Le 25 septembre 2024, le Cadre d’Action des Professionnels des Médias du Niger (CAP-Médias-Niger) a rendu publique une déclaration sur ‘’l’implication présumée du journaliste Serge Mathurin dans un complot funeste de déstabilisation du Burkina Faso’’. Il n’y a rien à redire sur le fait qu’une organisation prétendument socioprofessionnelle prenne position dans une affaire impliquant un confrère. Le hic c’est que les promoteurs de ce cadre ont eu l’outrecuidance de nier à Serge Mathurin la présomption d’innocence. De façon contradictoire, le fameux CAP-Médias-Niger affirme : “Le chef d’accusation contre ce journaliste nigérien d’origine ivoirienne vivant au Niger, depuis plus de deux (2) décennies, n’ayant aucun lien avéré avec la profession du journaliste, le CAP-Médias-Niger attire l’attention de l’ensemble de la corporation à faire preuve de loyauté, de discernement et de sérénité dans le traitement de cette information”.
Non contents de ne pas apporter leur soutien de principe ne serait-ce qu’au nom de la présomption d’innocence, ces ‘’patriotards’’ de confrères ne sont pas à leur premier coup d’essai dans l’optique de saper la confraternité. Le mépris du cas Ousmane Toudou par ce Cadre, à sa naissance au Groupe de presse Anfani, en dit long sur sa posture iconoclaste congénitale. Il n’y a pas à fouetter un chat quand on sait que ce sont les mêmes qui sont responsables du dysfonctionnement de la Maison de la Presse censée fédérer la corporation.
L’état de la liberté de la presse fait problème au Niger en raison des pressions politiques, de la morosité de l’environnement économique et de la pauvreté qui est le lot quotidien des journalistes notamment ceux du secteur privé, selon le rapport 2024 de Reporters Sans Frontières.
Dans notre pays, les statistiques sont parlantes : En 2024, le Niger a chuté de 19 places par rapport à l’année précédente. Cette année, il est classé 80è sur 180 pays évalués avec un score de 59,71. Comparons avec l’année 2023 où il occupait la 61è place avec un score de 66,84. La peur s’est installée au point où l’autocensure a pris des proportions dans les rédactions : les journalistes craignent d’être interpellés et détenus sur la base du code pénal ou de la loi sur la cybercriminalité.
L’indicateur sécuritaire est tout aussi inquiétant car le Niger retombe à la 107è place alors qu’il était à la 36è place en 2023. En un mot, la sécurité des journalistes pose problème.
Il n’y a pas que les pressions politiques et sécuritaires qui entravent l’exercice de la liberté de la presse au Niger. Il faut aussi compter avec l’environnement économique qui est tout aussi préoccupant avec la perte de 31 places. Cela est lié aux contraintes financières auxquelles les médias privés font face. En effet, certaines organisations socioprofessionnelles du secteur des médias ont, elles-mêmes, reconnu qu’avec le coup d’Etat du 26 juillet 2023, les médias privés ont perdu d’énormes ressources financières ; beaucoup de contrats de prestations de services ont été annulés privant ainsi ces médias de leurs moyens de fonctionnement qui permettent de rémunérer leur personnel. Les annonces publicitaires se font rares. Ce qui fait que les travailleurs des médias privés totalisent des arriérés de salaire. Dans des conditions de pauvreté, il n’y a pas de liberté de la presse, avertit la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ).
En un mot comme en cent, voici les vraies préoccupations qu’une organisation socioprofessionnelle digne de ce nom est censée mettre en avant au lieu de s’ériger comme un cadre zélé et porteur d’eau d’un agenda en porte-à-faux avec les principes de la liberté d’expression et les droits humains.
La rédaction
L’Autre Républicain du jeudi 3 Octobre 2024