C’est décidé. La société des mines de l’Aïr (SOMAÏR), filiale de ORANO, géant du nucléaire français, va suspendre sa production d’uranium pour une période non encore déterminée. La mesure prend effet à partir de ce jeudi 31 octobre. Si on ne prend garde, cette situation peut, à terme, compromettre définitivement les activités de cette société.
En cause : une production non évacuée. En effet, près de 1.050 tonnes de concentré d’uranium sont entreposées pour un coût estimatif de 300 millions d’euros. L’entreprise n’arrive pas à les exporter depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023 qui a vu la fermeture des frontières terrestres du Niger. L’uranate est exporté à partir du port de Cotonou. Or, la frontière Niger-Bénin, qui a été fermée sur décision de la CEDEAO suite au coup d’Etat du 26 juillet 2023, n’a pu être rouverte qu’en février dernier. Si le Bénin a rouvert sa frontière, le Niger la maintient toujours fermée pour, dit-on, raisons de sécurité. Du coup, aucune alternative réaliste n’a été offerte à la SOMAÏR. En raison de son caractère stratégique et au regard de la situation sécuritaire volatile au Burkina, le produit ne peut pas transiter par ce pays. On ne peut non plus l’évacuer par la voie aérienne. C’est pourquoi, on attend que les autorités nigériennes acceptent de rouvrir la frontière avec le Bénin. Entre-temps, les charges de production doivent être payées dans un contexte où l’entreprise ne fait plus de recettes depuis un an. Alors bonjour les difficultés financières.
La SOMAIR est détenue à 63,4% par ORANO, et les 36,6% par l’Etat du Niger à travers la SOPAMIN (Société de Patrimoine des Mines du Niger). Cette société, qui emploie quelques 200 agents, ne vit essentiellement que de la vente de production qui revient au Niger. La SOPAMIN a déjà signé des contrats de vente de sa part jusqu’en 2026, apprend-on. En d’autres termes, elle se doit de livrer sa part de façon régulière. Si elle ne le fait pas, comme c’est le cas maintenant, elle peut être contrainte de payer des pénalités pour non-respect des dispositions du contrat. Elle va payer de l’argent qu’elle n’a pas. Sauf si c’est le Trésor national qui viendra à sa rescousse. Où trouvera-t-il lui aussi l’argent ?
Avec la suspension des activités de la SOMAÏR, la société nigérienne de charbon d’Anou Araren (SONICHAR) connaitra aussi, sans doute, de grosses difficultés de trésorerie, en plus de celles qu’elle connait déjà. La SONICHAR produit de l’électricité pour alimenter les villes d’Agadez et d’Arlit. La SOMAÏR en est son plus gros client. Selon des experts, la SONICHAR n’a pas les capacités techniques pour transférer son excédent né de la fermeture de la SOMAÏR d’ailleurs en raison de ses faibles capacités techniques.
Que deviendront les 780 employés nigériens directs et tant d’autres sous-traitants dont la plupart sont nigériens, en cas de fermeture de la SOMAÏR ? Que deviendra la ville d’Arlit qui abrite la mine, et qui tire d’importants revenus des activités de la SOMAÏR ?
Cette situation est finalement une équation à plusieurs inconnues.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 31 octobre 2024