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6 octobre, 2024
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Transition politique au Niger : La liberté de la presse sous haute surveillance !

Sale temps pour les journalistes indépendants. En l’espace de deux semaines, on a enregistré un emprisonnement et une détention préventive de journalistes. Conséquence : la peur prend place dans les rédactions…

Soumana Idrissa Maiga, directeur de publication du quotidien L’Enquêteur, est en prison depuis ce lundi 29 avril après 4 jours de garde à vue à la Police Judiciaire. Il est inculpé d’atteinte à la défense nationale et déposé la maison d’arrêt de Niamey. Le journaliste Ousmane Toudou est détenu à la gendarmerie depuis deux semaines. En cause : un article qu’il a publié il y a 7 à 8 mois sur la situation politique née du coup d’Etat du 26 juillet 2023, selon certaines sources. La correspondante du service Hausa de la BBC, Mme Tchima Illa Issoufou, s’est mise à l’abri craignant pour sa liberté suite au reportage qu’elle a réalisé sur la situation sécuritaire de plus en plus difficile dans la région de Tillabéri. Un des interviewés, Ali Téra, serait mis sous mandat de dépôt à la maison d’arrêt de Niamey.

Un rappel important : depuis plusieurs mois, le CNSP a interdit la diffusion de Radio France Internationale (RFI) et de France 24 sur l’ensemble du pays. Ce qui n’empêche pas aux Nigériens qui le souhaitent de contourner l’interdiction pour continuer à s’informer sur ces chaines.

Le temps où les repères sont l’Ordonnance portant régime de la liberté de la presse et la Déclaration de la Table de la Montagne qui replace la liberté de la presse au cœur des débats semble être désormais derrière nous. Le temps où on considère la liberté la règle et la détention l’exception l’est tout aussi.

Ces restrictions à la liberté de la presse interviennent comme par hasard à la veille de la Journée Internationale de la Liberté de la Presse célébrée le 3 mai de chaque année. Cette célébration obéit à deux objectifs majeurs : d’une part amener les gouvernements à prendre des engagements pour le respect de la liberté de la presse, une liberté fondamentale qui conditionne la viabilité de la démocratie, et d’autre part permettre aux professionnels de l’information de réfléchir sur les moyens de renforcer cette liberté essentielle à leur travail d’informer et pour tout dire à leur existence en tant que journalistes.

Le CNSP a–il renoncé à ses premiers engagements ?

Pourtant, l’Ordonnance n°2023-02 du 28 juillet 2023 portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition, en son article premier, indique que « le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie réaffirme son attachement aux principes de l’Etat de droit et de la démocratie pluraliste ». A ce titre, le CNSP « …garantit, en outre, les droits et libertés de la personne humaine et du citoyen tels que définis par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981… ».

Ces deux instruments internationaux font obligation aux gouvernants de respecter les libertés publiques et individuelles comme les libertés d’opinion, d’expression, de la presse, etc. En d’autres termes, marquer son attachement à ces instruments, c’est s’engager à respecter rigoureusement leurs dispositions.

En outre, la même Ordonnance précise ceci : « Il (NDLR : Le CNSP) garantit la restauration du processus démocratique engagé par le peuple Nigérien ». On a coutume d’ériger la liberté de la presse en fille aînée de la démocratie, comme pour illustrer la place centrale qu’elle occupe dans la construction d’une société de progrès. On ne peut donc pas vouloir de la restauration de l’ordre démocratique sans garantir le plein exercice de la liberté de la presse. Il importe que le CNSP dise clairement aux Nigériens s’il tient encore à respecter les libertés dont la liberté d’expression, un de ses engagement solennels.

Le fait de vouloir éteindre toute voix discordante par la privation de liberté est antinomique de cette volonté exprimée par le CNSP de protéger les droits et libertés des citoyens et de ne rien entreprendre qui puisse obstruer le choix du peuple nigérien pour une démocratie pluraliste. Il y a un risque évident que des dirigeants courent en tentant de museler la presse : c’est le piège de l’autoritarisme.

Au regard du climat actuel, les journalistes qui entendaient faire leur travail suivant les standards professionnels commencent à être gagnés par la tentation de l’autocensure et la peur. Or, comme le dit à juste titre la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), il n’y a pas de liberté de la presse lorsque les journalistes exercent dans des conditions de peur et de précarité. C’est malheureusement ce qui nous arrive au Niger dans un contexte où les Organisations socioprofessionnelles des médias ne se contentent que de service minimum. A preuve, des communiqués publiés, ces derniers temps, non seulement sur le tard mais non signés.

Le contexte actuel, c’est également celui de la suspension de la structure faitière des journalistes et travailleurs des médias, en l’occurrence la Maison de la Presse, par le gouvernement de transition sans que rien ni personne ne l’y empêche. Signe que la corporation est en désarroi, il est courant d’entendre, ces derniers jours, cette expression teintée de défaitisme : à qui le tour !

La rédaction

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