Le ministre du Commerce et de l’Industrie a suspendu, le 29 novembre 2024, les activités commerciales de certains établissements de vente de ciment. Cette décision fait suite au non-respect, dit-on, des nouveaux tarifs fixés par le gouvernement concernant la vente de la tonne de ciment gris, selon les termes de l’arrêté n°0105/MCAVMEF en date du 16 octobre 2024. Le prix de la tonne de ciment 32.5 est fixé à 55.000 F alors qu’il est de 65.000 F sur les marchés.
Cette suspension temporaire va durer quinze jours. Elle touche plusieurs acteurs du secteur, et cette décision met en lumière une réalité qui démontre l’impossibilité pour certains commerçants de maintenir leur activité en raison de l’insuffisance des marges bénéficiaires sous ces nouveaux tarifs.
Le gouvernement, par cette intervention, semble jouer un rôle de régulateur du marché en imposant un tarif uniforme pour la tonne de ciment gris, dans un souci de protéger les consommateurs contre des hausses excessives des prix. Cependant, cette décision ignore les conditions réelles de fonctionnement de ces établissements, qui doivent composer avec des coûts de transport élevés et des charges variables de manutention qui alourdissent considérablement le prix de revient du ciment.
Selon quelques revendeurs grossistes, interrogés par nos soins, le prix fixé par l’État est insuffisant pour couvrir leurs coûts de revient. Or, un tarif qui ne permet pas de réaliser un minimum de marge bénéficiaire pousse inévitablement ces acteurs économiques dans une impasse, et peut même les contraindre à se retirer du marché.
L’un des principaux obstacles réside dans le coût élevé du transport du ciment. Le Niger, vaste pays enclavé, fait face à des défis logistiques majeurs qui pèsent lourdement sur le prix de revient des marchandises. Les commerçants qui approvisionnent les différents points de vente doivent faire face à des coûts de transport variables en fonction des distances, des routes, et de la fréquence des livraisons. Ces coûts additionnels ne sont pas pris en compte par le gouvernement, qui semble ignorer les réalités locales du secteur de la distribution. L’absence de prise en compte de ces variables dans la fixation des prix de vente constitue une source majeure de frustration pour les commerçants, qui se trouvent dans l’incapacité de maintenir leur activité.
L’impact de ces nouvelles régulations est d’autant plus marqué lorsqu’on observe la rétraction progressive du secteur. De nombreux établissements ont, ces derniers mois, décidé d’abandonner l’activité commerciale du ciment, une décision drastique qui témoigne d’un malaise profond. Avant l’instauration de ces nouveaux tarifs, ces acteurs économiques réussissaient à réaliser un revenu suffisant, mais aujourd’hui, les marges se sont réduites à néant. Ce phénomène de retrait, qui a entraîné la fermeture de plusieurs points de vente, démontre que l’application uniforme des tarifs de vente du ciment ne tient pas compte de la diversité des contextes locaux et des spécificités du marché.
Ainsi, plutôt que de protéger les consommateurs, cette régulation pourrait contribuer à une raréfaction de l’offre. L’absence de diversité dans les distributeurs de ciment pourrait, à terme, créer une pénurie ou entraîner une hausse artificielle des prix sur le marché parallèle, là où les tarifs sont fixés sans régulation. Ce phénomène ne serait pas dans l’intérêt des consommateurs, qui risqueraient d’être pénalisés par une offre moins abondante et des prix plus élevés dans un cadre informel.
Pour remédier à cette situation, le gouvernement devrait envisager une approche plus souple et davantage axée sur la réalité du marché. Une régulation tarifaire ne devrait pas se limiter à l’imposition de prix fixes, mais plutôt s’appuyer sur des mécanismes qui prennent en compte les coûts réels des commerçants, incluant les coûts de transport, de manutention et de stockage. Une telle régulation pourrait permettre aux commerçants de réaliser un bénéfice raisonnable tout en maintenant des prix accessibles pour les consommateurs.
Il serait également pertinent de mettre en place des mesures d’accompagnement, telles que des subventions ciblées pour alléger les charges de transport ou la création de fonds de soutien pour les entreprises de distribution. Ces mesures permettraient de concilier régulation des prix et viabilité économique des commerçants.
Mahamadou Tahirou
L’Autre Républicain du jeudi 5 décembre 2024