C’est le moins qu’on puisse dire : l’hôpital général de téférence de Niamey, censé être l’épicentre des soins de santé de qualité au Niger, se trouve aujourd’hui dans une situation préoccupante. Les témoignages de patients, accompagnateurs et professionnels de santé s’accordent à dire qu’un malaise profond s’est installé au sein de cet établissement. L’hôpital, autrefois reconnu pour ses prestations de santé de haut niveau, fait face à une crise multiforme, marquée par un manque de services essentiels, un déficit de personnel et une diminution drastique du soutien des partenaires internationaux.
Le constat est unanime : l’hôpital général de référence de Niamey souffre d’un manque flagrant de certains matériels des examens médicaux spécialisés. « Il y a des examens que l’hôpital ne peut plus faire, et on nous demande de nous rendre dans des cliniques privées », témoigne Maïmouna, une accompagnatrice dont la sœur, malade, a dû être orientée vers une clinique privée pour réaliser des analyses médicales essentielles. « C’est incompréhensible ! Pourquoi un hôpital de référence n’a-t-il pas ces équipements ? » s’interroge-t-elle.
Les patients ne sont pas les seuls à exprimer leur frustration. Des médecins et infirmiers, qui préfèrent garder l’anonymat, révèlent qu’ils sont contraints de rediriger les malades vers des structures privées en raison du manque de matériel médical et de services spécialisés. « Les équipements sont obsolètes, voire inexistants, il faut ajouter aussi que l’hôpital fait face à des coupes budgétaires. Cela dégrade sérieusement la qualité des soins », confie un médecin de l’hôpital.
Il arrive aussi que certains médecins spécialistes apportent leur propre matériel pour réaliser des prestations afin d’éviter aux malades d’aller vers des structures privées. Dans le passé, l’hôpital bénéficiait de l’appui de plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) internationales, qui organisaient régulièrement des missions foraines et des interventions chirurgicales spécialisées à l’intention des patients démunis. Cependant, ces partenaires se font désormais rares. « Les missions de Médecins du Monde étaient une bouée de sauvetage pour beaucoup de nos patients qui ne pouvaient pas se permettre les frais dans les cliniques privées. Mais ces missions se sont raréfiées », explique un expert en santé publique sous couvert d’anonymat.
L’absence de ces partenariats impacte gravement l’accès aux soins pour les populations les plus vulnérables. « Les patients viennent chercher des soins, mais ils repartent souvent sans réponse, faute de matériel ou de spécialistes. C’est une situation désastreuse », déclare un membre d’une organisation humanitaire.
L’un des problèmes majeurs de l’hôpital est le manque de personnel. En effet, l’hôpital a été impacté par une vague de licenciement abusif de plus de 180 agents, dont des médecins et des infirmiers contractuels, en juillet 2024. Ces départs massifs ont laissé un vide inquiétant dans un établissement déjà saturé par la demande de soins. « Nous manquons cruellement de personnel. Les patients attendent des heures, parfois des jours, avant de recevoir des soins. Cette situation est inacceptable », déclare un infirmier de l’hôpital.
Le ministre de la Santé, lors de sa dernière intervention sur Télé Sahel, dans le cadre de la présentation du bilan de mise en œuvre de sa lettre de mission a affirmé que la situation de l’hôpital était sous contrôle. Mais les critiques fusent de toutes parts. « Le ministre semble déconnecté de la réalité. Il n’est peut-être pas au courant de la situation, ou bien il choisit la langue de bois », estime un syndicaliste du secteur de la santé. Ce silence préoccupant de la part des autorités interroge. Les syndicats ont d’ailleurs multiplié les sorties médiatiques pour alerter sur l’état de délabrement des établissements publics de santé.
L’hôpital général de référence n’est pas un cas isolé. De nombreux autres établissements de santé publique à travers le pays connaissent des difficultés similaires. A l’hôpital Amirou Diallo (ex CHU), des interventions chirurgicales avaient été reportées faute de produit d’anesthésie. A la maternité Issaka Gazobi, ce sont des gants qui manquent. Face à ce constat alarmant, les populations sont de plus en plus inquiètes. « Où va-t-on aller pour se soigner si même l’hôpital de référence ne peut plus assurer les soins de base ? » s’inquiète Mohamed, un habitant de la capitale. L’absence de solutions visibles et la lenteur des réformes dans le secteur de la santé laissent un goût amer parmi les citoyens. La situation exige une intervention urgente des autorités, pour éviter que l’hôpital ne perde définitivement sa place de pilier du système sanitaire nigérien.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du 20 Février 2025