Le monde des médias est souvent perçu comme un bastion de liberté d’expression, mais derrière cette façade se cachent parfois des réalités sombres. C’est le cas du groupe de presse Canal3 Niger, où des agents, après avoir osé revendiquer le paiement de leurs arriérés de salaires, ont été purement et simplement mis à la porte.
Pour recouvrer leurs droits, les agents licenciés ont porté le contentieux devant le tribunal. Le procès s’est tenu le 24 octobre dernier. Quant au délibéré, il est renvoyé au 14 novembre 2024.
La situation a débuté de manière apparemment innocente : des agents du groupe Canal3 ont formulé une réclamation concernant deux mois de salaire sur un total de 18 mois d’arriérés. Ce qui semblait être une demande légitime s’est rapidement transformée en un conflit ouvert lorsque la direction générale de Canal3 a décidé de verser seulement un mois de salaire sur les deux réclamés. Pour se faire entendre et en l’absence de tout dialogue avec la direction, les agents décident de déposer un préavis de grève.
Un premier mouvement de grève a été déclenché, et c’est en ce moment que la direction générale a décidé de passer à la vitesse supérieure en utilisant des moyens coercitifs, tels que des mises en demeure. De plus, le directeur général a fait appel à certains grévistes pour continuer le travail, tandis que d’autres ont été licenciés abusivement. Le climat de peur et d’incertitude qui en a résulté a laissé les employés dans une situation précaire.
Pour tenter de résoudre ce conflit, le ministre de la Communication est intervenu, espérant trouver une solution amiable. Malheureusement, cette initiative n’a pas eu l’effet escompté, et les agents licenciés se sont finalement tournés vers l’Inspection du Travail. Malgré plusieurs tentatives de médiation, aucune solution n’a été trouvée, ce qui a conduit les employés à porter l’affaire devant les juridictions compétentes.
Le procès qui s’était tenu le 24 octobre dernier est le résultat d’une série d’échecs dans la communication et la négociation entre les parties. Contacté par nos soins, un des agents licenciés a exprimé sa confiance en la justice, affirmant : « Nous n’attendons qu’une chose, que le droit soit dit ». Cette déclaration souligne l’importance de la justice dans la restitution des droits des travailleurs.
Les agents de Canal3, qui ont continué à travailler sans salaire pendant plus d’un an et demi, sont des pères et mères de famille, s’efforçant de subvenir aux besoins de leurs proches tout en fournissant un service public d’information. Leur licenciement soulève de sérieuses questions sur la responsabilité sociale des entreprises de presse au Niger.
Ce conflit met également en lumière la nécessité d’un soutien accru de l’État aux médias privés. La protection des journalistes doit être une priorité, car ce sont eux qui assurent la diffusion d’informations essentielles à la société. Il est impératif que l’État prenne des mesures pour garantir une rémunération décente pour les journalistes et mettre en œuvre des lois et conventions collectives qui protègent leurs droits. Les médias privés, loin d’être de simples entreprises, jouent un rôle crucial dans la démocratie en fournissant un service public.
Le procès entre Canal3 et ses agents licenciés est bien plus qu’une simple affaire de travail. Il s’agit d’un révélateur des défis auxquels sont confrontés les travailleurs dans le secteur privé, ainsi que d’un appel à l’action pour l’État afin de garantir la protection des droits des journalistes. Le délibéré du jugement, prévu le 14 novembre, sera un moment décisif non seulement pour les agents licenciés, mais aussi pour l’avenir du journalisme au Niger. Il est temps de repenser le cadre législatif et de garantir que ceux qui travaillent pour informer le public soient traités avec dignité.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 31 octobre 2024