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14 novembre, 2024
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Brève réflexion à partir de l’expérience Sénégalaise : Quelle alternative pour un renforcement substantiel de la démocratie et de la gouvernance ?

Selon la vieille formule consacrée, la démocratie est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple. Ainsi, la dialectique du commandement et de l’obéissance qu’elle instaure et qui voudrait que certains soient mis dans les dispositions de commander pendant un certain temps et que d’autres puissent obéir découle de la seule volonté du peuple.

Cette volonté du souverain primaire est magnifique et porteuse d’espoir lorsque, dans son expression, elle a été guidée par des déterminants sains, en tout cas, ceux qui tendent vers l’idéal démocratique et le progrès. 

Malheureusement, tel n’est pas encore le cas dans bien de pays. Mais certains exemples méritent d’être soulignés pour le besoin de l’illustration. C’est le cas du Sénégal qui doit attirer l’attention de tout  observateur qui croit au peuple, source du pouvoir.

Dans ce pays, en effet, on l’a vu, que malgré qu’il soit candidat à sa propre succession, le Président Abdou DIOUF a été contraint,  par les urnes,  à passer le témoin à l’opposant Abdoulaye WADE. Ce dernier a été obligé de faire de même au profit de l’opposant Macky SALL. Aujourd’hui, il est question, pour ce dernier, de passer probablement le témoin à l’opposant, le fonctionnaire des impôts et domaine Bassirou Diomaye FAYE (sous réserve de la confirmation par les instances compétentes).

Dans tous ces trois cas, l’opposant porté au pouvoir par le peuple souverain ne disposait pas des moyens financiers conséquents lui permettant de distribuer du sucre, des pagnes, du riz, des billets de banque, etc… pour impressionner et corrompre les électeurs. Il ne contrôlait pas non plus les institutions en charge de l’organisation des élections.  Dans le cas particulier du candidat FAYE, plan B de M. Ousmane Sonko empêché,  il faut dire que cet Inspecteur des Impôts et domaine n’a exercé aucune fonction politique ou administrative d’une certaine envergure en dehors de la fonction de chef de bureau chargé du contentieux. Au cours de la campagne électorale, il n’a eu besoin de courtiser ni les chefs traditionnels,  ni les familles religieuses malgré l’importance qu’on leur reconnait dans le paysage socio politique sénégalais. Ceux-ci n’ont, comme d’habitude, osé donner aucune consigne de vote ; faisant, ainsi toujours, le départ entre le spirituel et le temporel, entre l’autorité traditionnelle et l’autorité moderne essentiellement passagère.

Concernant son parti politique, il est important de souligner que ses activités sont entièrement financées par les militants à travers plusieurs initiatives. Ces derniers  organisaient régulièrement des cotisations tantôt ad’hoc pour faire face à certaines situations conjoncturelles, tantôt permanentes pour parer à toute éventualité.

Il n’appartient nullement au leader de se casser la tête pour alimenter les caisses du parti. Tous croient à l’idéal, au projet porté par le parti et pour la réalisation duquel aucun sacrifice n’est de trop. Il s’agit, comme on le sait, d’un jeune parti politique qui, à la base, ne s’appuyait sur aucune idéologie classique  mais sur des valeurs de probité, de transparence, de patriotisme, de panafricanisme et des discours « anti système ».

En somme, dans ce pays et dans le choix de l’autorité, tout reposait et repose encore sur le profil du candidat ou la qualité de son programme, la qualité de la gouvernance, l’aspiration du peuple à essayer d’autres leaders, la vigilance et la détermination des électeurs en général et d’une jeunesse matériellement désintéressée en particulier, la crédibilité des institutions électorales, la fiabilité du système et la conscience citoyenne qui transcende les petits calculs égoïstes et conjoncturels.

Lors des rendez-vous électoraux, l’électeur se détermine, dès lors, soit pour sanctionner une gestion qui n’a pas tenu compte de ses préoccupations ou des engagements pris,  soit pour adouber un programme jugé ambitieux pour son pays surtout au regard du contexte international.  Quoi qu’il en soit, l’électeur ne baisserait pas la tête pour accorder sa voix tantôt au plus offrant des candidats,  tantôt au candidat de sa région ou de son ethnie : ce qui l’intéresse ce sont la qualité de la gestion et celle de l’offre politique.

Dans ces conditions, il est tout à fait cohérent que l’électeur soit particulièrement exigeant quant à la qualité de la gouvernance en suivant scrupuleusement la mise en œuvre du programme sur la seule foi duquel il a donné sa voix.

Une fois cette culture politique et démocratique suffisamment ancrée, le Président sortant n’aura plus à se préoccuper, outre mesure, du choix de son successeur. Il suffit, pour lui,  de diriger conformément aux lois et règlements et suivant son programme. Ainsi, il n’aurait rien à craindre même si « un diable » venait à être élu pour lui succéder. 

Qu’en est-il de l’électeur dont les déterminants du choix ont pour noms : la quantité ou la valeur des biens matériels reçus pendant la campagne électorale, la région ou l’ethnie du candidat…. ? Sans doute, cet électeur ne s’intéressait ni à la personnalité du candidat, ni à la qualité de son offre politique ni à la pertinence de sa gestion antérieure. Tout ce qui pourrait l’intéresser c’est ce qu’il recevra lors du passage des candidats pour gérer son quotidien ou encore ses affinités personnelles avec le candidat.

En s’intéressant au contexte socio politique et culturel de certains pays comme le Niger, l’on peut légitimement se poser certaines questions dont les réponses doivent interpeler à tous les niveaux,  notamment des partis qui semblent avoir échoué dans cette mission de formation et de sensibilisation des militants :

• Au Niger, est-il envisageable, aujourd’hui, pour un jeune en général et un jeune fonctionnaire ordinaire en particulier, sans grand soutien financier, de briguer la magistrature suprême du pays ou même une élection législative  et de bénéficier de la sympathie des électeurs jusqu’à espérer une victoire ?

• Est-il possible d’aller en campagne électorale et de s’abstenir de distribuer sucre, pagnes, riz, savons, pommades, billets de banque et penser drainer une foule ?

• Les électeurs sont-ils suffisamment conscients des enjeux liés au choix d’un candidat ? S’intéressent-ils réellement au programme des candidats ?

• Un candidat, peut-il compter sur les militants de son parti pour payer sa caution et financer sa campagne et ce, sans attendre des gains personnels à l’image de l’octroi souvent irrégulier des marchés publics en cas de victoire ?

• Avons-nous suffisamment d’institutions-arbitres capables d’exercer leurs attributions conformément aux lois et règlements et en observant, s’il faut, le devoir d’ingratitude ?

• Avons-nous suffisamment intériorisé la logique du vote sanction ?

• Doit-on continuer à voter pour un candidat, juste parce qu’il est de ma région ou de mon ethnie ?

• Doit-on continuer à faire croire à la population que la campagne électorale est juste l’occasion de voir défiler les candidats et de reprendre l’argent que les politiciens ont amassé ou volé ?

• Faut-il nécessairement avoir beaucoup pour s’engager et réussir en politique ?

• Est-il possible pour les chefs traditionnels, auxiliaires de l’Administration de rester plus ou neutres et de s’élever au-dessus des contingences politiques ?

Autant de questions qu’on peut se poser et dont la recherche des éléments de réponse est indispensable si l’on souhaite un renforcement substantiel de la démocratie et de la gouvernance dans nos pays au risque de dévoyer la démocratie ou d’aller vers une ploutocratie.

Par Dr Adamou Issoufou FSJP/UCAD

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