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5 octobre, 2024
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Coalition des fronts rebelles :  Un chapelet de revendications politiques !

Le samedi 28 septembre 2024, le commandement militaire des Forces armées libres (FAL) dirigé par l’ancien ministre d’Etat Rhissa Ag Boula, a rendu publiques ses revendications à travers un communiqué signé par son chef d’état-major, un certain Lieutenant Général Moussa Egourou. Dans son communiqué N°001, le 25 septembre, Rhissa Ag Boula avait dissous le Conseil de la Résistance pour la République (CRR) en annonçant la création des FAL. Cette faction rebelle se trouve en alliance stratégique avec le Front patriotique pour la libération (FPL) de Mahmoud Sallah. Ce qui frappe l’esprit, c’est surtout le caractère politique des revendications de ces mouvements rebelles qui prétendent renoncer à la lutte républicaine pour la lutte armée. Dans un contexte où l’Etat du Niger fait face aux groupes terroristes, il y a lieu de se demander jusqu’où iront ces groupes rebelles ? N’est-ce pas une contradiction dans les termes de recourir aux armes pour restaurer les institutions républicaines ? Les fronts rebelles ne sont-ils pas dans le rôle des partis politiques ?

Comme pour justifier son recours à la violence, dans son communiqué N°001, Rhissa Ag Boula a pris soin de déclarer : “Le Conseil de la Résistance pour la République (CRR) annonce officiellement sa dissolution en ce jour ». Il justifie sa décision par la nécessité de créer le rapport de force qui est, à ses yeux, le « seul moyen de contraindre ce régime illégitime à restaurer un ordre constitutionnel démocratique”. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, le mouvement FAL met en avant le combat politique en lieu et place des partis politiques. “Les Forces Armées Libres (FAL) s’engagent à défendre les valeurs démocratiques et les droits du peuple et appellent à une mobilisation générale en vue de rétablir la souveraineté populaire bafouée par le régime de Tiani”, a martelé Rhissa Ag Boula.

Parmi les revendications des Forces Armées Libres en 7 points, on peut citer entre autres, la libération du président Bazoum et son épouse ainsi que toutes les personnalités politiques détenues depuis le 26 juillet 2023; le rétablissement de l’ordre constitutionnel, etc.

En réaction à la création des FAL, le Front Patriotique de Libération (FPL) dit avoir pris acte de la dissolution du Conseil pour la Résistance de la République. “Le FPL maintient la même alliance stratégique avec Rhissa Ag Boula à travers les Forces Armées Libres F.A.L en vue de l’efficacité des actions futures », a fait savoir Mahmoud Sallah à travers son communiqué N°013. Entre autres actions, la restauration de la démocratie et l’ordre constitutionnel au Niger à travers une coordination. A bien lire, les discours des deux mouvements rebelles sont corrélés par la prétention de restaurer la démocratie et le retour à l’ordre constitutionnel. Notons qu’en plus du FPL de Mahmoud Sallah et des FAL de Rhissa Ag Boula, il y a deux autres front rebelles créés par des nigériens à savoir le Front Patriotique pour la Justice (FPJ) de Mahamat Tori et le Mouvement Patriotique pour la Liberté et la justice de Moussa Kounai. Ces derniers ont déjà fait parler d’eux en posant des actes de violence à Bilma et à Chirfa.

Les fronts rebelles dans le rôle des partis politiques…

C’est une vérité de La Palice que de dire que les revendications politiques telles qu’exprimées par les fronts rebelles sont l’apanage des partis politiques. Certes, les partis politiques sont suspendus depuis les évènements du 26 juillet, ce qui justifie d’ailleurs leur silence assourdissant voire leur hibernation. Mais c’est assez surréaliste de voir les fronts rebelles en première ligne dans le combat pour la défense et la restauration de la démocratie.

Dans plusieurs de nos éditions, nous avions rappelé qu’il faudrait déplorer le silence assourdissant de la classe politique et les contre-pouvoirs sur la situation de Mohamed Bazoum, son épouse et tous les détenus politiques liés aux évènements du 26 juillet. Au delà de ces personnes détenues, il faudrait voir plutôt le climat politique délétère qui s’installe dans le pays. Le pays ne saurait rester indéfiniment dans l’impasse. Nos généraux formés sous l’ère des droits humains ont-ils oublié que le monde les observe ? Ont-ils déjà oublié leur adhésion aux principes de l’Etat de droit qui suppose le respect scrupuleux de la loi ? Où sont les officines de défenseurs des droits humains ? Où sont les sages d’ici et d’ailleurs pour regarder impuissants une famille privée de liberté sans autre forme de procès ? Quid de l’engagement du CNSP de respecter les instruments internationaux souscrits par le Niger ?

Tout se passe comme si la raison a déserté les consciences et que les Nigériens ne s’écoutent plus. Notre propos est de dire humblement aux militaires que continuer à détenir l’ex couple présidentiel sans aucune poursuite judiciaire ne saurait les grandir. Bien au contraire. Mais comme à l’ère du populisme, d’aucuns ont tendance à ériger la pensée unique en mode, il y a lieu de se plaindre de la démission de tous: les partis politiques qui ont subitement oublié leur vocation, les organisations de la société civile qui confondent vitesse et précipitation en se reniant, et d’autres acteurs de la démocratie qui se sont réduits en simples porteurs d’eau de la junte en choisissant d’aller à contre-courant de notre processus démocratique. 

Il y a lieu pour la junte de poser des actes tendant à décrisper le climat politique du pays. La panique est générale : les leaders politiques, les intellectuels, les acteurs de la société civile, les journalistes n’arrivent plus à assumer leurs responsabilités dans la marche actuelle du pays. La décrispation de la vie publique évitera aux discours séditieux des fronts rebelles d’apparaitre comme une alternative pour le retour à l’ordre constitutionnel. C’est dire qu’il incombe à la junte militaire de ne pas laisser prospérer la propagande des frontistes en donnant des gages aux citoyens pour la normalisation de la vie politique du pays. Cela ne saurait être possible dans l’étouffement de toutes les voix citoyennes.

Au nom de la sauvegarde de la patrie, il n’est pas normal que quelques-uns marchent sur l’unité nationale et toutes les valeurs qui cimentent notre vivre-ensemble, autant dire que la junte a du fil à retordre. L’intrusion des militaires sur le terrain politique doit tracer une ligne de démarcation entre le jeu politique traditionnel, la guéguerre des politiciens et l’intérêt général. Au lieu de poser des actes attendus par les citoyens à savoir satisfaire leur soif de justice sociale et la recherche du mieux être, la junte à tendance à ne pas inscrire ses actions conformément à ses promesses initiales.

Que faire ?

 De ce qui précède, il apparaît clairement que le challenge pour le général Tiani et ses compagnons d’armes, c’est de faire en sorte que ce pays soit encore paisible, uni et crédible. Le monde nous observe. Nous ne le disons jamais assez que dans notre pays où tout est prioritaire, il serait hasardeux de penser que l’activisme en vogue des populistes serait la panacée. Un simple survol de notre histoire politique récente pourrait convaincre ceux qui ont tendance à céder aux chants de sirène des populistes (exemples des soutiens du Cosimba ou du Tazarce). Ces offres en apparence séduisantes sont en réalité des feux de paille.

A notre sens, la sauvegarde de la patrie est une affaire de chacun et de tous. Dans l’œuvre de l’édification de la nation, chaque citoyen doit jouer sa partition. Autant de têtes autant d’avis, dit-on. Et puisqu’il faut de tout pour faire un monde, il faudrait accepter les règles élémentaires du vivre-ensemble comme condition sine qua non de la paix sociale et de la préservation de l’intérêt général. Le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) doit décrisper la situation sociopolitique. Le pays ne saurait tenir dans l’imbroglio permanent. Il n’y a plus de raison de continuer à entretenir une psychose, une sorte de paranoïa comme mode de gouvernance. Il est grand temps de passer à autre chose notamment aborder les vrais défis pour le pays. Dans cet ordre d’idées, il faudrait ne pas trop tirer sur certaines cordes sensibles. Notre désir du vivre ensemble est plus fort que ce qui nous divise. Par conséquent, ne tirons pas sur certaines cordes qui feront de nous un peuple vulnérable car notre unité est faite aussi de nos particularités.

Dans cet esprit, pour couper l’herbe sous le pied des groupes rebelles, il va falloir lever la suspension des partis politiques, définir un délai de la période de la transition et annoncer la période où se tiendront des élections inclusives. Il serait également dans l’ordre normal des choses après plus d’un an de transition de permettre à tous les courants de s’exprimer en libérant également sans délai tous les détenus politiques.

L’instauration de la pensée unique dans le pays fait que ceux qui pensent que d’autres alternatives sont possibles sont tenus à chercher d’autres voies d’expression y compris la violence. Ce n’est qu’une simple logique de la dynamique des groupes : soit on accepte l’ordre établi soit on se rebelle. A notre humble avis, le rôle d’un leadership responsable serait de se mettre au dessus de la mêlée pour réunir toutes les filles et les fils du pays dans l’œuvre de  construction de la Patrie. Faudrait-il tendre la main aux quatre fronts rebelles ou laisser pourrir la situation ? That’s the question.

Elh. M. Souleymane

L’Autre Républicain du jeudi 3 octobre 2024

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