Le pipeline reliant le Niger au port de Sèmè au Bénin, longtemps considéré comme une promesse de prospérité pour le Niger, se transforme aujourd’hui en une source de désespoir et d’incertitude. Son exploitation aurait pu catalyser une révolution économique, mais, en raison de facteurs politiques, sécuritaires et diplomatiques, le rêve d’une manne pétrolière s’évanouit, laissant place à une réalité bien plus sombre pour le pays.
Depuis le coup d’État d 26 juillet 2023, les autorités militaires de transition au Niger avaient misé sur ce pipeline pour renflouer les caisses de l’Etat dans un contexte d’embargo. En effet, après avoir perçu une avance de 400 millions de dollars US, avec la Chine, payable sur une année avec un taux d’intérêt de 7%, ces autorités espéraient qu’une exploitation rapide du pétrole brut pourrait atténuer les impacts négatifs de l’isolement international auquel le pays est confronté.
Après un premier chargement du brut nigérien, à partir de Semé, la situation a rapidement pris une tournure inattendue. Le Bénin, initialement en accord avec le projet, a imposé un veto à la poursuite des exportations, en la conditionnant à la réouverture de la frontière commune par le Niger. En réaction, le Niger a suspendu l’exportation de son brut, plongeant ainsi son économie dans une crise plus profonde.
Cet arrêt n’est pas seulement le fruit de tensions diplomatiques. La menace du Front Patriotique pour la Libération (FPL), un groupe rebelle, exigeant la libération de l’ancien président Mohamed Bazoum et un retour à l’ordre constitutionnel, pèse lourdement sur le projet. Le 11 juin 2024, le FPL a mis sa menace à exécution, en sabotant un tronçon du pipeline dans la région de Zinder, aggravant ainsi la situation sécuritaire dans le pays. L’entreprise chinoise en charge de l’exploitation des infrastructures pétrolières a exprimé ses préoccupations concernant la sécurité de ses travailleurs, et suspendu ses activités, en conséquence.
L’impact de cette situation sur l’économie nigérienne, même s’il n’est pas évalué, est considérable. Les autorités militaires avaient misé sur la vente de pétrole brut comme levier principal de financement pour le développement du Niger et la sécurité. La perte de cette source de revenus risque d’aggraver une situation déjà critique, avec des conséquences directes sur la capacité de l’État à faire face à ses dépenses régaliennes.
Cependant, des signes d’un possible dégel se dessinent dans le paysage diplomatique. La récente accréditation de l’ambassadeur du Bénin à Niamey pourrait indiquer une volonté de rétablir des relations constructives entre les deux pays. De plus, le gouvernement du Niger semble prendre des initiatives pour dialoguer avec les groupes rebelles, apprend-on, notamment le FPL et le Front Patriotique pour la Justice (FPJ) afin de désamorcer les tensions et envisager un retour à la paix.
Il est essentiel de comprendre que l’avenir du pipeline Niger-Bénin ne dépend pas uniquement des accords économiques, mais également de la capacité des autorités à naviguer dans un environnement politique complexe. Les prochains jours seront déterminants pour évaluer si ces démarches de décrispation porteront leurs fruits ou si, au contraire, le pays continuera de sombrer dans une crise économique et sociale.
Le Niger se trouve à un carrefour : d’un côté, un potentiel économique immense lié à son pétrole, de l’autre, des défis sécuritaires et politiques qui menacent de réduire à néant les espoirs de prospérité. La nécessité d’une action urgente est indiscutable, car sans résolution rapide des tensions et une reprise des activités pétrolières, l’économie nigérienne, déjà en chute libre, pourrait sombrer dans un désastre total.
Attendons de voir si le Niger saura transformer cette période d’incertitude en une opportunité de renouveau ou s’il continuera à subir les conséquences d’un avenir incertain.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 15 Aout 2024
