Dans un communiqué de presse en date du 12 juin 2024, le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, a informé l’opinion nationale et internationale que le Président du CNSP, a signé le 7 juin 2024 l’ordonnance n° 2024-28 du 7 juin 2024 modifiant la loi 2019-33 du 03 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité au Niger.
Selon le Ministre de la Justice, la modification opérée par l’ordonnance no 2024-28 du 7 juin 2024, « vise d’une part à rétablir l’équilibre entre la liberté d’expression et la protection des droits individuels et d’autre part à préserver la tranquillité et la sécurité publiques.
C’est pourquoi, précise-t-il « il est désormais prévu une peine d’emprisonnement d’un (1) à trois (3) ans et une amende d’un (l) million à cinq (5) millions pour toute personne reconnue coupable de diffamation ou d’injures par un moyen de communication électronique. Il est également prévu « une peine de prison de deux (2) à cinq (5) ans et une amende de deux (2) millions à cinq (5) millions en cas de commission de diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine ».
Le bureau exécutif national du Réseau des Journalistes pour les Droits de l’Homme (RJDH), réuni en session extraordinaire pour examiner ce nouveau développement note que cette modification de loi constitue un net recul pour la liberté de la presse et la liberté d’opinion consacrées par les instruments juridiques internationaux notamment la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dont l’article 19 proclame que « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
Il faut rappeler que pour mieux garantir la liberté de la presse, le Niger a opté pour la dépénalisation des délits commis par voie de presse à travers la loi portant régime de la liberté de la presse. Au sens de cette loi, aucun journaliste ne doit en principe faire l’objet de détention pour les faits commis dans l’exercice de son métier, notamment pour la diffamation et l’injure. Or, la révision de la loi 2019-33 du 03 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité au Niger vide la dépénalisation des délits commis par voie de presse de tout son sens, qui veut qu’aucun journaliste ne soit emprisonné dans l’exercice de son métier. Pire, la modification apportée ne se limite pas à rétablir les sanctions pénales prévues par la législation antérieure mais aggrave les peines de prison et d’amende. Ce qui est de nature à provoquer la peur et l’autocensure chez les professionnels des médias.
A titre de rappel, depuis l’adoption du texte sur la cybercriminalité au Niger, plusieurs journalistes ont été poursuivis et condamnés pour soit des articles publiés en ligne où pour avoir tout simplement relayé des articles d’autres médias en ligne.
Du reste, la nouvelle loi va négativement impacter le travail des journalistes nigériens alors même que la plupart des média électroniques (Web TV et journaux en ligne) ainsi les personnes qui produisent des contenus repréhensibles le font à partir de l’extérieur.
C’est pourquoi, le BEN RJDH, conformément à son mandat de promotion et de protection des droits humains, demande :
- La modification de l’ordonnance n° 2024-28 du 7 juin 2024 pour mieux assurer l’effectivité de la liberté d’expression et d’opinion pour les journalistes tout en respectant la dignité humaine et les exigences de sécurité,
- Le respect de l’éthique et de la déontologie par les professionnels des médias dans ce contexte d’insécurité et de défis multiformes pour notre pays,
- Une utilisation responsable des réseaux sociaux par les citoyens afin de préserver la paix et la cohésion nationale dans notre pays.
Le RJDH réaffirme en toute circonstance son engagement indéfectible en faveur de la défense des droits des journalistes et la promotion d’un environnement médiatique libre au Niger.
Fait à Niamey, le 15 juin 2024
Le Président
Abdou Tikiré Ibrahim