Pour la 2è fois depuis qu’il a pris le pouvoir, le général Abdourahamane Tiani a sacrifié à la tradition en s’adressant à ses concitoyens à l’occasion de l’anniversaire de la proclamation de la République du Niger. Ce qui frappe, c’est la tonalité du discours : c’est un discours très politique là où les Nigériens attendaient des annonces fortes qui permettent d’améliorer leur quotidien, et de créer l’espoir des lendemains.
Dans son message à la Nation, le général Tiani est largement revenu sur la période post coup d’Etat du 26 juillet 2023 avec les sanctions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) et les velléités d’une intervention militaire en vue de restaurer l’ordre constitutionnel. Outre l’adversité externe, le général Tiani a dénoncé les « traitres internes », constitués pour l’essentiel des Nigériens opposés au coup d’Etat. Selon lui, les puissances étrangères qui voulaient tirer le Niger vers le bas, aidées de leurs « valets locaux », ont poursuivi leurs manœuvres à travers une cabale médiatique, pour saper la cohésion au sein du CNSP et du peuple, une campagne diplomatique, une guerre financière et économique, tout en agitant le front social… Il soupçonne des intentions de ces puissances de déstabiliser le Niger avec l’implantation des bases étrangères dans certains pays voisins. Les mêmes puissances étrangères soutiennent les groupes terroristes qui écument le Sahel central.
La rhétorique en vogue dans les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) c’est de dénoncer sans cesse l’impérialisme international et proclamer la souveraineté retrouvée des Etats, des notions mobilisatrices pour créer des espoirs aux populations.
A présent que la souveraineté est retrouvée, cela a-t-il changé le quotidien des populations ?
Un bilan politique
Lors d’une précédente adresse à la Nation, le général Tiani a fait presque le même bilan qu’à l’occasion du 66è anniversaire de la proclamation. Le départ des troupes étrangères, la dénonciation des accords et conventions défavorables au Niger, l’éveil du patriotisme, l’unité du peuple, la lutte contre le terrorisme, l’affirmation de notre souveraineté sur nos ressources, le paiement des salaires et la prise en charge des dépenses de souveraineté, l’autonomie du Niger dans la prise de décisions le concernant, la baisse du prix de l’essence et du gas-oil à la pompe, la diminution des coûts de certains actes médicaux et chirurgicaux, la baisse du prix du ciment, la création de l’AES, la diversification des partenaires, la définition d’un cadre stratégique de gouvernance pour la transition en 4 axes, la gestion des inondations, les lettres de mission aux ministres qui rendront compte de leurs actions pour en tirer les conséquences au nom de la redevabilité, les résultats de la campagne agro-sylvo-pastorale, la gestion des inondations, etc.
Le général Tiani a réaffirmé la décision irréversible des pays de l’AES de quitter la CEDEAO. Pour lui, ce départ ne sera pas synonyme de chaos annoncé pour nos pays et leurs ressortissants. Le Niger continuera à entretenir des relations de bon voisinage. Va t-i rouvrir sa frontière avec le Bénin et normaliser ses relations avec le Nigeria ?
Sans doute que les Nigériens auront voulu disposer d’un bilan sur des actions qui transforment leur vie. Sur le plan économique, on aurait voulu avoir les mesures concrètes prises pour lutter contre la vie chère, approvisionner régulièrement les marchés en produits de première nécessité, booster le tissu industriel, etc. Qu’a-t-on fait dans l’amélioration de la gouvernance ? Qu’est-ce qui est fait dans la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite ? Qu’en est-il des marchés publics et de leur régulation ? Qu’en est-il de la qualité de la dépense publique, des investissements productifs et de la relance de l’économie ? Quel programme pour développer l’agriculture et l’élevage ?
Qu’est-ce qui est fait pour les victimes des inondations, et ce qui est mis en œuvre pour prévenir de telles catastrophes les années à venir ? Quelles nouvelles initiatives pour l’accès à l’éducation et aux soins de santé ainsi que la qualité des offres dans ces domaines ?
Qu’en est-il de l’emploi des jeunes ? Pourquoi n’at-il pas évoqué la question des assises nationales et l’agenda de la transition ? Pourquoi a-t-il fait l’impasse sur le cas des responsables du régime renversé et des personnalités poursuivies pour délit d’opinion qui gardent prison depuis plus d’un an pour beaucoup d’entre eux ?
Les citoyens auraient attendu un bilan dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, et les perspectives de la montée en puissance de nos troupes. Ils veulent être rassurés que leur sécurité surtout avec le départ des troupes étrangères. Celles-ci, comme l’a dit le général Tiani, ont empêché à nos forces de monter en puissance. A présent qu’elles ont parties, quelle est la situation sur le terrain ?
On se rappelle que la sécurité et la gouvernance ont été les deux prétextes brandis pour justifier le coup d’Etat du 26 juillet 2023. C’est une raison suffisante pour que le général Tiani rende compte, à chacune de ses adresses, des évolutions positives enregistrées dans ces deux domaines. C’est cela qui pourrait constituer son véritable bilan parce que les progrès obtenus dans ces deux domaines vont conditionner les autres secteurs de la vie nationale. A l’analyse, du chemin reste encore à parcourir.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 19 décembre 2024
