La rentrée scolaire 2024-2025 au Niger, prévue initialement pour le 1er octobre, s’est enfin déroulée timidement le 28 octobre 2024 avec moins d’engouement que d’habitude. Pour rappel, la rentrée a été décalée du fait de l’occupation des écoles par des sinistrés des inondations enregistrées cette année.
Le gouvernement a organisé une cérémonie officielle de lancement de l’événement dans le chef-lieu du département de Kollo (région de Tillabéri). À la veille de cette rentrée, la ministre de l’Education nationale a livré un message. Dr Élisabeth Shérif a annoncé que 4.621.569 élèves et 119.241 enseignants reprendront les cours le 28 octobre 2024, sous le thème de la « souveraineté retrouvée ». Ce thème souligne selon la ministre « l’importance de redonner aux élèves la conscience de leur potentiel pour contribuer à un Niger uni et prospère ». La ministre devait exprimer sa gratitude envers le président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) et le gouvernement pour leurs efforts en faveur de l’éducation, malgré un contexte difficile. La ministre a laissé entendre que des mesures ont été prises pour améliorer les infrastructures scolaires et garantir la sécurité et la continuité pédagogique. Elle a encouragé les élèves à s’engager activement dans leur éducation et a rendu hommage aux enseignants pour leur dévouement.
Dans un autre son de cloche qui a fait largement écho à l’approche et même le jour de cette rentrée, des voix se sont élevées pour appeler au respect des engagements pris par le CNSP envers les syndicats du secteur de l’éducation.
Les syndicats de l’Education donnent de la voix
En effet, les syndicats de l’éducation, représentés par la Dynamique des syndicats du Secteur de l’Éducation et de la Formation (DYSF/CCS), l’Internationale de l’Éducation Section Niger (IESNI), le Bureau Exécutif National du Syndicat National des Enseignants du Niger (BEN/SNEN) et la Coalition des syndicats de l’Education et de la Formation Professionnelle, ont rendu publics des communiqués révélateurs de leurs préoccupations, revendications et perspectives pour une bonne rentrée 2024-2025.
Le premier communiqué de la DYSF/CCS, daté du 25 octobre 2024, souligne les enjeux cruciaux qui pèsent sur la rentrée. Lors d’une rencontre à la Présidence, les syndicats ont mis en avant deux principales revendications : l’ouverture du recrutement sans concours d’enseignants contractuels et la reprise des paiements d’incidences financières et rappels sur salaires. Le ministre-directeur de cabinet a reconnu la pertinence de ces demandes et s’est engagé à les transmettre au chef de l’État. Toutefois, l’absence de solutions immédiates a poussé les syndicats à demander à leurs membres de rester mobilisés et vigilants, tout en s’abstenant de participer aux cérémonies de lancement de la rentrée scolaire. Ce rapport de force entre le gouvernement et les syndicats met en lumière une tension sous-jacente qui pourrait perturber le bon déroulement de l’année scolaire.
De son côté, l’IESNI, dans son communiqué du 26 octobre 2024, met l’accent sur l’importance de la souveraineté nationale et de la solidarité en période de crise. L’organisation a applaudi les initiatives de la ministre de l’Éducation, notamment le renforcement des compétences locales et le soutien aux enseignants. Cependant, elle appelle à un recrutement d’enseignants contractuels et à des améliorations des conditions de travail, surtout pour ceux opérant dans des zones d’insécurité. Ce discours de l’IESNI, qui appelle les enseignants à devenir des acteurs du changement, révèle une volonté de transformation et une aspiration à une éducation de qualité malgré les défis.
Le communiqué du BEN/SNEN, publié le 27 octobre 2024, renforce cette dynamique en affirmant son engagement envers la revendication syndicale. Il exprime sa solidarité avec la DYSF/CCS tout en appelant à la vigilance parmi ses membres. Ce positionnement souligne l’importance d’une unité syndicale face aux défis qui se présentent, mais il met également en exergue des divisions potentielles, notamment avec la clarification apportée sur le communiqué de l’ITESNI, dont le BEN/SNEN se dissocie. Cette situation pourrait contribuer à un climat de méfiance entre les différentes entités syndicales et nuire à l’efficacité de leurs actions collectives.
Le 28 octobre 2024, jour de la rentrée scolaire, au cours d’un point de presse tenu dans ses locaux, la Coalition des syndicats de l’Education et de la Formation professionnelle a rappelé au CNSP le respect de son engagement concernant le recrutement des contractuels au sein de la fonction publique. La coalition prend à témoin l’opinion nationale et internationale, qu’une allocation budgétaire de plus de 17 milliards de francs CFA, était inscrite dans la loi de finances le 04 janvier 2024, pour le recrutement des contractuels sans concours. Et depuis lors, c’est un silence de cimetière concernant cette rubrique.
Dans le but de faire entendre ses revendications, la coalition a décidé de boycotter la rentrée scolaire 2024-2025, comme annoncé lors d’un point de presse le 20 septembre 2024, jusqu’à ce que ses exigences soient satisfaites. Par ailleurs, elle critique l’attitude de la ministre de l’Education nationale, qu’elle estime empreinte de mépris, pour avoir choisi d’accompagner les parents d’élèves sans la présence des enseignants lors de sa rencontre avec le président du CNSP. Enfin, la coalition appelle ses membres à intensifier leurs prières afin de sortir de ce cycle de contractualisation sans perspective d’avenir, car de nombreux contractuels prennent de l’âge, ce qui pourrait constituer un obstacle significatif à leur intégration à la fonction publique.
Les engagements du gouvernement doivent se traduire par des actes concrets pour démontrer sa réelle volonté en faveur d’une éducation de qualité. La rentrée scolaire ne doit pas être un simple événement symbolique, mais un véritable point de départ pour une réforme de l’éducation qui intègre les voix des enseignants et répond aux besoins des élèves.
La rentrée scolaire 2024-2025 au Niger se profile comme un moment charnière dans un contexte de crise. Les syndicats, bien que divisés sur certaines questions, partagent un objectif commun : garantir une éducation de qualité malgré les défis posés par les inondations et les insuffisances structurelles du système éducatif. La capacité du gouvernement à répondre aux revendications syndicales et à instaurer un climat de confiance et de sérénité entre lui et les acteurs des différents syndicats de l’éducation est primordiale pour garantir une collaboration efficace. Cela permettra non seulement de résoudre les conflits existants, mais également de favoriser un environnement propice à l’amélioration des conditions de travail des enseignants et des élèves. Les prochains jours vont nous édifier sur le respect des engagements des uns et des autres pour une meilleure année scolaire malgré le décalage de son démarrage.
Mahamadou Tahirou