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21 décembre, 2024
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Billet : SOCIOLOGIE D’UN OSTRACISME

Par Souley Adji

Pratiqué par certaines cités de la Grèce antique, cinq siècles avant notre ère, l’ostracisme consistait à éloigner certains individus de la Cité pendant une durée de cinq à dix ans. Étaient singulièrement ciblées les personnalités prétendument dangereuses ou les hiérarques constituant une menace pour la stabilité de la démocratie et l’équilibre de la Cité en général.

À Athènes notamment, les ostracisés devaient s’exiler dix ans durant dans une autre Cité lointaine. À la fin de son bannissement, l’individu pouvait tranquillement regagner  la Cité natale et jouir de tous ses droits et de tous ses biens.

S’il concernait aussi bien les magistrats, les nantis que les militaires, l’ostracisme athénien n’allait donc pas jusqu’à dépouiller l’individu de tous ses droits ni de toutes ses propriétés et était surtout limité dans la durée. En particulier, il était le fait de citoyens libres, qui, par leur vote, décidaient d’abord de sa nécessité ou non dans l’année en cours, puis de son application éventuelle. Il s’agissait ainsi d’une mesure administrative préventive, nullement judiciaire, à une époque où pullulaient les démagogues et surtout où la démocratie avait été préférée à tous les types de régime : tyrannie, dictature, monarchie, aristocratie, etc. D’où le besoin voire l’impératif de la protéger des boutefeux et des pouvoiristes, civils ou armés..                      

Deux mille cinq cents ans après la démocratie athénienne, le régime militaire nigérien du 26 juillet remet au goût du jour cette pratique du bannissement des citoyens de leur propre pays, non évidemment pour préserver et pérenniser le système démocratique, mais pour des raisons éminemment sécuritaires – officiellement.

Mieux que les Athéniens antiques, les autorités  nigériennes ont formellement légalisé un ostracisme à vie, un bannissement à perpétuité, l’apatridie, comme si l’État ne disposait point d’instruments juridiques pouvant garantir la paix sociale.

L’ordonnance du pouvoir militaire intervient, en effet, un an après avoir solennellement pris l’engagement d’éradiquer le djihadisme terroriste, à ses yeux prépondérant sous le régime renversé, lequel, sans jamais avoir besoin de recourir à l’ostracisme,  avait simplement compté sur l’art et l’expertise des Généraux aujourd’hui aux commandes de l’État. Or, ces derniers mêmes déplorent aujourd’hui la persistance du fléau.

C’est dire que, manifestement, dans ce domaine particulier, pour l’élite militaire au pouvoir la lutte armée contre les djihadistes a largement montré ses limites, du moins tant qu’elle n’est pas doublée de l’ostracisme des nationaux, dont certains restent condamnés à l’exil tandis qu’une lourde épée de Damoclès pendra constamment sur la tête des autres. Nul, désormais, n’est donc à l’abri de l’arbitraire, de la calomnie ou de la délation. Comme naguère en Grèce antique, où certains règlements de comptes s’opéraient via l’ostracisme.

Le Général Périclès lui-même n’hésita pas à recourir à ce stratagème d’éviction des rivaux de l’arène politique. Mais, il en fut également victime plus tard.  

Selon Aristote, à travers l’ostracisme officiel les gouvernants ne cherchent ni plus ni moins qu’à consolider leurs positions de pouvoir et leurs intérêts particuliers, d’autant plus qu’il pave la voie à la dictature ou à la monarchie, souligne t-il judicieusement.

Comme le chante Maxime Le Forestier : Être né quelque part, pour celui qui est né, c’est toujours un hasard ! Être né quelque part, c’est partir quand on veut, revenir quand on part. Est-ce les gens naissent égaux en droits, à l’endroit où ils naissent !!!

Rien n’arrêtera la solidarité africaine et altermondialiste pour les victimes d’ostracisme de toutes natures !

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