Depuis le 26 juillet 2023, la diplomatie nigérienne fait interroger tant sur sa vision que son style laissant croire à de l’improvisation là où le pays devrait avoir une ligne de conduite et des objectifs clairs. En cherchant à jongler entre deux gouvernements rivaux en Libye, la junte pourrait bien s’engager sur une voie semée d’embûches, révélant des incohérences au cœur de sa stratégie diplomatique. D’un côté, la junte semble s’allier aux forces du maréchal Khalifa Haftar, un acteur incontournable du conflit libyen, tandis que de l’autre, elle tend également la main au gouvernement de Tripoli. Ce double jeu soulève des questions sur la pertinence de ces rapprochements, alors que la situation en Libye reste jusqu’ici chaotique.
Khalifa Haftar, figure militaire dominante dans l’est libyen, a récemment renforcé ses liens avec les juntes militaires d’Afrique de l’Ouest, notamment à travers les visites de son fils, Saddam Haftar, au Niger et au Burkina Faso. Selon des sources concordantes, cette offensive diplomatique et militaire semble viser à établir une présence libyenne, notamment en ce qui concerne la base militaire de Madama, située près de la frontière libyenne. Cette base, auparavant occupée par l’armée française dans le cadre de l’opération Barkhane, est perçue comme stratégique dans le combat contre la criminalité transfrontalière et le trafic migratoire. Les ambitions de Haftar, qui vise à contrôler ces flux migratoires, soulignent l’importance de cette zone pour la sécurité du Niger et de l’ensemble de la région.
Cependant, cette logique de rapprochement avec Haftar est mise à mal par la récente invitation de représentants du gouvernement de Tripoli au Niger. Ce retournement de situation, qui pourrait paraître paradoxal, jette une ombre sur la crédibilité de la junte. En cherchant à s’allier à la fois avec Haftar et le gouvernement de Tripoli, les dirigeants nigériens risquent de se retrouver dans une position délicate, naviguant entre des intérêts contradictoires. Peut-on réellement être un ami commun à deux frères ennemis ? La question mérite d’être posée, surtout dans un contexte où les tensions entre les factions libyennes demeurent vives.
Les motivations derrière ce ping-pong diplomatique pourraient être motivées par la présence de groupes rebelles dans la région. La junte, en quête de solutions pour faire face à l’instabilité intérieure et extérieure, pourrait être tentée d’explorer toutes les options, même les plus risquées. Néanmoins, cette stratégie pourrait se révéler contre-productive. En s’alliant à des factions rivales, le Niger pourrait susciter des tensions supplémentaires, compromettant ainsi sa propre sécurité nationale et celle de ses voisins.
Il est important de noter que la situation en Libye est loin d’être stabilisée. Les rivalités internes et les luttes de pouvoir compliquent davantage le paysage politique. La junte nigérienne, en s’engageant dans des alliances fluctuantes, semble ignorer le fait que la stabilité régionale dépend également de la résolution de ces conflits internes. Les répercussions de ces choix diplomatiques pourraient avoir des conséquences non seulement pour le Niger, mais également pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest.
En somme, l’approche de la junte nigérienne face aux rivalités libyennes semble s’apparenter à un jeu dangereux. Les incohérences dans sa politique étrangère soulignent une absence de vision stratégique claire, ce qui pourrait compromettre ses intérêts à long terme.
Alors que les tensions en Libye persistent, le Niger doit naviguer avec prudence. Comme le disait le célèbre écrivain français Antoine de Saint-Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.» Il est crucial pour les dirigeants nigériens de réfléchir profondément aux enjeux qui les entourent et d’agir avec discernement pour éviter des conséquences désastreuses.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 12 septembre 2024
