Contraint plusieurs fois à l’exil par ses adversaires politiques, plus pour échapper à la prison qu’à la mort, Hama Amadou a été rappelé à Dieu, après environ 20 ans de services dans l’administration territoriale et au cœur de l’Etat et près de 34 ans de combat politique acharné qui font de lui, incontestablement, une des figures les plus marquantes de la vie politique du Niger.
En effet, Contrôleur des Douanes et Administrateur Civil de formation, Hama Amadou a une très bonne connaissance de l’administration territoriale nigérienne et de l’Etat, pour avoir été, de 1971 à 1991, Secrétaire d’Arrondissement, Secrétaire Général de Préfecture et Sous-Préfet, successivement à Agadez, Zinder et Tahoua, avant de devenir Directeur Général de l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Niger (1984-1985), puis Directeur de Cabinet du Général Seyni Kountché (1985-1986) et du Général Ali Saïbou, ministre de l’Information..
En mars 1991, il devint Secrétaire Général du Mouvement National pour la Société de Développement (MNSD-Nassara), une mutation du Parti-Etat résultant de l’instauration du multipartisme intégral décrété par le Général Ali Saibou pour donner suite à la revendication des Forces Vives de la Nation, en l’occurrence de l’Union des Syndicats des Travailleurs du Niger (USTN) et l’Union des Scolaires Nigériens ( U.S.N).
Comme tous les leaders politiques actuels, Hama Amadou se révéla au grand public à l’occasion de la Conférence Nationale Souveraine, tenue du 29 juillet au 3 novembre 1991, à Niamey, pour créer les fondements d’un Etat unitaire, démocratique et social, rejetant explicitement les politiques économiques et financières dictées par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale, tout en rendant au peuple souverain le pouvoir de décider de son avenir.
L’idée reçue, reprise par Mahamadou Issoufou sur son compte Facebook en hommage au défunt et largement propagée depuis des années, selon laquelle Hama Amadou aurait « sauver son parti du naufrage » lors de la Conférence Nationale Souveraine, n’est pas exacte et mérite d’être nuancée. Selon ceux qui soutiennent cette idée, les Forces Vives de la Nation auraient « programmé de dissoudre le MNSD-Nassara » et « Hama Amadou s’est farouchement battu tout au long des travaux de la Conférence Nationale pour leur en empêcher ». En vérité, cette fameuse idée, il me souvient de l’avoir lancée au défunt juste pour le taquiner, puisqu’en fin de compte, répondant du tic au tac à nos « diatribes verbales », il avait fini par être, pour nous, Leaders de l’USN, une sorte de « cousin à plaisanterie ». Il l’a d’ailleurs parfaitement bien compris à tel point que, à l’occasion des pause-café ou des pause-déjeuner, on s’apostrophait mutuellement pour se taquiner. Et c’est ainsi que, lors d’une de ces plaisanteries, je lui avais lancé : « Si tu continues à nous embêter, nous pouvons prendre un Acte pour dissoudre le MNSD-Nassara ». Et lui de répondre : « Il faut oser, on va voir ! ». Par la suite, nous avions continué à agiter cette idée comme une épée de Damoclès, suivant une des maximes de SUN TSU consistant à « diffuser des fausses informations dans le camp de l’adversaire dans le but de le déstabiliser ».
Je ne sais pas si, au niveau du PNDS-Tarayya, un tel projet eut réellement existé. Mais, au niveau de l’USN, dont j’étais un des dirigeants, le projet de dissolution du MNSD-Nassara n’a jamais existé, ni explicitement, ni implicitement. Notre objectif, clairement exprimé depuis août 1990 et dans toutes nos publications ultérieures (littératures), était « le renversement démocratique et pacifique du pouvoir en place ». Et cet objectif a été quasiment atteint dès l’ouverture de la Conférence Nationale, puisque, dans son allocution solennelle de lancement des travaux, le Chef de l’Etat, Chef suprême des Armées, le Général Ali Saibou, un homme doué de sagesse et de sens de l’Histoire, a clairement indiqué : « Je sais que la Conférence va se déclarer souveraine, qu’elle va dissoudre les institutions issues de la Deuxième République et qu’à terme, elle va élire des organes de transition ». Puis, il a ajouté : « Sachez que je ne m’y opposerai pas » ; avant de conclure, en nous exhortant : « ne regarder que l’intérêt supérieur du Niger, car les hommes passent, le pays demeure » et que « l’Histoire vous jugera ». Et, comme le Général Ali Saibou l’avait pressenti, nous avions effectivement, dès le premier jour, adopté l’Acte I portant proclamation de la Souveraineté de la Conférence Nationale ; puis, quelques jours après, un autre Acte pour dissoudre le Gouvernement. Par conséquent, pour reprendre l’une des expressions chéries d’un défunt camarade Délégué de l’USN, Ligari Malam Cheffou, nous n’avions « nul besoin de terrasser quelqu’un qui était déjà couché ». Pour le reste, notre seul objectif était de dresser le bilan critique des 30 ans de gestion du pays (PPN-RDA et CMS) et de jeter les bases d’un régime véritablement démocratique où la voix de chacun et de tous pourra compter. L’exercice de cette « souveraineté » proclamée était une œuvre collective, impliquant tous les partis politiques légalement reconnus, y compris le MNSD-Nassara, les opérateurs économiques, le monde rural et le pouvoir « renversé » qui constituait un « Grand Groupe » au même titre que l’USTN et l’USN.
Comme telle, la Conférence Nationale s’est déroulée en deux grandes étapes : une étape de bilan critique des 30 ans de gestion qui a duré pratiquement 2 mois et une étape de définition des perspectives pour l’avenir qui a duré 1 mois. C’est dans la période de bilan critique que les « empoignades verbales » avaient eu lieu, les uns accusant, les autres se défendant ; tandis que, lors de la phase consacrée à l’adoption des mesures pour l’avenir du pays, les tensions avaient considérablement baissé. Au point où, c’est à l’unanimité des différents Grands Groupes que j’avais été élu « Rapporteur Général de la Commission Politique » dans laquelle siégeaient les principaux leaders des partis politiques et les dignitaires du régime « démocratiquement renversé ». Et aussi surprenant que cela puisse paraître pour certains, le « Groupe du Pouvoir » a été le premier à m’accorder sa confiance.
Cela étant, il n’en demeure pas moins que le défunt Hama Amadou (qu’Allah lui fasse grâce), fut effectivement, non pas le seul, mais le plus grand défenseur de la gestion du Conseil Militaire Suprême (CMS) et du MNSD Parti-Etat. Et en cela, Hama Amadou était pour le MNSD-Nassara et le « Groupe du Pouvoir », ce qu’Abdourahamane Zakaria était pour l’USN : un Porte-Parole de fait. Car, tout comme le MNSD-Nassara avait son Président par Intérim, l’USN avait son Président et Chef de Délégation, mais Hama Amadou et Abdourahaman Zakaria ont fini par être, chacun pour son camp, le Porte-Parole de fait, en raison de leurs qualités intrinsèques. D’ailleurs, ces deux « camarades » avaient quelque chose en commun : la témérité, ainsi qu’une sorte d’outrecuidance et de désinvolture qui leur sont propres….
Après la Conférence Nationale, nos chemins se sont, plusieurs fois, croisés, dans des cadres aussi différents les uns que les autres. Pour mémoire, je vais évoquer quelques souvenirs.
Premièrement, pour des raisons totalement différentes, nous nous sommes opposés au régime de l’Alliance des Forces du Changement (AFC), lui au nom du MNSD-Nassara qui cherchait à revenir au pouvoir, nous, au nom du Journal Alternative qui « combattait » le régime pour son orientation idéologique.
Deuxièmement, en 1996, dans le cadre du Front pour la Restauration et la Défense de Démocratie (FRDD), feu Hama Amadou nous a reçu à son domicile, Abdourahamane Ousmane et moi-même, pour une interview de minuit à 1:00 heure du matin. A sa demande, nous n’avions finalement pas publié ladite interview…Cependant, en marge de l’interview (hors micro), je me souviens d’avoir accusé la Nouvelle Majorité MNSD-PNDS d’être à la base du coup d’Etat militaire du Général Baré Mainassara, en ces termes : « Si vous aviez accepté le Pacte Républicain proposé par le Président Ousmane, autour d’un minimum de questions d’intérêt général, nous ne serions pas dans cette situation (de coup d’Etat) ». Et j’avais ajouté : « Vous auriez pu accepter cette offre de Mahamane Ousmane, au moins pour un ou deux ans, le temps de stabiliser le pays, quitte à la remettre en cause une fois que vous auriez la certitude de maîtriser les leviers du pouvoir ». Feu Hama Amadou m’a répondu : « Non, Tandja Mamadou et moi-même étions sincèrement d’accord avec le Pacte Républicain proposé par Mahamane Ousmane. Et si nous l’avions accepté, nous l’aurions accepté sincèrement, sans l’idée en arrière de le remettre en cause. Mais, Issoufou Mahamadou et ses lieutenants étaient farouchement opposés. Pour eux, le Pacte Républicain, c’est la Constitution. Si nous acceptons sans leur consentement, le PNDS va nous quitter, comme il n’a pas hésité à quitter l’AFC pour une histoire de Commission Centrale de Passation des Marchés Publics, et nous allons perdre le pouvoir. Nous ne pouvons pas prendre ce risque… »
Troisièmement, de 2003 à 2006, nous nous sommes plusieurs fois rencontrés dans le cadre d’un organisme international dont j’étais le Représentant au Niger, qui travaille au renforcement des capacités des partis politiques pour promouvoir la démocratie et le dialogue politique en Afrique de l’Ouest. Le MNSD-Nassara était le partenaire principal de l’organisme international et Hama Amadou était devenu le Président dudit parti, à la suite de l’élection de Tandja Mamadou à la Présidence de la République. Hama Amadou avait mandaté les ministres Sani Maman et Ali Sabo pour travailler avec moi. Avec ces deux personnalités et le soutien de l’organisme international, nous avions œuvré pour l’élection de Hama Amadou à la Présidence de l’Union des Partis Africains pour la Démocratie (UPAD), regroupant des partis politiques au pouvoir au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Sénégal et au Togo. Cette Union devrait recevoir 0,2% du Fonds Européen de Développement (FED) Régional pour renforcer la démocratie et l’Etat de droit en Afrique, mais ce projet avait « capoté » par ma faute….
Quatrièmement, en mars 2007, j’ai constaté avec plaisir que Hama Amadou est véritablement un homme d’Etat digne du nom, capable de dépasser ses intérêts personnels face aux affaires de l’Etat. Ainsi, en dépit du grave incident cité ci-dessus, Hama Amadou n’a pas hésité à me recevoir en audience, cette fois-ci, en ma qualité de Coordonnateur National de l’ONG SOS Civisme-Niger, au sein d’une délégation des leaders religieux comprenant : Mgr Michel Cartatéguy, Archevêque de Niamey ; Amir Ismaël Mohamed, Vice-Président du Collectif des Associations Islamiques du Niger (CASIN) ; Oustaz Cissé Sorizé, Représentant du Président de l’Association Islamique du Niger (AIN) ; Feu Pasteur Allassane, Président de l’Alliance des Missions et Eglises Evangéliques de la République du Niger (AMEEN).
Après avoir remercié le Premier ministre Hama Amadou de nous avoir reçu et l’avoir informé de ce que nous avions déjà eu l’honneur d’être reçus par le président de la République, SEM Mamadou Tandja, l’Archevêque de Niamey m’avait désigné : « Voici notre Porte-Parole, il va vous dire pourquoi nous sommes là ». Autorisé par le Premier ministre par un haussement de la tête, j’avais pris la parole, en ces termes : « Depuis 5 ans, notre organisation travaille au renforcement du dialogue islamo-chrétien autour de l’éducation civique et morale, la prévention des conflits, la lutte contre les inégalités économiques et sociales, pour favoriser la coexistence pacifique, la compréhension mutuelle entre les associations islamiques et chrétiennes. Notre objectif, c’est de faciliter la fédération des énergies pour la paix et le développement du Niger. Dans ce cadre, nous avions déjà faciliter la mise en place d’un Comité National de Suivi du Dialogue Islamo-Chrétien au Niger, d’un Comité Régional de Dialogue Intra et Inter Religieux (CDIR) à Zinder et à Maradi. Nous sommes venus pour rendre compte de ces résultats et de vous présenter les autres recommandations formulées par les leaders religieux à l’occasion des sessions de dialogue que nous avions organisées à Niamey, Maradi et Zinder, notamment : la mise en place du Conseil Islamique du Niger (CIN), d’une Assemblée Générale des Chrétiens (AGC) regroupant les catholiques et les évangéliques et d’un Conseil National de Dialogue Islamo-Chrétien ». Faisant une pause, j’ai tendu au Premier ministre l’ouvrage de 150 pages publié par SOS-Civisme-Niger sur les résultats de nos travaux. Il remit l’ouvrage à son Conseiller Principal, M. Sanou Joseph, qui était présent à l’audience, en lui disant : « Tu me résumes ça en deux pages ».
Poursuivant ma présentation, j’ai ajouté : « Nous sommes donc venus pour solliciter le soutien politique du gouvernement dans le cadre de ce travail ».
Prenant la parole, le Premier ministre Hama Amadou a déclaré : « Je suis impressionné par votre travail et vos résultats. Pour être honnête avec vous, quand j’ai pris fonction en tant que Premier ministre, ma priorité dans le domaine religieux, c’est de faire exactement ce que vous êtes entrain de faire. Mais, je ne savais pas comment le faire, et je craignais, en voulant le faire, de créer plutôt des problèmes au lieu de les résoudre. Puisque vous le faites, que vous le faites bien et que je constate que les leaders religieux vous font confiance (la preuve, vous êtes leur Porte-Parole), alors, vous aurez, non pas un soutien politique, mais toute sorte de soutien que vous voulez de la part de mon gouvernement. »
Puis, Hama Amadou a ajouté, en nous balayant tous d’un regard : « Moi, je suis conscient que, si jamais une insurrection religieuse se déclenche dans ce pays, le gouvernement et son armée pourront difficilement y faire face. Car, les soldats de l’armée vont à la guerre avec l’esprit de revenir vivants, de tuer en évitant de se faire tuer ; alors que, les insurgés religieux s’engagent dans la guerre en cherchant même à mourir pour aller au Paradis ». En ce moment, je me suis rappelé d’un des enseignements de Carl von Clausewitz dans « Les principes les plus essentiels pour la conduite de la guerre » : « La guerre est affaire de volonté, infiniment plus qu’affaire d’intelligence ou de moyens ».
J’ai repris la parole, en ces termes : « Parallèlement à cette initiative, notre organisation a mené une étude sur les déterminants socioéconomiques et culturelles de la fécondité dans les régions de Maradi et de Zinder, et nous comptons travailler avec les leaders religieux et les Chefs traditionnels sur un programme national de promotion d’une natalité responsable au Niger. Notre approche est différente de celle du gouvernement, mais nous poursuivons presque les mêmes objectifs. Nous sommes convaincus qu’il est absolument contreproductif de demander aux Nigériens de diminuer les naissances. C’est pourquoi, notre programme s’orientera vers la responsabilisation sociale, dans le respect strict des prescriptions de l’Islam et des bonnes pratiques des traditions et de la culture des Nigériens. Notre principe de base est le suivant : “chaque couple légalement constitué a le droit d’avoir autant de progénitures qu’il souhaite, jusqu’à 20 enfants ou plus s’il le souhaite, à condition de respecter les droits fondamentaux des femmes et des enfants“. Donc, la promotion des droits des femmes et des enfants sera le cœur de notre programme, ce qui permettra de travailler sur la scolarisation des jeunes filles, le mariage précoce, l’allaitement maternel exclusif, etc. Nous travaillerons également à la réhabilitation des pratiques traditionnelles d’espacement des naissances héritées de nos ancêtres, en l’occurrence “le shan kunu“, la stigmatisation du “rurutsa“, etc. »
Après m’avoir écouté « religieusement », le Premier ministre Hama Amadou a pris la parole, très impressionné : « Vous touchez-là du doigt, le cœur même de la toute première Déclaration de Politique Générale que j’avais présentée devant l’Assemblée nationale. Envoyez-moi ce programme, nous allons travailler ensemble. Entre temps, dites-moi tout ce que vous voulez, je suis prêt à vous soutenir ». J’en ai profité pour ajouter : « Justement, je me souviens que lors de la présentation de votre DPG, le Chef du Groupe Parlementaire de l’opposition, l’honorable Mohamed Bazoum a souligné que ce point, constitue le seul sur lequel son parti, le PNDS-Tarayya, est d’accord avec vous… ».
Une semaine après cette audience mémorable, le Conseiller Principal de Hama Amadou, M. Sanou Joseph, m’a vainement cherché. Car, le Premier ministre l’a instruit, avant son retour d’une mission de 7 jours, de me contacter, d’avoir une copie du programme de natalité responsable que j’avais décrit et de lui présenter un état des appuis dont SOS-Civisme-Niger avait besoin. Comme nous n’étions pas gourmands et que nous n’avions demandé qu’un appui politique, nos besoins se limitaient au strict minimum : un véhicule 4×4 et 1 million 500 mille F CFA pour l’achat d’un ordinateur portable et la mise en place d’une connexion internet. Justement, dès le lendemain du retour du Premier ministre de sa mission, son Conseiller Principal m’a appelé pour me montrer le papier que je lui avais présenté : Hama Amadou y a écrit : « Approuvé. Voir le Directeur de Cabinet pour exécution ». Puis, le Conseiller Principal m’avait dit : « Comme le Premier ministre a approuvé, tu peux partir, quand tout sera prêt, je vais t’appeler ». De mars 2007 à ce jour, je n’ai pas encore été appelé !
Pourtant, après cet épisode, j’ai rencontré plusieurs fois le Premier ministre Hama Amadou, mais, par éducation, je ne l’avais jamais questionné sur ce fameux appui. Car, après tout, nous ne lui avions rien demandé, et de surcroît, notre organisation, grâce à Allah et l’engagement collectif de ses membres, a nettement grandi, a acheté sur fonds propres des véhicules 4×4 et des ordinateurs portables, et elle accordait des financements substantiels à des institutions de l’Etat. Pour autant, nous disons encore un grand merci à Hama Amadou pour la bonne volonté.
Cinquièmement, on peut souligner que Hama Amadou est leader politique charismatique et d’envergure nationale. Même après avoir été évincé du MNSD Nassara, il a su créer un nouveau parti politique solide, le MODEN FA LUMANA, qui s’est imposé au rang de deuxième formation politique du pays. Le seul problème, c’est qu’il ne semble pas avoir préparé un dauphin, capable de rassembler tout le monde. Toutefois, pour faire du “karambani“, c’est-à-dire me mêler de ce qui ne me regarde pas, je pense que Sanda Soumana, secondé par Sani Maman, a les qualités intrinsèques pour prendre la relève….
Sixièmement, comparé à Issoufou Mahamadou, un lecteur assidu des grands penseurs politiques et des stratèges militaires qu’il cite souvent comme s’il s’agit de théories et de maximes personnelles, ou à Bazoum Mohamed, un intellectuel brillant quelque fois présomptueux et qui pêche par trop de confiance naïve en « l’homme », Hama Amadou, n’est ni un universitaire, ni un intellectuel. Hama Amadou est plutôt, un homme intelligent et clairvoyant, qui connaît les acteurs nigériens et leurs jeux, qui est doté d’une remarquable capacité à comprendre le sens des évènements, puis à déterminer l’attitude la plus adaptée à chaque contexte.
En termes de clairvoyance, Hama Amadou fut le premier leader de l’opposition à comprendre que le projet politique de Mahamadou Issoufou n’est pas de consolider la démocratie pluraliste dans le pays, mais d’institutionnaliser une « succession dynastique » et que rien ne pourrait l’arrêter qu’un rapport des forces démocratique ou, à la limite, un coup d’Etat militaire. Mais, le coup d’Etat militaire du 26 juillet 2023 n’arrête pas le projet politique de Mahamadou Issoufou, il le reporte à une date ultérieure, pour ne pas dire, à un moment opportun.
Toujours en termes de clairvoyance, Hama Amadou fut un des premiers, depuis son exil, à alerter le CNSP sur le danger que constituerait une attaque, par les manifestants pro-coup d’Etat et anti-français, de l’Ambassade de France ou des troupes françaises au Niger. Si jamais une telle erreur s’était produite, il n’y aurait plus de CNSP aujourd’hui ou alors le Niger serait en ce moment à feu et à sang.
Cependant, malgré sa clairvoyance, il est arrivé que Hama Amadou se trompe lourdement, voire fatalement, de jugement. Ce fut le cas en 2011, lorsqu’il a déconstruit son alliance avec Mahamane Ousmane et Seini Oumarou, pour soutenir Issoufou Mahamadou, lui permettant ainsi de devenir presque accidentellement président de la République. Telle fut la volonté d’Allah. Ce fut également le cas lorsqu’à la suite des évènements du 26 juillet 2023, il a cru comprendre que « le moment (leur) était favorable », alors que personne ne peut, à ce jour, expliquer les raisons profondes de l’acte posé par le Général Tiani, encore moins vers et jusqu’où ira le CNSP.
Enfin, je ne sais si elle vient de lui ou des cadres techniques des Ministères, Hama Amadou avait une vision pour le développement de ce pays, présenté dans la Stratégie de Développement Durable et de Réduction de la Pauvreté (SDRP). Et c’est la même vision, mot à mot, qui a été reprise dans le Plan de Développement Economique et Social (PDES, 2011-2015), puis dans le Plan de Développement Economique et Social (PDES, 2015-2021) de Mahamadou Issoufou.
Persécuté parce que redouté, Hama Amadou fut une des figures emblématiques de l’histoire politique de notre pays. Il a fait sa part.
Qu’Allah lui fasse rémission de ses péchés et l’accueille dans son Paradis Éternel. Amine.
Aminou Laouali
Rapporteur Général de la Commission Politique de la Conférence Nationale Souveraine du Niger