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Niamey
27 février, 2025
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Point de vue : La militarisation de la politique ou plutôt la politique militarisée

Dans plusieurs Etats d’Afrique de l’Ouest (et pas seulement), les militaires sont au pouvoir et la militarisation de la politique qui découle de cette combinaison peint les photos de famille des ministères, des gouvernements et des institutions de l’incontournable couleur kaki. Le coup d’État en politique n’est pas du tout le fruit du hasard car il a étendu l’application de l’adage tant cité de Carl von Clausewitz … : « La guerre n’est donc pas un simple acte politique, mais un véritable instrument de la politique, une continuation du processus politique, une continuation de celui-ci par d’autres moyens ». À notre époque, les bellicistes, les fabricants d’armes et de guerres ont apparemment gagné, parce qu’à la base, l’économie a été réduite à un champ de bataille. La politique, qui aurait dû la diriger pour servir le bien commun, a choisi de se déguiser en sa servante obéissante et soumise. Avec une démocratie asservie à l’argent, l’attrait des uniformes de colonels et de généraux est presque irrésistible pour ceux qui se sont sentis trahis par des politiciens cupides et corrompus.

La militarisation de la politique imprègne la société et la vie quotidienne. Ce n’est pas un hasard si les citoyens sont appelés ou destinés à se transformer en soldats, prêts à tout donner pour la patrie telle qu’elle est imaginée ou déclinée par les militaires. Le temps, lui aussi, se militarise et, bien sûr, dans les États qui ont renversé des régimes civils ou remplacé des régimes militaires, on parle de transition, de refondation, de régénération ou d’une autre histoire qui commence. Les régimes militaires, « obéissant » à la volonté du peuple, auront besoin d’un mandat de cinq ans ou plus (renouvelable) pour redéfinir le cadre idéal d’un État enfin et définitivement souverain. Mais le peuple, obstiné, fera tout pour que la junte militaire au pouvoir puisse se présenter aux futures élections qui seront, selon toute vraisemblance, libres, transparentes et inclusives. Tout sera enfin nouveau car ce qui a été fait jusqu’à présent n’était qu’une vulgaire politique d’enrichissement personnel et de démolition des prérogatives de l’Etat.

Pourtant, ce qui est le plus militarisé, c’est la pensée. Des mots à la pensée, il n’y a qu’un pas car la pensée utilise des mots et les mots créent et définissent la pensée. La pensée militarisée est celle qui imagine le monde et la société sous forme de casernes où tout est sous contrôle hiérarchique. Entre le « ministère de la défense » et le « ministère de la vérité », le pas est court et l’on passe de l’un à l’autre avec pour conséquence que la lecture de la réalité ressemble plus à un monolithe qu’à un ruisseau qui coule au gré des terrains qu’il rencontre. Il n’y a qu’une seule lecture et donc une seule stratégie, celle que la pensée militarisée aura conçue et que l’assentiment des peuples rendra effective. Avec l’assentiment du peuple, les militaires au pouvoir seront des généraux autopromus et l’un d’entre eux aura le titre de président de la République. Une amnistie est proposée pour ceux qui ont perpétré le « coup d’État » alors que le président déchu est toujours emprisonné dans le palais présidentiel. La pensée militarisée a besoin d’un ennemi pour chaque circonstance. Le sage philosophe chinois Xunzi a bien rappelé que « le roi est un bateau et le peuple est l’eau. L’eau peut soutenir le bateau et l’eau peut le renverser ».

Mauro Armanino, Niamey, février 2025

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