Dans une tribune du 7 décembre 2024, un confrère a engagé une vigoureuse philippique contre ce qu’il a appelé « le jeu perfide » de ceux qui, selon lui, veulent perturber les orientations de la transition et la faire dévier de ses objectifs. Selon l’auteur de cet article, les autorités militaires au pouvoir ont, à différentes occasions, fixé le cap de la transition visant à mettre de l’ordre dans les organes de l’Etat, conduire les réformes nécessaires et passer le pouvoir aux autorités civiles élues.
Si l’auteur de l’article était convaincu de l’existence d’un tel cap, qu’a-t-il besoin de s’en prendre à des acteurs qui, suivant les portraits qu’il en a dressés, sont des personnages de peu d’importance ? En daubant sur Abdourahamane Oumarou dit Abder qu’il présente comme un cabotin, que dit-il de neuf sur un personnage que les Nigériens ne connaissent que trop bien ? Son algarade contre Sani Adamou de l’ORDN Tarmamoua, n’est-ce-pas Don Quichotte ferraillant contre des outres de vin croyant à faire à de preux chevaliers ?
La sempiternelle et rageuse dénonciation de la perfidie des Ibrahim Bana et autres Maikoul Zodi, n’est-ce pas un moyen trop commode pour être crédible sur la durée de se procurer des souffre-douleurs à peu de frais ?
N’est-il pas temps pour Issoufou Mahamadou de recouvrer sa lucidité et faire preuve de courage ? Car contrairement à ce que dit le confrère, les autorités militaires n’ont jamais fixé le cap dont il parle. Certes dans son discours annonçant le putsch, le général Tiani avait, au détour d’une phrase, parlé d’une transition qui n’excéderait pas 3 ans. Mais force est de constater que depuis la création de l’Alliance des États du Sahel (AES), le mot “transition” a disparu du lexique officiel.
Au mois de juillet 2024, Tiani a rendu public un document présentant sa « vision » qui s’articule autour de 4 axes : la sécurité, le développement, la bonne gouvernance et les réformes sociales.
Dans cette vision, il ne figure aucune forme d’allusion à la démocratie, à plus forte raison à des élections. Mieux, au cours d’une interview à la RTN, Tiani a dit que la démocratie a été imposée à nos pays par la France à l’occasion de la conférence de la Baule de 1990 pour exploiter nos richesses.
A l’occasion de son discours de l’an 1 du putsch du 26 juillet il a déclaré que le coup d’État est devenu un vaste mouvement de libération nationale et de reconquête de la dignité populaire et que désormais le mot d’ordre est à la refondation de l’État. C’est cela, avait-il expliqué, qui est au fondement de l’AES.
Enfin dans son adresse à la Nation du 17 décembre dernier, alors que nombre d’observateurs s’attendaient à des décisions relatives à l’agenda de la transition et de son terme notamment, Tiani a plutôt annoncé la création d’une fédération du Sahel. Autant dire une utopie dont l’horizon reculera au fil du temps.
Après tout cela, Issoufou Mahamadou a-t-il besoin d’un dessin pour se faire l’idée qui convient quant au sort du pacte faustien qui avait présidé au putsch du 26 juillet ?
Pense-t-il vraiment que sa stratégie de communication visant à circonvenir les militaires en les caressant dans le sens du poil puisse l’aider à faire changer le cours des choses ?
Croit-il un instant que ses récents bains de foule de Tahoua, indécents s’il en est (parce que panachés à un événement funèbre) sont susceptibles d’impressionner qui que ce soit ? Ils servent tout au plus aux transports narcissiques qu’il affectionne, lui qui est en toutes circonstances obsédé par son auto-célébration. Mais rien de plus.
Qu’il le veuille ou pas, la junte a un cap et il s’appelle Refondation, comme au Mali et au Burkina. Pour avoir naguère conquis le pouvoir de haute lutte et l’avoir exercé pendant 10 ans il en connaît le prix et le coût mieux que quiconque. Il va donc lui falloir courageusement renoncer au beurre ou à l’argent du beurre. Son retour au pouvoir n’est pas la partie de plaisir qu’il avait pensée.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 26 décembre 2024