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19 janvier, 2025
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Ordonnance relative à l’entrée et le séjour des étrangers : L’isolement, le pire des conseillers !

‘’Le 13 janvier 2025, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, Président du CNSP et Chef de l’État, a signé une ordonnance concernant l’entrée et le séjour des étrangers au Niger’’, selon un communiqué du Secrétariat Général du Gouvernement. La raison invoquée vise à ‘’renforcer la sécurité nationale face aux risques d’infiltration et de déstabilisation’’. Les observateurs se demandent si la junte n’est pas allée à Canossa avec l’abrogation de la loi sur l’immigration ? D’aucuns voient plutôt une mesure économique pour mettre à contribution la Direction de la Surveillance du territoire (DST) au profit du Trésor national. Au nom du tout sécuritaire, le général Tiani ne risque-t-il pas de basculer le Niger dans un isolement sans précédent ?

Nos juristes ont du talent, pourrait-on dire. A bien lire l’esprit de cette ordonnance, elle vous plonge dans la pièce théâtrale de la troupe Yazi Dogo ‘’Sarki ya hana sauke bako’’, autrement dit ‘’le chef a interdit d’héberger un étranger’’. A la soirée de gala retransmise en direct, à Dosso, le 31 décembre 2024, la troupe théâtrale de la RTN avait, de façon prémonitoire, interprété cette œuvre de Yazi Dogo et Cie. Nul doute que cela avait inspiré les sécurocrates de la junte jusqu’à demander aux juristes du sérail d’accoucher un texte législatif.

L’Ordonnance du 13 janvier décline les conditions d’entrée et de séjour au Niger comme suit : la détention obligatoire de titres et documents de voyage ou de séjour valides ; la déclaration obligatoire auprès de la police pour toute personne hébergeant un étranger, sous peine de sanctions. Pour la première condition, on peut faire observer que les étrangers qui viennent par avion satisfont nécessairement à cette demande dans tous les pays du monde. L’ordonnance jette un pavé dans la marre à propos de la carte de séjour dans l’espace CEDEAO. L’on se souvient de la déclaration des trois chefs d’Etat de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) sur la libre circulation des personnes et des biens. Désormais les ressortissants de la CEDEAO seront-ils astreints à la carte de séjour au Niger ? La question reste posée. Le moins qu’on puisse dire, l’ordonnance du 13 janvier est en porte-à-faux avec l’engagement des leaders de l’AES.

L’ordonnance a prévu également des sanctions administratives contre les contrevenants qui vont de l’expulsion, refoulement, rétention administrative, rapatriement à la reconduite à la frontière.

Les sanctions pénales sont déterminées de 2 à 5 ans d’emprisonnement et 5 à 50 millions de FCFA d’amende pour : non-respect d’une mesure d’expulsion ou de refoulement ; et facilitation de l’entrée, circulation ou séjour irrégulier des étrangers, avec confiscation des moyens utilisés.

Au moment où les populations s’attendent impatiemment à la réouverture de la frontière avec le Bénin comme alternative crédible pour alléger la vie chère au Niger, l’ordonnance concernant l’entrée et le séjour des étrangers au Niger envoie comme message aux Nigériens qu’au nom de la sécurité qu’ils doivent davantage serrer leurs ceintures : le Bénin constitue une menace pour la sécurité nationale par conséquent il est hors de question de s’ouvrir à cette enclave française, comme qui dirait.

La mesure donne également l’impression que le gouvernement du Niger voudrait recourir à l’instauration d’une carte de séjour aux étrangers. Il n’y a rien à redire mais il faut tout de même s’inquiéter pour les Nigériens de la diaspora. Il faudrait penser à tous ces concitoyens qui, hier comme aujourd’hui, constituent les greniers de leurs parents des villes et villages. Si un pays comme la Côte d’Ivoire avait eu recours à la carte de séjour depuis le temps d’Houphouët Boigny, c’était pour mieux réguler l’immigration car les jeunes burkinabè, maliens et nigériens envahissent ce pays à un rythme effréné.

Nul doute que la sécurité vient avant l’économie mais franchement il faut savoir raison garder. En dehors des passants pour rejoindre l’Europe, le Niger n’héberge pas d’étrangers autant que ses voisins. L’application de la réciprocité aux citoyens nigériens dans certains pays de la CEDEAO pourrait se ressentir même dans les villages les plus reculés du Niger.

C’est Miguel de Unamuno qui a dit : « L’isolement est le pire des conseillers ». Contacté par nos soins sur les conséquences de cette ordonnance, un juriste a réagi en ces termes : « L’ordonnance introduit des sanctions pénales sévères aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers au Niger régies jusque-là par le décret de 1987. Il faudrait craindre le risque d’isolement du pays par rapport aux étrangers qui pourraient éviter la destination Niger et créer des soucis à ceux qui y sont déjà rentrés et qui ne seraient pas en règle ».

Nous l’écrivions, en septembre 2024, pour dénoncer l’enchainement des mesures liberticides, au lieu de faire face aux grands défis qui assaillent le pays, le régime du général Tiani excelle dans le montage des artifices pour attenter à la liberté d’expression. D’où l’éclosion des mesures scélérates constatée aujourd’hui dans notre pays. Et le plus inquiétant, c’est le silence des contre-pouvoirs voire ‘’la mort de la citoyenneté’’. Après les décisions de déchéance de nationalité, les séquestrations, les gels des comptes, la déportation des voix discordantes…, la saga continue.

Elh. M. Souleymane

L’Autre Républicain du jeudi 16 janvier 2025

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