Invité du journal Afrique de TV5, cette semaine, l’ancien Premier ministre malien, Moussa Mara, a commenté l’élévation au grade de général des principaux animateurs de la Transition dans son pays. Le colonel Assimi Goïta est devenu Général d’Armée, le grade actuellement le plus élevé dans l’armée malienne, Outre Assimi Goïta, 10 autres officiers ont été promus, tous à titre exceptionnel. C’est le nouveau Général d’Armée exceptionnel qui a procédé au port de galons des officiers promus généraux de corps d’Armée, au nombre de quatre, Ce sont les acteurs du coup d’Etat d’août 2020 contre le président Ibrahim Boubacar Keïta. Six autres officiers deviennent Généraux de Division. Ils ont aussi reçu leurs galons des mains de Goïta. Le Porte-parole des récipiendaires a transmis au Général d’Armée « les sincères remerciements de l’ensemble de la hiérarchie militaire, tous corps confondus, de l’armée malienne ».
Le Mali enregistre donc 11 nouveaux Généraux, à titre exceptionnel. Le sens du commentaire du Premier ministre Moussa Mara, c’est que ces nouveaux promus ont un coût que le contribuable malien se doit de supporter. Même si ces coûts ne sont pas faramineux, ils ne sont pas justifiables d’un point de vue symbolique. En effet, au moment où les dirigeants appellent à la résilience des populations, les citoyens ne peuvent comprendre que le train de vie de l’Etat est loin de diminuer. Au contraire.
En accédant à ces grades les plus élevés de la hiérarchie de l’Armée de leur pays, ces nouveaux Généraux tentent sans doute de se mettre à l’abri, dans la perspective d’un retour à l’ordre démocratique. En rappel, le Mali dispose déjà d’une Constitution adoptée par référendum ; et le processus d’élaboration d’un nouveau fichier électoral a démarré avec l’enrôlement des électeurs.
Il est remarquable de constater que dans les pays du Sahel Central sous régimes kaki, il est régulièrement fait appel aux capacités de résilience des populations alors que dans le même temps, le train de vie de l’Etat n’a connu aucune dose d’austérité. Comment peut-on être résilient alors que les conditions de vie se sont dégradées ? Comment peut-on parler de résilience dans un contexte où les dignitaires ne consentent pas assez de sacrifices au nom de l’intérêt supérieur de la Nation ? Mieux, c’est dans ce même contexte que des institutions, dont la pertinence reste à prouver, sont mises en place. Pourtant, le bon exemple doit venir d’en haut. Les populations d’en bas qui tirent la langue, par moments, ne connaissent de tout temps que la résilience sans laquelle elles auraient disparu depuis fort longtemps. Il faudrait les militaires aux commandes réalisent que même si les citoyens notamment acteurs politiques sont présentement muselés, ils savent bien faire la part des choses entre servir et se servir. On n’est jamais trop prudent, dit-on. Les colonels maliens ont beau rabâché que c’est à la demande du peuple qu’ils ont été couronnés, ils confortent bien l’adage selon lequel ‘’on n’est jamais mieux servi que par soi-même’’.
Au regard de la situation actuelle au Sahel, l’on ne peut s’empêcher de méditer cette réflexion du politologue Rahmane Idrissa lorsqu’il a écrit : “Le souverainisme s’accompagne non pas tant du patriotisme que de ce qu’on pourrait appeler le « patriotardisme ». Le patriote cherche à faire le bien de son pays, généralement en toute discrétion et en reconnaissant les difficultés de la tâche. Le patriotard cherche à combattre les ennemis de son pays, en simplifiant de façon mélodramatique sa lutte, comme si elle opposait le Bien et le Mal incarnés. Le patriote reconnaît la complexité des intérêts collectifs et admet que d’autres, parmi ses compatriotes, peuvent voir les choses différemment de lui. Le patriotard réduit ces intérêts aux points qui l’opposent à ceux qu’il perçoit comme étant les ennemis de la Patrie et taxe quiconque ne pense pas comme lui de traître et d’apatride. Le souverainisme et le patriotardisme marchent main dans la main, et en ce moment, ils règnent en maîtres au Sahel.”
Résilience, c’est le mot le mieux partagé dans l’espace AES. On parle de résilience au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Il y a une sorte d’harmonisation car cet espace appelle à tout harmoniser. Ce qui s’est passé dans un pays a toutes les chances d’être copié dans un autre pays de l’espace. Espérons que le Burkina et le Niger vont copier la perspective d’un retour à l’ordre constitutionnel qui se dessine au Mali.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 31 octobre 2024