pays au lendemain de la deuxième guerre mondiale jusqu’en 1952. Le système politique dans ce pays est un système de démocratie libérale multipartite, certes dominé par le parti libéral démocrate, mais où il y a eu des alternances à la tête de l’Etat qui a été gouverné par le parti démocrate par moments.

Le système indien est une pâle copie du système britannique dans un contexte fédéral qui a historiquement été dominé par le Parti du Congrès de Gandhi mais qui est en ce moment dirigé par le BJP.

Issoufou Mahamadou, le chantre de la démocratie nigérienne, dont les discours étaient truffés, quand il était à l’opposition, de citations de Rousseau, Kant et Hobbes est devenu un admirateur de la « démocratie chinoise » qui a massacré 65 millions de ses citoyens pendant la révolution culturelle entre 1966 et 1970. Le grand ennemi de la chefferie traditionnelle du Niger à l’époque de la création du PNDS nous dit aujourd’hui que la chefferie traditionnelle est notre modèle de démocratie dont nous devons nous inspirer. Les pays européens aussi ont connu pendant des dizaines de siècles des régimes féodaux comme ceux de nos chefferies traditionnelles. La démocratie est née des révolutions ayant aboli ces régimes.

« Quels gredins que les honnêtes gens ! ». Claude Lantier, d’Emile Zola, n’avait décidément pas tort de lancer ce cri. Qui aurait imaginé que depuis tout le temps qu’il se faisait passer pour le parangon du démocrate parfait, Issoufou Mahamadou ne rêvait en vérité que d’un pouvoir absolu, sans limite, sans opposition !

La rédaction

L’Autre Républicain du jeudi 5 décembre 2024

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