Avec la disparition de Hama Amadou, son opposant principal, est-ce à dire que le boulevard est grandement ouvert pour un comeback d’Issoufou Mahamadou que ceratins présentent comme l’ ‘’Autorité morale de la junte’’ ? Pour beaucoup d’analystes, l’absence de Hama Amadou dans le jeu politique actuel pourrait changer la donne. Toutefois, le récipiendaire du Prix Mo Ibrahim œuvre envers et contre tout pour faire aboutir ‘’son projet dynastique’’ de conservation du pouvoir. Éléments d’analyse du combat d’arrière-garde d’Issoufou Mahamadou et ses faucons.
Tout ce qu’on sait, après le coup de Jarnac du 26 juillet 2023, l’agenda initial d’Issoufou Mahamadou reposerait sur la mise à l’écart de Mohamed Bazoum, une transition de courte durée, la mise en place d’un conseil consultatif qui serait dirigé par un de ses hommes liges puis la rédaction d’une nouvelle Constitution où le mandat présidentiel passera de cinq à sept ans. Cet agenda a été bouleversé par des impondérables inhérents à la conduite de la transition par la junte militaire mais aussi phagocyté par l’interaction avec d’autres acteurs en présence. Parmi ces facteurs déterminants, il y a non seulement le caractère hétéroclite de la junte dont les officiers généraux étaient tenus de faire avec, en raison des circonstances du moment mais aussi du nouveau contexte ainsi créé où le Niger est subitement passé d’un Etat conformiste à un Etat anticonformiste.
A temps nouveau, attitude nouvelle, dit-on. Les militaires étaient tenus de mettre en avant un certain nombre de considérations même en faisant semblant de se démarquer totalement de celui qui est considéré à tort ou à raison comme le parrain du putsch. La junte peine à convaincre du fait que Issoufou serait l’alpha et l’oméga de tout ce qui est reproché à la Renaissance de 2011 à 2023. Qui plus est, il était libre de se pavaner à travers le monde et mène une vie de pacha à Kombo sous la protection des éléments de la Garde présidentielle. Ce qui tranche avec la situation des autres anciens chefs d’Etat vivants.
Le 2ème facteur qui a contrarié l’agenda d’Issoufou, c’est l’action de l’ancienne opposition notamment à travers le parti Lumana FA qui contrôle la rue à Niamey. Très tôt, Hama Amadou est rentré à Niamey avec un discours qui apporte de l’eau au moulin de la junte aux commandes du pays. En attestent les extraits de ses interviews diffusés suite à son décès. Ce n’est pas fortuit si Issoufou avait traité Hama Amadou de son ‘’meilleur allié’’ et ‘’meilleur adversaire’’ dans son mot de condoléances. Il est son meilleur adversaire au sens de l’homme le plus redoutable, celui qu’il craint le plus dans une bataille politique. C’est pourquoi, avec sa disparition, il aurait désormais le sentiment d’être seul maître à bord dans le landerneau politique nigérien.
Issoufou Mahamadou aux manettes…
A travers un échange, un analyste politique se demande pourquoi Issoufou Mahamadou et les faucons roses qui ont pignon sur rue n’ont jamais demandé la libération du président Bazoum et des détenus politiques. Et notre interlocuteur d’ajouter : Issoufou est-il si cynique pour regarder un homme âgé comme Foumakoye Gado et son propre fils continuer à garder prison juste pour se faire bonne conscience ? Cette question de la libération des détenus politiques taraude justement l’esprit de plus d’un militant du PNDS Tarayya. Si Issoufou était fidèle à sa trajectoire politique, il aurait sans doute créé un cadre de lutte pour la restauration de la démocratie. Récemment, on l’a entendu timidement prêcher, en Éthiopie, un retour à la démocratie. Quant à la libération de ses amis politiques, il n’a certainement pas intérêt à les voir libres de sitôt ! Il a besoin d’un temps pour bien dérouler son plan consacrant son retour aux affaires. A-t-il joué un rôle dans la déchéance de nationalité des uns et des autres comme le laissent croire certains ? Si c’est le cas, il finira alors par déchoir des camarades gênants de leur nationalité de sorte que lui seul restera le leader incontournable. Il tiendra en respect tous les autres leaders et candidats potentiels pour le besoin de sa campagne. C’est dire que son agenda exige de sacrifier certains et promouvoir d’autres, peu importe leur provenance politique. Issoufou est conscient qu’avec l’argent, il pourrait s’acheter les consciences pour s’offrir le boulevard de la Présidence. Après la victoire, il pourrait revenir sur tous les abus comme un geste de magnanimité et de réconciliation.
Mais tout cela, c’est sans compter que l’homme propose, Dieu dispose, dit-on. Il faudrait qu’un mortel ait des idées mortelles. Il importe de se réconcilier avec les autres et soi-même à temps.
Après son mot de condoléances suite au décès de Hama Amadou, Issoufou Mahamadou a vu les réactions négatives qu’il a suscitées au sein de l’opinion publique. Il pourrait pourtant se réconcilier avec lui de son vivant. Voudrait-il répéter le même scénario avec les camarades de son parti à savoir attendre que la faucheuse atteigne quelqu’un pour verser des larmes de crocodile ? Wait and see.
Elh. M. Souleymane
L’Autre Républicain du jeudi 7 novembre 2024