Une semaine seulement après son message à la Nation à l’occasion du 66è anniversaire de la proclamation de la République du Niger, le président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), chef de l’Etat, le général de brigade Abdourahamane Tiani, a accordé un entretien à la Radio-Télévision du Niger (RTN), ce mardi 25 décembre 2024 en langues nationales Hausa et Zarma et en français. Qu’est-ce qui pourrait justifier cette nouvelle adresse ? Voudrait-il annoncer des perspectives sur les plans économique et financier et dans la conduite de la transition, presque un an et demi après l’arrivée du CNSP au pouvoir ? Non, rien de tout cela. Le général Tiani s’est exprimé sur des questions essentiellement sécuritaires sur fond de dénonciations des actes jugés « subversifs » de certains pays et chefs d’Etat contre le Niger.
Des dénonciations en série
Le général Tiani n’a pas mis de gants encore moins de considérations diplomatiques pour accuser des pays et des chefs d’Etat dans les manœuvres de déstabilisation contre le Niger. Il a annoncé que c’est la France qui finance le terrorisme au Sahel ; elle a déjà « déversé plusieurs milliards de FCFA dans le lit du lac Tchad, entre les mains de Boko Haram, El-Bakoura de l’Etat Islamique dans les provinces d’Afrique de l’ouest aux ordres d’un certain Abou Moussa El Barnawi, au niveau de Sokoto, Zamfara, Kebbi (au Nigeria), à l’intérieur du Bénin dans la région de W, à Tamou, Torodi et un peu plus loin ». En d’autres termes, outre le bassin du lac Tchad, la France s’est investie aussi au Nigeria, au Bénin, au Niger pour chercher à déstabiliser notre pays. Il n’y a pas que le financement selon le général Tiani ; il y a aussi des matériels de guerre qui sont livrés aux terroristes à travers des points focaux au Niger et au Burkina Faso dont des mines anti personnel dont l’utilisation est pourtant formellement interdite dans le monde.
La France a étendu ses tentacules jusqu’en Afrique centrale où dans un pays, dont il n’a pas cité le nom, un centre d’instruction des terroristes a été ouvert. Un autre centre de même nature est aussi créé dans le parc W côté Bénin. Ce pays avait acquis des drones d’option militaire avec vision nocturne qui ont été « distribués » aux terroristes à Sokoto, Zamfara et Kebbi, des Etats du nord Nigeria, dans le parc du W et dans la zone des trois frontières, annonce le président du CNSP. Cette distribution s’était faite avec la collaboration des forces spéciales françaises installées au Bénin.
Le général Tiani indexe aussi des personnalités de plusieurs pays comme l’ancien patron de la National Intelligence Agency du Nigeria. Il n’a pas été avare en révélations : il confirme que les autorités nigériennes ont suivi la répartition de ces matériels aux terroristes et détiennent des preuves pour cela. Les autres puissances occidentales, sans les citer, sont accusées d’être complices de la France.
La Côte d’Ivoire est aussi citée pour avoir abrité une formation d’«une centaine d’agents subversifs » qui sont censés déstabiliser les pays de la Confédération AES.
Deux centres d’instruction ont été ouverts au Niger et au Burkina, à la frontière avec notre pays. A la fin de l’année 2024, ces centres devaient former 400 terroristes. Selon un analyste, ces centres, qui sont identifiés, doivent être littéralement détruits tout comme la trentaine de véhicules qui ont quitté Ti-n-Zaouâtene, au Mali, et qui doivent faire jonction dans le nord du Niger avec d’autres éléments terroristes, comme annoncé par le chef de l’Etat. La France devait déployer 150 hommes mercenaires dans le nord du pays avec le soutien d’autres mouvements rebelles et groupes terroristes dont Boko Haram.
Beaucoup de détails opérationnels ont été donnés par le général Tiani au cours de cet entretien. Preuve qu’il dispose de quantité de renseignements sur la situation sécuritaire dans le Sahel et les pays voisins, fait observer un analyste.
Le général Tiani est convaincu que la France n’a pas l’intention de quitter l’Afrique. C’est pourquoi, elle entend déployer des forces particulières dans six pays à savoir le Bénin, la Guinée (deux pays où elle dispose de forces spéciales), le Congo Brazzaville, la RD Congo, la Mauritanie et le Cameroun, a-t-il ajouté. Elle dispose des missions de défense au Nigeria et au Ghana, et bientôt en Tanzanie, au Botswana, et en Namibie. Pour le général Tiani, c’est à partir des cellules dont elle dispose sur le continent que la France nuit aux pays africains.
Des récusations en chaine
Des officiels des pays accusés d’avoir partie liée avec le plan de déstabilisation du Niger ont tenu à réagir. Le ministre béninois des Affaires étrangères a convoqué, lundi 30 décembre, la chargée d’affaires de l’Ambassade du Niger à Cotonou qui était accompagnée, pour l’occasion, de son adjoint et de l’attaché de défense. Le ministre a élevé une vive protestation contre les accusations de velléités de déstabilisation portées sur son pays. Le Bénin dit ne pas se reconnaitre dans des opérations de déstabilisation du Niger. Le ministre béninois a adressé un courrier à son homologue nigérien pour inviter les autorités nigériennes à éviter toute « escalade verbale » et à promouvoir le dialogue constructif auquel le Bénin dit être attaché. C’est sans doute dans ce sens que ce pays aurait proposé, il y a quelques temps, une rencontre des chefs d’Etat-major des armées béninoises et nigériennes pour déterminer un dispositif de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée dans le cadre d’une synergie d’action entre les deux pays confrontés aux mêmes défis sécuritaires.
Même tonalité du côté du chef d’Etat-major des armées ivoiriennes qui, dans un communiqué, en date du 28 décembre dernier, rappelle que les Forces armées de Côte d’Ivoire « demeurent concentrées sur la défense et la sécurité de la Côte d’Ivoire ». Leur vocation est de contribuer à la paix et à la stabilité de la sous-région.
Son homologue du Nigeria ainsi que le Conseiller à la sécurité nationale du président Ahmed Tinubu ont rejeté les accusations portées contre leur pays. Ils ont invité les médias à se rendre dans les zones indiquées par le chef de l’Etat nigérien et de rendre compte à leurs publics de ce qu’ils auront vu et entendu. Les deux officiels ont annoncé que leur pays tient à la sécurité du Niger voisin et frère.
Il est particulièrement important voire urgent que les pays africains cités et le Niger reprennent langue pour discuter des questions sécuritaires qui restent, malgré tout, une préoccupation de tous les instants des pays du Sahel central et ceux du golfe de Guinée. La diplomatie doit nécessairement reprendre ses droits car les peuples aspirent à la paix, à la sécurité et à la coexistence pacifique.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 2 janvier 2025