Elh. M. Souleymane
Le changement de régime intervenu dans notre pays a été subitement accueilli par les Nigériens de foi islamique. Dans la mobilisation des compatriotes pour accompagner le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), la communauté musulmane était engagée à travers marches, meetings et invocations spéciales durant la prière appelées qunuts pour qu’Allah protège le Niger face aux ennemis intérieurs et extérieurs. Même le week-end dernier, les associations islamiques en synergie avec le M62 avaient animé un meeting de soutien au CNSP sur fond d’invocations pour qu’Allah sauvegarde la patrie. Mais les leaders religieux ne disent rien ou feignent d’ignorer le syncrétisme voire le chirk de façon flagrante dans le pays. N’est-ce pas un camouflet, une régression pour la Communauté musulmane qui avait combattu ces pratiques blasphématoires ?
Au lendemain du coup d’Etat du 26 juillet, on a vu, tour à tour, des leaders religieux, hommes et femmes, haranguer les foules pour s’investir spirituellement et physiquement pour la cause nationale selon les principes de l’Islam. Sauf que le nouveau pouvoir n’a pas de limites : zimas, sorciers et tous les féticheurs étaient invités par la grande porte. Négligents ou manquant de vigilance, nos oulémas semblent silencieux face au recours au chirk, un péché plus grave selon l’Islam que la corruption, le viol, le vol et autres.
En plus de toutes les autres formes de chirk diffusées sur les médias d’Etat, la semaine passée, dans le quartier Tchangarey, les résidents ont observé autour des carrefours, des calebasses contenant de la viande rouge. Après vérification de ce fait divers répandu sur les réseaux sociaux, des témoins oculaires nous ont confirmé la véracité des faits. Qui serait derrière ces pratiques qui jurent avec les fondements de l‘Islam ? Est-ce des personnes inquiétées par la COLDEFF ? Est-ce une recommandation des zimas aux autorités pour anéantir les velléités de nos ennemis de nous attaquer ? Des questions sans réponse pour le moment. Dans une fada à Tchangarey, des jeunes nous ont confié avoir vu une personne en train de dispatcher ces spécieuses calebasses dans le quartier. A la question d’un policier qui voudrait en savoir davantage, ils ont nié de témoigner pour ne pas s’impliquer dans un traquenard.
« Shirk, ou chirk (arabe : شِرْك action d’associer, d’où associationnisme), est un mot qui, en Islam, se réfère au fait d’associer à Allah, le Dieu unique, d’autres dieux ou d’autres puissances ou divinités, leur accordant ainsi l’adoration qui n’est due qu’à Allah seul. » (Wikipédia).
Après les scènes de sacrifices mystiques sous les caméras de Télé Sahel, les déclarations hyper médiatisées des associations des féticheurs et sorciers du Niger, on peut dire, sans conteste que le syncrétisme, l’associationnisme est en vogue au Niger. Le grand chirk est promu, ce qui constitue une régression pour la communauté musulmane qui a abattu un travail de fond depuis des années pour un culte pur voué à Allah (le Très-Haut), le Seul digne d’adoration par les créatures. C’est cela la signification du culte pur, le Tawhid, « (monothéisme, unicité) est l’expression du dogme le plus important de l’Islam, le monothéisme, compris comme la croyance en un Dieu unique, inaccessible à l’imagination, sans associé et sans égal. Il en constitue le fondement (Asl ad Dîn) avec le rejet du Tâghoût. »
C’est dire qu’après le soutien pour la sauvegarde de la patrie, nos oulémas doivent aussi prendre en charge leur participation à la vie nationale en indiquant clairement aux nouvelles autorités la vision islamique du salut aussi bien sur terre que dans l’au-delà. Il importe de rappeler aux oulémas engagés dans la propagande patriotique qu’il y a péril en la demeure. Entre servir Allah et une cause profane, il y a des limites à ne pas transgresser. Les leaders religieux ont la responsabilité devant Allah (SWT) et la Communauté d’ordonner le bien et condamner le blâmable à savoir promouvoir les bonnes pratiques en conformité avec ce qu’Allah aime et agrée. Pour ce faire, on ne saurait être complaisants ni cautionner le shirk même si la pratique est indéniable sous tous les régimes politiques. « Certes Allah ne pardonne pas qu’on Lui donne quelqu’associé. A part cela, Il pardonne à qui Il veut. Mais quiconque donne à Allah quelqu’associé commet un énorme péché. » (Sourate 4, Nissa’, verset 48).
Quand le shirk s’introduit par la grande porte
Dans l’euphorie de la ‘’Révolution’’, certains de nos compatriotes ont fait feu de tout bois. Pour ceux-là, tout était permis pourvu que la sauvegarde de la patrie soit effective. L’on se rappelle des vidéos virales de sacrifices où les auteurs disent clairement que leurs djinns combattraient à la place de nos vaillants soldats. On avait vu ce préfet d’un département coordonner avec les zimas le sacrifice où des offrandes de poulets étaient filmées avec fierté. Il y a eu bien d’autres scènes à travers le pays où les féticheurs sont sortis invoquer leurs ‘’dieux’’ au nom de la sauvegarde de la patrie.
Dans ce registre, des propos scandaleux ont parfois été tenus durant les campagnes électorales et à de hauts niveaux de la gouvernance au Niger, hier et aujourd’hui. Or le Prophète (paix et salut sur lui) a averti : « … Ne vous informerais-je pas des plus graves des grands péchés ? (Par trois fois,) puis il dit : c’est de donner un associé à Allah, l’ingratitude envers les parents et le faux témoignage. » (Hadith rapporté par Boukhari et Mouslim).
Il faudrait que nos dirigeants, nos politiciens et autres responsables s’entourent de conseillers sincères les prévenant de certaines déconvenues lors de prise de parole adressée au grand public. On ne peut diriger un peuple en ignorant le contexte et certaines réalités de ce peuple. Aux oulémas de jouer pleinement leur rôle spirituel dans la ‘’veille citoyenne’’. Autrement, on risque de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Elh. M. Souleymane
L’Autre Républicain du jeudi 26 décembre 2024
