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3 janvier, 2025
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Rapport de l’ANLC TI : Un examen critique de la gouvernance sous l’ère CNSP

« Catastrophe ou renaissance au Niger : le coup d’Etat militaire du 26 juillet 2023 a placé les populations dans cette incertitude alors que le pays progressait dans l’amélioration du processus démocratique par des réformes et surtout la lutte contre la corruption ».  Ainsi s’exprimait Maman Wada, président de l’Association Nigérienne de Lutte contre la Corruption (ANLC) section nigérienne de Transparency International, et préfacier du Rapport sur la gouvernance au Niger 2023-2024 que son organisation vient de publier. Le ton est donné. La gouvernance sous l’ère du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) dans les domaines politique, économique, sécuritaire, sociale, juridique et judiciaire, minière et pétrolière est scrutée dans les détails.

Sur la base des prétextes mis en avant par la junte pour prendre le pouvoir à savoir la lutte contre le terrorisme et la corruption qu’elle s’est engagée à endiguer, le Rapport formule une foule de questionnements : que peut-on dire de la lutte contre la corruption ? Le terrorisme est-il disparu ? La sécurité des personnes et des biens est-elle garantie ? Les populations nigériennes sont-elles plus heureuses aujourd’hui que par le passé ? En un mot, comment se présente la gouvernance sous le régime militaire depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023 ?

Les constats faits par le Rapport parlent d’eux-mêmes : la junte créé la Commission de lutte contre la délinquance économique financière et fiscale (COLDEFF) et adopte une autre Ordonnance n°2024-05 en date du 23 février 2024 pour, indique le Rapport, placer dans le secret défense un certain nombre de dépenses (équipements militaires et services, construction des bâtiments de la Présidence et des résidences officielles, prise en charge des réfugiés). Le comble, c’est que les marchés passés sous l’empire de cette Ordonnance échapperont à la législation sur les procédures de passation des marchés publics, et à tout contrôle à priori et à postériori. Dans tous les cas, l’Autorité de Régulation de la Commande Publique (ARCOP) qui est sous l’autorité du Premier ministre Ali Lamine Zeine est-elle aussi brinquebalante faute d’organes de contrôle et de direction depuis de longs mois. Avec cette Ordonnance, on ne parle plus de taxes et d’impôts à percevoir sur les marchés passés. Ce qui fait dire à l’ANLC que cette Ordonnance est un « boulevard ouvert à la grande corruption ». Il est loisible aussi de constater que la COLDEFF n’a pas vocation à lutter contre la corruption. Elle promeut des procédures extrajudiciaires. Plusieurs dossiers transmis à la COLDEFF par la HALCIA (Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées) sont restés lettre morte, regrette le Rapport. En raison des procédures de la COLDEFF qui jurent d’avec l’Etat de droit, on avait assisté à des vives critiques de la part du Barreau du Niger et du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger (SAMAN) qui a d’ailleurs demandé à ses militants de démissionner de cette structure qui méconnait le droit.

Sur le plan sécuritaire, les attaques des groupes terroristes se sont intensifiées dans les régions de Tillabéri, Diffa, Tahoua et Dosso. Dans la région de Maradi, c’est la grande criminalité qui a pris pied sur fond de kidnapping de personnes contre rançons et de vols de bétail. Au même moment, des groupes rebelles ont fait leur apparition à l’est et au nord-est du pays. Le dispositif sécuritaire est bouleversé avec la nomination des officiers et sous-officiers des Forces de Défense et de Sécurité à des tâches administratives civiles. Ce qui fait dire aux rédacteurs du rapport que « la sécurité semble échapper au contrôle de l’Etat ».

Depuis l’arrivée de la junte, le Conseil National de Sécurité, qui réunit différents acteurs autour du Chef de l’Etat pour apprécier la situation sécuritaire nationale et dans la sous-région et prendre de nouvelles orientations, ne se réunit plus.

La justice est, elle aussi, soumise à rude épreuve. La Cour d‘Etat, qui est actuellement la plus haute juridiction du pays, mise en place par la junte, n’a pas les moyens de faire respecter ses décisions par les gouvernants. Elle n’a pas pu faire visiter le président Mohamed Bazoum par ses avocats tout comme elle a été impuissante pour exécuter la décision de la Cour de justice de la CEDEAO concernant toujours le président Bazoum.

Qu’en est-il des enlèvements, des disparitions forcées pour des opinions exprimées en dehors de toute procédure judiciaire ? s’interroge le Rapport pour qui une opinion exprimée peut valoir un enlèvement en passant par la Direction Générale de la Documentation et de la Sécurité Extérieure (DGDSE).

La junte n’a pas été capable de se soustraire du schéma « parents, amis et connaissances (PAC) » dans les nominations faisant ainsi un pied de nez à la compétence et à l’intégrité. Ce qui fait dire à l’ANLC que « des valeurs de transparence, d’intégrité, de redevabilité et de responsabilité ne sont pas respectées » sous le règne du CNSP.

Le Rapport met en lumière l’aberration entretenue par le Fonds de Solidarité pour la Sauvegarde de la Patrie (FSSP) qui, outre les contributions volontaires, fait des prélèvements obligatoires. Le hic, c’est que l’argent ainsi collecté sert aussi à financer des activités de soutien au CNSP, déplore le Rapport.

Globalement, la gouvernance a du plomb dans l’aile depuis l’arrivée du CNSP au pouvoir. Les Nigériens font face à des difficultés multiples : relations avec des Etats et des institutions peu confiantes, processus budgétaire opaque en l’absence d’une Assemblée nationale et de la société civile pour faire le contrôle, hausse de 50, 36 et 45% respectivement pour le sac de riz, de mil et de maïs, climat des affaires morose avec un grand préjudice porté aux entreprises et au secteur privé, diminution significative des échanges commerciaux avec le Nigeria et le Bénin où 42.037 tonnes de marchandises diverses ne sont pas entrées au Niger soit 15 milliards FCFA de pertes, affaire de l’or nigérien saisi à Addis-Abeba soit 1.400 kg pour 60 milliards FCFA. Aucune enquête n’a été diligentée pour tirer les choses au clair. Seuls les agents FDS en service à l’aéroport international Diori Hamani ont été tous mutés à l’intérieur du pays. En rapport avec l’exploitation de l’or, deux géologues russes ont été kidnappés par le JNIM, le 18 juillet 2024, à Mbanga (région de Tillabéri), qui est une zone aurifère par excellence. Personne ne sait ce qu’ils cherchaient dans cette zone.

Comme on le voit, tous les signaux sont loin d’être au vert contrairement à ce que laissent entendre les laboussanistes, ces nouveaux souverainistes.

La rédaction

L’Autre Républicain du 24 octobre 2024

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