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20 décembre, 2024
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Mohamed Bazoum : Un otage encombrant !

Par Elh. M. Souleymane

C’est un truisme de dire que 17 mois après le coup de Jarnac du 26 juillet 2023, le président Bazoum reste et demeure un otage encombrant pour le CNSP comme pour son camarade de 30 ans, l’ancien président Issoufou Mahamadou pour ne pas le nommer. D’aucuns disent que sa détention serait synonyme d’une assurance vie pour ses tombeurs civils et militaires. L’initiative diplomatique du Maroc (lire page 4) pourrait constituer une bouée de sauvetage pour se débarrasser d’une épine dans le pied.

Non contents d’en faire une victime, une campagne de dénigrement contre le président Bazoum et sa famille via les réseaux sociaux et les médias traditionnels est mise en œuvre par les commanditaires du putsch. On reste toujours dans la légitimation de la rupture de l’ordre constitutionnel parce qu’avec le recul, les arguments tirés par les cheveux pour justifier le 26 juillet à savoir l’insécurité et la mauvaise gouvernance s’avèrent fallacieux. Il faut tous les jours justifier le coup d’Etat. Que du bric-à-brac.

A travers cette campagne de communication, l’objectif est au moins double : premièrement, divertir l’opinion publique dans la formulation d’un certain nombre d’exigences dans la gouvernance actuelle, et deuxièmement, présenter le président Bazoum sous un mauvais jour, lui ôter la réputation de « Monsieur propre » que l’opinion retient toujours de lui. Il est de notoriété publique que le président Bazoum n’est pas le prototype de dirigeant corrompu et clientéliste que nous connaissons sous nos tropiques. Il faut battre en brèche cette belle réputation et le faire passer comme d’autres dirigeants gagnés par la vénalité et des attitudes grégaires.

C’est pour traduire dans les faits ce double objectif qu’une liste imaginaire a été concoctée pour présenter des parents de Bazoum comme bénéficiaires des marchés de l’Etat et des entreprises publiques. Comme si être parent de Bazoum vous soustrait du bénéfice des droits attachés aux citoyens nigériens. Certains ont eu la surprise de leur vie en voyant leur nom sur la fameuse liste alors qu’ils n’ont postulé à un quelconque marché.

Bazoum, une épine dans le pied de la junte

Conscients que leur plan initial consistant juste à déposer Bazoum et continuer allègrement à gérer les affaires tel que conçu par leur parrain, les militaires ont buté à une résistance farouche à l’œuvre de démolition des institutions républicaines. Le refus du président Bazoum de rendre sa démission s’avère un impondérable dans la mise en œuvre du coup de sorte qu’aujourd’hui encore la transition n’a pas encore commencé, le Niger est toujours dans le coup d’Etat à la différence du Mali et du Burkina, dira le politologue Rahmane Idrissa.

Face à la détermination du président Mohamed Bazoum à faire valoir les principes démocratiques et le respect des droits humains, la junte avait pensé qu’il suffisait de le dénigrer par la désinformation pour ternir son image aux yeux des Nigériens. Plusieurs complots et fausses accusations ont été ourdis contre lui. Des débats au vitriol ont été organisés par la junte et ses soutiens dans l’optique de lyncher leur victime en la personne de Bazoum qui serait l’incarnation des intérêts étrangers au Niger. Il était présenté comme un terroriste ou leur suppôt ; le débat vicieux sur sa nationalité est ravivé; il serait  également seul responsable de tous les impairs de la gouvernance PNDS-Tarayya des 12 ans !

Après la satire tendant à salir sa réputation avec la contribution des ‘’chiens de garde’’, il fallait procéder à des arguties juridiques dans l’optique d’incarcérer Bazoum avec du vernis juridique. La Cour d’Etat créée par les putschistes a fini par lever son immunité. Il ne restait plus qu’à le déposer dans une maison d’arrêt. Peine perdue, le général ne peut s’éloigner de son otage qui serait une sorte d’assurance vie pour lui. Au lieu d’incarcérer le président Bazoum, la junte est plutôt en train de concocter des textes pour faire du palais présidentiel aussi un lieu de détention comme une prison. Quid du procès contre lui ? Apparemment c’est passé comme un feu de paille car personne n’en parle. Et ce n’est pas une surprise car s’il y a quelqu’un qui voudrait aller à ce procès avec empressement c’est bel et bien Mohamed Bazoum qui aura l’occasion de se défendre dans un cadre civilisé. Il va sans dire que le cas Bazoum est un choix cornélien pour la junte : le statu quo est invivable et le procès est risqué pour les démolisseurs des institutions.

Un deal faustien pour Issoufou Mahamadou

Une sagesse populaire de chez nous dit que ‘’si tu veux creuser un trou piégé, fais-le moins profond car il se pourrait que tu tombes dedans”. C’est ce qu’on pourrait dire de l’ancien président Issoufou Mahamadou. Accusé d’être l’instigateur des évènements du 26 juillet, Issoufou Mahamadou, dos au mur, sort de ses gonds comme un fauve blessé pour achever le président Bazoum. Non content de l’avoir fait déposer, il se rend à l’évidence que les choses ne se passent plus comme il les a prévues de façon simpliste. La guerre de l’information qu’il avait engagée pour discréditer Mohamed Bazoum dans l’optique de l’enterrer vivant politiquement n’a produit que des effets contraires. Bazoum est plus que jamais en bonne posture au moment où l’image d’Issoufou est en chute libre à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. L’heure du retour de la manivelle a-t-elle sonné ?

Il avait sous-estimé le génie politique qu’est Bazoum Mohamed qui l’a toujours protégé comme un fusible durant leur longue amitié et complicité. Aujourd’hui en mauvaise posture, Issoufou Mahamadou et ses soutiens font feu de tout bois pour soit déchoir Bazoum de ses droits civils et politiques ou concocter tout scénario du pire pourvu que Bazoum soit hors compétition politique.

Qui plus est, les communicants d’Issoufou Mahamadou n’ont pas hésité d’apporter de l’eau au moulin de la junte pour présenter le président Bazoum comme un terroriste, un apatride, un collabo de l’impérialisme occidental, bref ils l’accusent de tous les noms d’oiseaux sauvages. Présenté comme l’ennemi public N°1 par les communicants à la solde de T3, financés par ses officines, Bazoum ne serait plus nigérien, selon eux, et serait l’homme par lequel les bases militaires sont installées au Niger ! L’objectif était clairement de le conjurer pour faire porter toute la responsabilité des tares des 12 ans de gestion de la Renaissance uniquement à Bazoum.

Leur stratagème a fait flop, Mohamed Bazoum est adulé par les démocrates du monde entier, il incarne la résistance et le courage pour la défense des valeurs démocratiques au Niger. A preuve, des prix Nobel, des intellectuels et des personnalités mondialement influentes ont signé une tribune appelant à sa libération.  Le livre “Les 25 lettres …” dédié à lui met en évidence son leadership, ses valeurs et sa vision de grand leader. Son maintien en otage par les autorités de fait n’aura pas entaché son image de grand leader démocrate et visionnaire au moment où son compagnon de 30 ans passe pour un homme clivant et responsable du tourbillon actuel dans lequel se trouve le pays. D’aucuns n’hésitent pas à demander sa peau ou qu’il rende compte à la justice de sa gestion cahoteuse du pays notamment du secteur pétrolier.

Par cynisme, Issoufou Mahamadou et ses laquais sortent au grand jour dire au monde entier que Bazoum serait responsable de sa propre chute. Contre toute attente, au lieu de ‘’consolider et avancer’’, Bazoum a osé se démarquer du faux et remettre le pays sur les rails. C’est son péché originel pour lequel Issoufou Mahamadou a comploté contre lui en le présentant aujourd’hui comme le traitre par excellence. Sauf que les communicants d’Issoufou confirment aux yeux de l’opinion publique qu’il est le parrain du putsch contre son camarade mais aussi envoient comme message que le clan Issoufou est foncièrement farouche à la lutte contre la corruption et le clientélisme dans la gestion de l’Etat. Les Nigériens ne sont pas dupes pour ne pas distinguer le vrai du faux.

A contrario, malgré sa détention depuis le 26 juillet 2023 et une campagne de dénigrement contre lui via les réseaux sociaux et les médias traditionnels, le président Bazoum jouit aujourd’hui encore d’une image de grand leader visionnaire et continue de faire rêver les Nigériens par son courage et son attachement à son serment.

Avec le recul, on se rend à l’évidence que Mohamed Bazoum avait raison de ne pas forcer le destin bien qu’étant informé par ses sécurocrates de l’imminence d’une aventure visant à interrompre son mandat. Le mal retourne toujours à celui qui le fait, dit-on. En dépit de la traitrise de certains de ses camarades et la lâcheté de ses alliés politiques voire de la classe politique dans son ensemble, aujourd’hui Bazoum otage ou libre constitue la figure de proue de la classe politique nigérienne, le chef de file de l’opposition à la junte et le leader politique le plus en vue grâce à son sens de sacrifice. Comme quoi, avec la foi on peut déplacer des montagnes.

Elh. M. Souleymane

L’Autre Républicain du jeudi 19 décembre 2024

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