Pour la deuxième fois en quatorze ans de présence au Niger, je ne passerai pas les fêtes de Pâques en prison. Il me semblera étrange de ne pas me retrouver parmi les détenus de la maison d’arrêt et de correction de Niamey le matin de Pâques, derrière les murs. Je serai moins libre que d’habitude, car c’est seulement en prison que l’on comprend ce que signifie une tombe ouverte et une pierre renversée. La première fois, c’était à cause des mesures restrictives liées à la gestion improbable du Covid et la présente fois à cause de l’application de la note ministérielle sur les prisons. Depuis le 29 mai 2024, le ministre de la Justice, issu de la junte militaire, avait interdit les visites et les activités des organisations ou associations dans les prisons du pays. Une mesure « provisoire » et justifiée pour des raisons de sécurité, d’ordre et de contrôle dans les prisons par les autorités militaires au pouvoir depuis fin juillet 2023, suite au coup d’Etat.
Selon l’ONG « Prisonniers sans frontières », au 31 mai 2023, sur une population de plus de 22 millions d’habitants, le Niger compte 41 prisons « abritant » plus de 13 000 détenus dont 8 400 sont en attente de jugement. Parmi eux, 608 mineurs et 406 femmes. Comme dans d’autres pays, il y a une surpopulation carcérale et un taux d’occupation de 128 %. En interdisant les visites et l’aide aux prisonniers, la note ministérielle mentionnée rend les conditions de vie des prisonniers encore plus inhumaines qu’elles ne le sont. Avec moins de contrôle de la part des associations, les droits de l’homme sont également érodés ou confisqués. Parmi eux, le droit de se ‘’ressusciter’’, c’est-à-dire de célébrer la seule bonne nouvelle qui ouvre la porte à un avenir différent du passé. Les nouvelles autorités militaires ont approuvé la nouvelle « charte de la réforme » sans penser à la charte de la « résurrection ».
Certes, il existe de graves problèmes liés à l’insécurité, et l’évasion des dangereux prisonniers dans une prison de haute sécurité incite à la prudence. La confusion entre les moyens et la fin est l’un des plus grands obstacles à une véritable société démocratique. Nous sommes encore dans un régime d’exception qui devrait durer au moins cinq ans, c’est pourquoi il serait judicieux de permettre que la résurrection soit célébrée en prison. La refondation de l’histoire passe par des personnes libérées des chaînes du passé.
Mauro Armanino, Niamey, Pâques 2025