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6 octobre, 2024
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CRISE INSTITUTIONNELLE AU NIGER : Un nouveau pied de nez à la médiation de la CEDEAO ?

En décembre dernier, le ministre togolais des Affaires étrangères, dont le pays coordonne la médiation entre la CEDEAO et le CNSP, a obtenu la libération de Salim, le fils du président Mohamed Bazoum, séquestré en même temps que ses parents, depuis le 26 juillet 2023. Il était également parvenu avec la junte à une durée de la transition comprise entre 15 et 18 mois. Enfin, il avait annoncé son retour, à Niamey, en début janvier pour finaliser l’agenda de la transition.

Coup de théâtre : à moins d’une semaine de la venue des médiateurs de la CEDEAO, le Premier ministre Lamine Zeine leur a sollicité un report de la mission au 25 janvier 2024. Ce, pour donner le temps au CNSP d’organiser le forum sur le dialogue national.

Constat : à aujourd’hui 4 jours de l’arrivée des médiateurs, le forum ne s’est pas encore tenu. Aucune date n’est indiquée pour sa tenue. Même les concertations régionales censées alimenter le forum national ne se sont tenues qu’à Agadez seulement. Pour les autres régions, c’est motus et bouche cousue. Le Premier ministre va-t-il encore sollicité un autre report qui pourrait apparaitre aux yeux des médiateurs comme une manœuvre dilatoire visant à faire échouer leur mission, au risque de fâcher le président Faure qui est aujourd’hui l’un des soutiens déterminants de la junte ?

Au regard des prises de parole publiques, ces derniers temps, de certains leaders traditionnels et religieux, et organisations de la société civile, on tend insidieusement vers un pied de nez à la médiation de la CEDEAO. Ces propos tendent, en effet, à délégitimer la CEDEAO dans la résolution de la crise politique et institutionnelle dans notre pays. En même temps, ils recommandent au CNSP de conduire une transition plus longue, qui pourrait durer plusieurs années.

C’est pendant que l’on constate le manque d’entrain du CNSP à faire aboutir la médiation de la CEDEAO et abréger, en conséquence, les souffrances qu’endurent les nigériens, que ces voix s’élèvent pour vouloir une transition presque illimitée dans le temps et dire à la médiation qu’elle n’est pas la bienvenue.

Il y a comme un agenda qui est déployé minutieusement pour espérer voir les médiateurs jeter l’éponge, faute de résultats. On peut y voir l’hypothèse d’une instrumentalisation politique de ces leaders d’opinion et organisations de la société civile suivant un scénario déjà vu au Mali voisin.

Voyons cet exemple illustratif du Front Patriotique, une organisation de la société civile : « le Front Patriotique rappelle à la CEDEAO que le délai de la transition, le sort des personnes arrêtées et la conduite de notre Nation ne relèvent ni de la compétence des Nations-unies, ni de l’Union africaine encore moins de la CEDEAO ». Pour manifester contre les médiateurs attendus à Niamey, le Front Patriotique a appelé à des sit-in permanents, les 24 et 25 janvier 2024, au niveau de certains carrefours qui devraient être emprunter par nos hôtes.

On a aussi entendu avec surprise et affliction l’intervention du président de l’Association Islamique du Niger qui préconise aux militaires de garder le pouvoir jusqu’à l’anéantissement du dernier terroriste. En d’autres termes, il leur demande de ne pas céder le pouvoir à un régime démocratique avant plusieurs années. Ce qui lui a valu cette boutade du socio-politologue Souley Adji : « Il a dû brûler la fameuse écharpe rose ! Bientôt les épaulettes militaires ? ». Djibril Karanta était militant et candidat du PNDS aux législatives. Aujourd’hui, il est au service de la junte faisant preuve d’un zèle effroyable et tenant des propos d’une rare impertinence pour un leader religieux qui devrait incarner la mesure et la sagesse.

En jouant aux fous du roi, ils savent de qui tenir. En d’autres temps, ils auraient été vertement rappelés à l’ordre et mis en garde contre de tels propos qui tendent à dégrader l’image du CNSP.

Que dit l’ancien président Issoufou Mahamadou, principal soutien de la junte ? Est-il confortable avec la médiation de la CEDEAO ? On peut répondre sans hésiter : non. On se rappelle que les principaux préalables de la médiation portent sur la libération du président Mohamed Bazoum et la déclinaison d’un agenda clair de la transition. L’ex président a de bonnes raisons de bloquer les négociations avec la CEDEAO, comme le rapportent bien de sources, parce que la libération du président Mohamed Bazoum ruine totalement le schéma qu’il a dessiné dont le premier acte a été le coup d’Etat du 26 juillet. Le président Bazoum en liberté, c’est la fin du leadership et l’OPA de Issoufou sur le PNDS Tarayya. Même s’il travaille pour une transition la plus courte possible, qui lui ouvrira un large boulevard pour ses ambitions politiques, il lui parait suicidaire de mettre le président Bazoum en liberté avant les prochaines élections générales.

Au nom d’agendas personnels cachés ici et là, la crise politique et institutionnelle va perdurer en même temps que les souffrances des Nigériens.

La rédaction

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