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6 octobre, 2024
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Relations entre le Niger et le Bénin : L’escalade verbale !

Le Niger maintient sa frontière fermée avec le Bénin mais entend faire embarquer son pétrole brut à partir de la plateforme béninoise de Semé. La crise entre les deux pays est désormais ouverte d’autant que le Niger considère son voisin comme un pays hostile. Les deux pays ne communiquent que par voie des ondes.

Au cours d’un point de presse, le Premier ministre Ali Lamine Zeine n’a pas mis de gants pour accuser le Bénin d’abriter une base militaire française susceptible de servir de point d’appui à une éventuelle attaque armée contre le Niger. C’est la justification principale au maintien de la fermeture de la frontière du Niger avec le Bénin. La télévision nationale (Télé Sahel) a été mise à contribution pour valider la thèse du complot sur la base d’un reportage réalisé par un journaliste français en janvier 2023. Ce reportage a fait voir la présence d’instructeurs militaires français dans une base béninoise dans le cadre de la lutte contre les groupes terroristes. Le journaliste auteur du reportage a tenu à replacer les éléments dans leur vrai contexte.

Le journaliste français réfute les manipulations de son reportage réalisé en janvier 2023, que Télé Sahel avait repris à son compte pour justifier la présence des soldats français au Bénin. « La télévision publique du Niger a utilisé (et tronqué) un de mes reportages pour faire croire qu’il y aurait une base secrète de militaires français au nord du bénin », a tweeté Thomas Dietrich. Du reste, ces instructeurs ont quitté le pays en février 2023. Même si le Bénin abritait des militaires étrangers, c’est un pays souverain qui peut traiter avec n’importe quel pays comme le Niger a choisi un partenariat militaire avec la Russie au détriment de la France et des Etats-Unis. Au nom de la souveraineté, aucun autre pays ne peut lui dicter le choix de ses partenariats comme c’est le cas du Niger.

Faux, il n’y a pas de base française au Bénin, a tranché le Porte-parole du gouvernement béninois. Au passage, il a invité le gouvernement nigérien, sur un ton de défi, à mobiliser tout ce que le pays regorge de médias indépendants pour venir se rendre compte de la réalité sur le terrain.

La présence présumée d’une base militaire française au nord Bénin ne doit logiquement être source d’escalade entre les deux pays. Si le Niger craint une quelconque intervention militaire, ne serait-il pas mieux indiqué qu’il prenne les dispositions pour surveiller sa frontière avec le Bénin, comme il le fera avec tous ses voisins ? Quel intérêt le Bénin a-t-il de servir de base à une intervention contre le Niger alors qu’il a tout intérêt à ce que les choses se normalisent pour lui permettre de tirer le grand parti de son partenariat économique multiforme avec le Niger ? 

Le socio-politologue Souley Adji dans un post intitulé « qui veut noyer son chien… », rappelait que « le Bénin étant une démocratie, il est évident que si son territoire abritait un camp d’entrainement de terroristes, l’Opposition allait en faire son principal argument de campagne et de critique contre le régime en place. Et la presse, plurielle dans ce pays, allait assurément en faire ses choux gras ».

La fermeture de la frontière : une option regrettable

Il est évident que le maintien de la fermeture de la frontière commune par le Niger remet en cause la vision de la politique extérieure de notre pays depuis son indépendance. En effet, depuis des décennies, la politique de bon voisinage était demeurée invariablement la même sous tous les régimes qui se sont succédés. C’est pourquoi, quand on a un nouveau chef d’Etat au Niger, sa première visite hors des frontières est réservée à un pays voisin, généralement le Nigeria pour des raisons géopolitiques évidentes.

Pour un gouvernement présenté par ses soutiens comme « panafricaniste », il n’est pas bien indiqué de s’accrocher à une frontière décidée et tracée par le colon que l’on veut combattre. 

Sur la fermeture de cette frontière, les opérateurs économiques nigériens donnent de la voix. Lors d’une rencontre avec les responsables de la douane, à Maradi, ils ont clairement fait savoir leur souhait en faveur de la réouverture de la frontière avec le Bénin. Malgré quelques difficultés, ce corridor semble le plus aisé car la traversée du Burkina Faso expose les conducteurs à deux difficultés majeures : la première est liée au contexte sécuritaire de ce pays où les conducteurs des camions risquent à tout instant leur vie ; la deuxième est liée aux tracasseries diverses qu’ils subissent au point où il est rare d’avoir des conducteurs prêts à refaire ce corridor. Les deux raisons mises ensemble font peser de lourdes charges pour les opérateurs économiques qu’ils sont obligés de répercuter sur les consommateurs. A cette date, a indiqué un de leurs porte-paroles, ils disposent des produits dans leurs magasins qu’ils ne peuvent mettre sur le marché de crainte d’enregistrer d’énormes pertes.

Depuis les évènements du 26 juillet 2023, les opérateurs économiques ont eu de gros grains à moudre avec d’importantes pertes sèches et un environnement des affaires très précaire.

Comme pour enfoncer le clou, dans un communiqué en date du 11 mai, le ministre des Transports et de l’Equipement précisait que les camions qui sont habilités à charger les marchandises à destination du Niger à partir du port de Lomé. Visiblement, les camions immatriculés au Bénin sont exclus. Combien sont-ils les Nigériens qui ont des camions immatriculés au Bénin parce que nous sommes dans un cadre communautaire ? Exclure des camions immatriculés au Bénin ne parait pas raisonnable car la mesure pourrait frapper des Nigériens. 

En définitive, les bisbilles avec le Bénin apparaitraient en réalité comme un nouveau sujet mobilisateur pour la junte.

Après la CEDEAO (pour les sanctions économiques et politiques), la France et les Etats-Unis (sur la question de leurs bases militaires implantées au Niger), l’Algérie (sur la question migratoire), on a besoin sans doute d’un nouveau bouc émissaire pour continuer à mobiliser la population autour des idées souverainistes. Il faut un sujet de mobilisation, le Bénin nous en offre.

La rédaction

L’Autre Républicain du jeudi 16 Mai 2024

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