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2 février, 2025
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Présentation du bilan des ministres d’Etat : Du bric-à-brac communicationnel !

Le président du CNSP, chef de l’Etat, le général Tiani, a décidé de soumettre ses ministres à un exercice de redevabilité en présentant le bilan de la mise en œuvre de leurs lettres de mission. C’est une bonne initiative même si elle avait eu cours par le passé. En soi, cet exercice n’est pas nouveau. Il n’y a donc aucune gloriole à tirer en le faisant. Mais cet exercice aussi louable soit-il pose un double problème tel qu’il est mené. Dans la forme, les ministres passent sur le plateau de Télé Sahel avec des journalistes qui posent des questions « amicales », sans les questions qui fâchent, et dans le fond, les points des lettres de mission ne sont pas exhaustivement faits.

Ce sont les deux ministres d’Etat qui ont inauguré le bal de la présentation des bilans. Il s’agit des généraux Salifou Mody et Mohamed Toumba, en charge de la Défense et de l’Intérieur. Deux poids lourds du système CNSP mais aussi les ministres qui ont la charge d’une question régalienne, à l’origine officiellement du coup d’Etat du 26 juillet 2023. C’est sans doute pourquoi, les Nigériens avaient manifesté le plus grand intérêt pour suivre leurs prestations. On a entendu des vertes et des pas mûres. Sans surprise, la France colonialiste s’y était invitée ; la France responsable de tous nos malheurs et contre-performances. D’autres puissances aussi même si c’était à des degrés différents. La tonalité du discours contre la France et les impérialistes n’a pas varié depuis le coup d’Etat là où les Nigériens attendent des réponses précises et rassurantes sur les capacités de l’Etat à assurer leur sécurité et leur mobilité sur l’ensemble du territoire national.

Avant le 26 juillet 2023, le Niger n’avait pas de mot à dire sur sa sécurité, disait en substance le général Mody en parlant sans sourciller de « charlatanisme sécuritaire ». Le mot « charlatanisme » a peut-être tout son sens dans un contexte où les boka sont aussi mis à contribution pour que le Niger retrouve la paix et la sécurité. Son collègue Toumba parlera de « sous-traitance » de la sécurité. Les deux se rejoignent sur l’analyse pour dire que le Niger n’avait pas sa souveraineté sécuritaire parce que ce sont les forces occidentales, amenées au Niger à l’époque du président Issoufou Mahamadou, qui dictaient la conduite à tenir. On se rappelle que l’ex président considérait le Niger, en particulier, et le Sahel, en général, comme la frontière naturelle de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme.

Ces deux généraux auraient été plus pertinents à faire ce procès si à l’époque ils n’assumaient pas de hautes fonctions dans la hiérarchie militaire, donc en mesure de dire stop aux dirigeants de l’époque. On n’avait pas aussi compris pourquoi ils insistaient, comme dans la proclamation du coup d’Etat, sur des drames que notre pays a connus du fait des groupes terroristes et criminels à Inatès, Chinagodar ou dans le lit du lac Tchad. Ces drames ne sauraient justifier le coup d’Etat car ils étaient intervenus au moment où le président Bazoum, qui a été victime du putsch, n’assumait pas les fonctions suprêmes. A l’époque, rappelons-le, c’était le président Issoufou qui était à la tête de notre pays.

Des copies à revoir

Dans le fond, ces prestations n’ont pas atteint leur objectif parce que les ministres se doivent de répondre avec force détails à chaque point de leurs lettres de mission afin que les citoyens soient édifiés sur ce qui a été effectivement réalisé, avec quels moyens, et les perspectives qui s’offrent.  Ce qui aurait aussi permis au général Tiani, commanditaire de cet exercice, de se faire une idée plus claire de la capacité de ses ministres à régler les problèmes des Nigériens. Par exemple, il aurait été pertinent de savoir les pertes infligées aux terroristes, si leurs bases ont été effectivement détruites et leurs capacités opérationnelles anéanties, etc. Il est bon de comparer avec des éléments d’analyse précis la période post et avant 26 juillet 2023 afin de mesurer les progrès enregistrés en matière de sécurité des personnes et de leurs biens, le nombre de villages qui ont à nouveau accueilli leurs habitants qui avaient quitté à cause de l’insécurité, le maillage territorial des Forces de défense et de sécurité, etc. Surtout que certains responsables avaient promis qu’en seulement 6 mois, le CNSP mettra fin au terrorisme au Niger.

On a entendu le général Mody se plaindre du blocage de nos matériels de guerre par le Bénin et des puissances occidentales. On l’apprend pour la première fois. Comme l’a dit une dame âgée sur les réseaux sociaux, peut-on passer par le Bénin alors que le CNSP a un contentieux avec ce pays ? Doit-on acheter ces matériels en Occident avec lequel le CNSP a maille à partir ?

On a aussi entendu le général Toumba parler de la suspension des ONG et du retrait d’autorisation d’exercice à des sociétés de sécurité privées. Mais jamais il n’a fait cas du coût humain de ces mesures car ce sont des milliers de Nigériens qui ont ainsi perdu leur emploi. Or le CNSP n’a pas vocation à accroitre le nombre de chômeurs au Niger. Sans doute, il entendait trouver du travail à tous, avec une gouvernance plus vertueuse, qui constitue, du reste, le second argument justificatif de son coup d’Etat. Le général aurait été plus inspiré en donnant les chiffres de ceux qui ont perdu leur emploi suite à ses mesures.

Le ministre d’Etat Toumba a aussi annoncé un nouvel aménagement du territoire avec la création de nouvelles régions. Son argument est qu’au Mali et au Burkina Faso, les deux autres pays de l’AES, ils ont un nombre de régions plus important. Pourquoi pas chez nous, indique Toumba, en pensant que c’est ainsi qu’on peut rapprocher l’administration des administrés. L’aménagement du territoire n’est pas une affaire de mimétisme. C’est un procédé plutôt complexe parce que les réalités locales et les traditions administratives sont différentes selon les pays.

Tel que les deux ministres d’Etat ont présenté leurs bilans, il est peu probable qu’il y ait eu beaucoup de Nigériens qui ont compris ou appris grand-chose.

La rédaction

L’Autre Républicain du jeudi 30 janvier 2025

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