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27 décembre, 2024
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Situation sociopolitique au Niger : Les mesures liberticides s’enchaînent !

Par Elh. M. Souleymane

C’est Karl Marx qui a écrit : « Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes. » Jean de La Fontaine dira que : “ la raison du plus fort est toujours la meilleure”. En effet, le lundi 9 septembre 2024, Boubacar Sabo (membre du Présidium du PNDS-Tarayya) et Ibrahim Maman (un leader du PNDS et DG sortant de la SONIDEP) sont déposés respectivement dans les prisons de Ouallam et Niamey après une détention de plus d’un mois à la gendarmerie. Au lieu de faire face aux grands défis qui assaillent le pays, le régime du général Tiani excelle dans le montage des artifices pour attenter à la liberté d’expression. On le sait, sous la dictature, le pouvoir, l’essentiel du pouvoir judiciaire est détenu par la police et les services secrets qui ont presque droit de vie et de mort sur les citoyens. D’où l’éclosion des mesures scélérates constatée aujourd’hui dans notre pays. Et le plus inquiétant, c’est le silence des contre-pouvoirs voire ‘’la mort de la citoyenneté’’ comme dirait le politologue Rahmane Idrissa.

« Au Niger, comme au Burkina Faso et au Mali, la citoyenneté est morte. Ceux qui veulent être des citoyens sont coffrés et persécutés, et le reste est mis au pas », alerte le politologue Rahmane Idrissa. Sous prétexte de lutter contre le terrorisme ou ceux qui font l’apologie, l’ordonnance portant déchéance de la nationalité et celle relative à la cybercriminalité sont inadéquates en ce sens qu’elles remettent en cause les libertés fondamentales dont la liberté d’expression acquise de haute lutte par le peuple nigérien.

 Tour à tour, les Nigériens observent impuissants l’érection de la COLDEFF avec ses procédés anachroniques  dénoncés  par les avocats et les magistrats, la mise à jour rétrograde de la loi sur la cybercriminalité, la fameuse ordonnance N°2024-05 du 23 février 2024 portant dérogation à la législation relative aux marchés publics, aux impôts, taxes et redevances et à la comptabilité publique qui constitue un terreau à la corruption et au clientélisme, et l’ordonnance n°2024-43 du 27 août 2024, instituant au Niger, un Fichier des Personnes, Groupes de personnes ou Entités (FPGE) impliqués dans des actes terroristes ou dans toutes autres infractions portant atteintes aux intérêts stratégiques et/ou fondamentaux de la Nation ou de nature à troubler gravement la tranquillité et la sécurité publique et fixant les modalités d’inscription et de retrait.

Pour conforter la mainmise de la junte sur l’Etat, il fallait réprimer et museler les mal-pensants ou voix discordantes (journalistes, opposants ou libres penseurs). Au lieu de décrisper l’atmosphère sociopolitique, la junte de Niamey fait le pari d’emprisonner ou déchoir de sa nationalité tout celui qui pense qu’un autre Niger est possible en dehors de la vision clivante et anachronique qu’on voudrait imposer à chacun et à tous. La répression juridique croissante dans notre pays vise essentiellement à faire taire tout le monde. On se retrouve comme dans l’antiquité (Cf le billet de Dr Souley Adji en page 2) où les gouvernants ont tendance à infantiliser tout le monde : nul n’a le droit de choisir ou de dire non aux princes qui gouvernent.  

“Après les décisions de déchéance de nationalité, les séquestrations, les gels des comptes, …l’intolérance politique se précise. C’est le règne de la pensée unique. Les citoyens doivent observer et suivre les ordres et autres diktats de la junte. Tout le monde doit regarder dans la même direction : on se range ou on va en exil », a martelé un analyste.

Mais à regarder de près, cette répression juridique galopante dans notre pays ne vise pas forcément les terroristes, elle s’attaque plutôt à la liberté d’expression en donnant la possibilité d’arrêter, d’emprisonner puis de condamner tous ceux et celles qui manifestent leur attachement aux libertés fondamentales. Sur la base d’une suspicion ou dénonciation calomnieuse, une personne pourrait se retrouver en prison voire perdre sa nationalité ! Un observateur averti disait que ‘’la junte nigérienne est en passe d’opérer une véritable discrimination en s’arrogeant le droit de décider de ceux qui sont nigériens et de ceux qui ne le seront plus’’.

Le juriste Ibrahim Diori a récemment attiré l’attention en indiquant que l’ordonnance n°2024-43 du 27 août 2024 : “… mérite également d’être révisée en ce qu’elle tend ostensiblement à neutraliser le principe cardinal de présomption d’innocence, les droits d’aller et venir et le droit d’asile dans la mesure où la seule inscription au FPGE emporte instantanément à l’encontre des personnes concernées le « gel des avoirs financiers » par l’interdiction d’accès à leurs comptes bancaires, leurs investissements ou toutes autres ressources financières, l’interdiction de déplacement à l’intérieur du pays sauf autorisation, l’interdiction de voyage à l’étranger et la restriction des transactions commerciales”.

Il faudrait prendre ces mesures très au sérieux dans la mesure où tout le monde est en sursis. Si on n’y prend garde, ces mesures qui donnent plus de pouvoir aux services secrets impacteront inexorablement la cohésion sociale. Les penseurs du système démocratique ont conscience que le règne de la pensée unique est l’ennemi des libertés et des droits humains. L’humanité a souffert de tant de crimes et de régressions chaque fois que quelqu’un ou quelques-uns imposent à la société leur vision (pensée unique) ou leur volonté. C’est une trajectoire dangereuse qui anéantit l’imagination créatrice et la culture. C’est Joseph Ki-Zerbo qui a écrit dans ‘’A quand l’Afrique’’ : « …Si toutes les cultures devaient être alignées sur celle du Texas, ce serait une perte irrémédiable pour les texans eux-mêmes : il n’y aurait plus d’enrichissement possible. Le clonage culturel, c’est la fin de la civilisation. »  En d’autres termes, l’altérité et la diversité sont un enrichissement de sorte qu’il faut savoir surmonter la phobie de la rencontre avec l’autre. Le CNSP a intérêt à entendre les autres sons de cloche qui sont souvent plus constructifs que les vuvuzelas de certains soutiens ou porteurs d’eau qui le poussent à la faute.

Dans un pays confronté au terrorisme, aux rebellions et clivages politiques exacerbés, la junte risque gros en touchant à ce que les citoyens ont de plus cher à savoir leurs libertés. Ce serait un précédent dangereux de penser de façon simpliste qu’on pourrait se permettre de déchoir les citoyens de leur nationalité et prêcher le vivre-ensemble dans le désert. En toute chose, il faut savoir raison garder, dit-on.

Elh. M. Souleymane

L’Autre Républicain du jeudi 12 septembre 2024

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