Le paysage politique du Niger est marqué par une instabilité croissante depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, lorsque le président Mohamed Bazoum a été destitué par la junte militaire du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). À la suite de cet événement, deux fronts rebelles, le Front Patriotique pour la Libération (FPL) et le Front Patriotique pour la Justice (FPJ), ont émergé, menaçant de déstabiliser davantage une Nation déjà en proie à des crises multiples. Mais jusqu’où ces groupes peuvent-ils aller dans leur lutte pour le pouvoir et le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger ?
Le FPL, dirigé par Mahmoud Sallah, a été fondé avec des revendications qui sont entre autres : la libération du président Mohamed Bazoum et le rétablissement de l’ordre constitutionnel. Toutefois, ses méthodes de pression, notamment la menace de détruire des installations pétrolières, soulèvent des questions sur la viabilité de ses actions. En effet, la destruction d’un tronçon de pipeline, en juin 2024, démontre non seulement une capacité d’action et de pression sur les autorités en place. Elle révèle aussi une stratégie de guerre économique qui pourrait avoir des répercussions désastreuses sur la population, déjà vulnérable.
Le FPJ, quant à lui, opère dans la région d’Agadez et a récemment revendiqué le kidnapping du préfet du département de Bilma et quatre éléments des FDS parmi ses collaborateurs.
Les déclarations de ces fronts vont dans le sens d’une volonté de rétablir un Etat de droit, mais leurs méthodes violent le principe même de la justice qu’ils proclament. La capture d’otages, même si elle vise à faire pression sur le CNSP, est sujette à caution.
La position du CNSP, qui refuse de céder aux revendications des fronts rebelles, est également préoccupante. Le général Abdourahamane Tiani a clairement indiqué dans son message à la Nation qu’aucune pression extérieure ne modifiera leur conduite des affaires de l’État. Cela suggère une volonté de résistance qui pourrait mener à un cycle de violence prolongé. En effet, si le CNSP persiste dans son refus de dialogue, les fronts rebelles, de leur côté, pourraient intensifier leurs actions, alimentant ainsi un climat de terreur et d’incertitude.
Les conséquences de cette escalade sont potentiellement désastreuses. D’un côté, le FPL et le FPJ pourraient voir leurs actions légitimées par une partie de la population qui aspire à un changement. De l’autre côté, la résistance du CNSP pourrait renforcer leur position et leur donner l’argument de la lutte contre un pouvoir illégitime. Cette dynamique de confrontation pourrait mener à une guerre prolongée, avec des conséquences humanitaires catastrophiques pour la population.
Il est opportun de se demander si ces fronts rebelles disposent réellement des ressources et du soutien populaire nécessaires pour poursuivre leurs objectifs. Le FPL et le FPJ sont-ils prêts à aller jusqu’au bout, même au risque d’une guerre civile ? Ou leur manque de légitimité et leur recours à la violence les condamneront-ils à l’échec ? La réponse à ces questions déterminera non seulement l’avenir des groupes eux-mêmes, mais aussi celui du Niger tout entier.
La montée des fronts rebelles au Niger est un phénomène inquiétant qui interroge la capacité de l’État à maintenir l’ordre et la paix. Tandis que le FPL et le FPJ poursuivent leurs revendications, le risque d’une escalade de la violence demeure omniprésent. Dans ce contexte, un dialogue constructif entre le CNSP et ces fronts est nécessaire pour éviter une catastrophe humanitaire et retrouver une stabilité politique. Le temps presse, et chaque jour qui passe sans résolution de la crise ne fait qu’accroître les tensions et les souffrances des populations.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 1er aout 2024