Le collège des chefs d’Etat des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) a publié un communiqué signé de son président, le général Assimi Goïta, le 22 décembre dernier, pour dénoncer les agissements de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Cette déclaration intervient une semaine après la tenue du sommet des chefs d’Etat de l’organisation communautaire.
Le 28 janvier 2024, les pays de l’AES ont décidé de quitter la Cedeao avec « effet immédiat ». Dans les faits, l’effet du départ n’a pas été immédiat. Ils ont conservé les documents de voyage de la Cedeao et continué à faire bénéficier à leurs ressortissants les bénéfices de la liberté de circulation des personnes et des biens et du droit d’établissement. Onze mois après leur départ avec effet immédiat, il n’existe toujours pas de documents de voyage AES. Mieux, rien n’a été fait pour consacrer le divorce avec la Cedeao. Au contraire, l’AES a fait une offre d’ouverture de son espace territorial aux ressortissants de la Cedeao qui n’auront pas besoin de visa pour se déplacer ou s’installer dans les pays de l’AES.
Cette offre a été rejetée par le sommet de la Cedeao, qui y voit là un marché de dupes. Par contre, le sommet a décidé d’un délai supplémentaire de six mois pour permettre de boucler les procédures administratives concernant les fonctionnaires ressortissants de l’AES et la délocalisation des institutions installées dans ces trois pays. Cette période de transition est aussi une chance offerte à la diplomatie pour se déployer. Il est clair que la Cedeao ne veut pas apparaitre aux yeux des populations comme étant à l’origine du divorce.
Cela a suffi pour provoquer la colère du collège des chefs d’Etat de l’AES qui, dans son communiqué signé par son chef, a dénoncé une démarche unilatérale de la Cedeao. Pourtant, l’AES a aussi adopté des décisions unilatérales comme le départ avec effet immédiat et l’offre d’exempter les ressortissants de la Cedeao de visa. En vérité, l’AES a été prise dans son propre piège. Elle a sans doute cherché à être la maitresse des horloges en imposant son propre agenda à la Cedeao. Celle-ci ayant compris la manœuvre a décliné l’offre et acté le départ de l’AES, à compter du 29 janvier 2025.
Par ailleurs, l’AES a décidé de mettre les soldats de ses pays membres en alerte maximale. Pourtant, elle avait décidé, il y a 9 mois, de constituer une force conjointe pour mutualiser leurs ressources humaines et matérielles dans la lutte contre le terrorisme. A cette date, aucune information ne filtre sur l’effectivité de cette force. L’alerte maximale décidée laisse croire que la situation est devenue complexe et nécessite des réponses plus fortes.
Dans leur communiqué, la France est revenue à plusieurs reprises comme étant la source des maux dont souffrent ces pays avec la complicité de certains dirigeants de la Cedeao. Le communiqué cite plusieurs frontières comme étant des niches qui abritent des terroristes, avec la complicité de la France : bassin du lac Tchad, frontières Niger-Nigeria, Niger-Bénin, Niger-Burkina, et Bénin-Burkina. Comme on le voit, la cible telle qu’énoncée ici, c’est le Niger.
En développant régulièrement la logique complotiste, cela a l’inconvénient d’entretenir une psychose permanente au sein des populations qui ont d’autres préoccupations du quotidien.
Puisque c’est la Cedeao qui constitue le problème, notre confrère du Burkina Faso, Ahmed Newton Barry, a préconisé des solutions simples aux dirigeants de l’AES, le tout avec effet immédiat, comme le rappel de leurs ressortissants fonctionnaires de la Cedeao (le Burkina compte 77 personnes), la fermeture des Représentations et institutions spécialisées de la Cedeao dans les pays AES comme l’Organisation Ouest-africaine de la Santé (OOAS) basée à Bobo Dioulasso et qui emploie plusieurs centaines de Burkinabè. Sur le plan économique, il suggère aux pays AES de s’exclure des facilités douanières offertes par la Cedeao, rembourser sa banque, la BIDC, fermer les frontières avec les pays de la Cedeao, refuser l’électricité fournie par ces pays et interdire aux ressortissants de l’AES tout séjour dans le pays de la « junte française ».
Passée la crise des nerfs actuelle, les Organisations reviendront à la réalité pour convenir d’un agenda commun dans la prise en charge et le règlement des questions transnationales comme la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, la migration, la protection de l’environnement, la promotion du commerce, etc. Les populations ouest-africaines attendent beaucoup : l’Afrique de l’ouest étant un espace territorial intégré.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 26 décembre 2024