Le coup d’État qui a renversé le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023, a non seulement bouleversé l’équilibre politique du Niger, mais a également dévoilé les manipulations cachées de certains acteurs politiques qui, dans un premier temps, ont salué cet événement militaire, espérant en tirer un profit personnel. Cependant, la réalité de la situation s’est rapidement imposée, dévoilant les calculs et la dangerosité des ambitions politiques dissimulées derrière la façade de soutien au régime militaire. Cette situation, pleine de paradoxes et de calculs stratégiques, soulève des questions sur la nature de la transition politique et sur la sincérité des différents acteurs qui cherchent à y prendre part.
Dans un premier temps, après le coup d’État, une partie significative de l’opposition au régime renversé a manifesté son soutien aux putschistes, croyant naïvement que ce changement constituait une opportunité pour eux d’accéder au pouvoir. L’exaltation initiale des partisans du coup d’État s’est traduite par des manifestations de joie dans les rues de Niamey et d’autres régions du pays, célébrant ce qu’ils pensaient être le prélude à leur arrivée au pouvoir. Pourtant, à mesure que le temps passait, ces mêmes partisans ont progressivement pris conscience que ce coup d’État ne servait pas leur cause comme ils l’avaient envisagé. L’illusion d’une transition à leur profit a commencé à se dissiper, et l’enthousiasme initial s’est rapidement mué en désillusion.
Les premières critiques à l’encontre du régime militaire ont commencé à émerger, car les partisans de l’opposition au régime renversé ont constaté que les autorités militaires n’étaient pas disposées à les intégrer dans le processus de transition de manière significative. Ils ont compris que la transition militaire, loin de favoriser leur arrivée au pouvoir, risquait de verrouiller toute possibilité de leur retour en force. Cette réalité a conduit à une réévaluation de leur position, avec un retournement progressif des discours en faveur d’une nouvelle stratégie politique.
Ainsi, une fois annoncée la tenue des assises nationales pour définir le cadre de la transition et engager une réconciliation nationale, l’opposition au régime renversé, jusque-là reléguée au second plan, s’est immédiatement réorganisée. Cette nouvelle phase a été marquée par une volonté de s’investir pleinement dans les sous-commissions de ces assises, dans l’espoir d’influencer les recommandations et les résolutions qui en découleraient. L’objectif de cette implication était clair : verrouiller les mécanismes de pouvoir afin d’empêcher toute démarche susceptible de nuire à leurs ambitions. Les adeptes de cette opposition visaient à insérer des clauses qui favoriseraient leur retour en force, ou du moins garantir des conditions politiques qui favoriseraient l’exclusion de leurs adversaires. Dans cette logique, la réussite de leur projet politique ne semblait plus être une question de principe, mais de tactique et de temps.
Cependant, cette dynamique soulève plusieurs préoccupations majeures. D’une part, elle met en lumière le cynisme de certains acteurs politiques qui, après avoir applaudi un coup d’État, cherchent à exploiter cette situation pour leurs fins personnelles. D’autre part, elle révèle les dangers d’une transition qui, loin de constituer un espace d’inclusivité et de réconciliation, semble devenir un terrain de bataille pour des intérêts partisans étroits. En agissant de la sorte, les leaders de l’opposition au régime renversé ne font que renforcer les divisions au sein de la société nigérienne, en compromettant la possibilité d’une transition véritablement démocratique et inclusive.
Le président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), Chef de l’État, se trouve dans une position délicate. S’il met en œuvre les recommandations issues des assises nationales, il risque de voir son leadership de fait sérieusement fragilisé, car ces mêmes opposants n’agissent pas par solidarité ou soutien sincère, mais dans l’espoir de verrouiller le pouvoir en leur faveur. En d’autres termes, ils ne cherchent pas à contribuer à une transition apaisée et consensuelle, mais à exploiter la situation pour faire triompher leur propre agenda.
Il est donc important que le président du CNSP prenne en compte ces dynamiques politiques et ne se laisse pas manipuler par ceux qui, sous couvert de soutien à la transition, poursuivent avant tout leurs objectifs personnels. La vigilance doit être de mise pour éviter que la transition qu’ils qualifient de refondation ne se transforme en un piège, verrouillant le pouvoir entre les mains d’une élite qui n’a d’autre souci que de préserver son emprise. La clé de la réussite réside dans la capacité à maintenir un équilibre fragile, et cela en libérant tous les prisonniers en première ligne Mohamed Bazoum, ses ministres, ses proches et les citoyens injustement détenus dans les prisons du pays. Aussi, il faut décrisper la vie politique avec la remise en selle des partis politiques. C’est seulement avec cette posture qu’on peut véritablement garantir une transition réellement inclusive, tout en résistant aux tentatives de manipulation d’un jeu politique bien trop risqué pour la stabilité du Niger.
L’illusion d’un soutien désintéressé au régime militaire et la manipulation de la transition par certains groupes politiques risquent de compromettre les chances d’une sortie de crise véritablement démocratique au Niger. Les politiciens véreux, prêts à instrumentaliser n’importe quelle situation pour accéder au pouvoir, sont un piège dans lequel il serait fatal de tomber.
Mahamadou Tahirou