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14 septembre, 2024
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Ordonnance instituant le retrait de la nationalité : Le lynchage des mal-pensants continue !

C’est bien connu, sous les dictatures, les opposants ou mal-pensants sont réduits au silence par l’exil, l’emprisonnement voire l’assassinat. Au Niger, en plus des arrestations extra-judiciaires, la junte continue d’inventer d’autres procédés pour sévir contre les citoyens qui ne cautionnent pas sa vision. L’Ordonnance du président du CNSP du 27 août 2024 n’est rien d’autre qu’un moyen de règlement de comptes politiques en vue de mettre hors d’état de nuire des adversaires politiques notamment les partisans du régime renversé. Au lieu de faire face aux grands défis qui assaillent le pays, le général Tiani se dote plutôt d’une nouvelle ordonnance pour déchoir certains nigériens de leur nationalité !  Est-ce le remède au refus de la pensée unique ? N’est-ce pas anachronique de concevoir un gouvernement sans opposition ?

Quand on sait que le Niger, avant le 26 juillet 2023, avançait sur le chemin d’un développement à deux chiffres et que le ciel radieux promettait des essors tous azimuts (sur les plans de l’éducation, des normes sécuritaires, économiques, etc.) qui sont désormais remis en cause du fait des arrêts des accords de coopération avec les partenaires du Niger, “il serait judicieux de savoir quels sont les objectifs politiques de cette aventure militaro-politique”, se demande un expert en politiques publiques.

Aujourd’hui, c’est un truisme de dire que le Niger est très mal barré. Très mal représenté par un chef d’Etat aux abonnés absents, qui vit replié à la Présidence de la République. En 13 mois de gestion du pouvoir, le général Tiani ne s’est jamais rendu à l’intérieur du pays. Ni les drames subséquents aux assassinats de nos soldats sur différents théâtres suite aux attaques terroristes, ni les inondations avec leur corollaire de victimes en vies humaines et de dégâts matériels n’ont suffi pour faire sortir le chef de l’Etat au chevet des populations.  

Pourtant, écrivait André Salifou parlant de Diori Hamani : « La diplomatie exigeant des contacts humains, directs de préférence, et aussi fréquents que possible, le chef de l’Etat nigérien fait des voyages à l’étranger l’un des instruments essentiels de sa politique ». Le général Tiani se trouve à mille lieues de cette posture diplomatique où le Chef de l’Etat incarne la diplomatie en tant que chef de la diplomatie par excellence. Que d’occasions perdues pour le Niger du fait de l’absence du chef de l’Etat dans les grandes rencontres internationales ! Les observateurs avertis se demandent comment Tiani entend gouverner le Niger en faisant le pari du repli sur soi ?

Jamais le multilatérisme n’a été remis en cause au Niger que sous le magistère du général Abdourahamane Tiani où notre pays a systématiquement tourné le dos aux acquis de sa coopération avec ses partenaires traditionnels. Ce constat est exprimé ici avec plus de pertinence par ce citoyen du monde, expert en politiques publiques, lorsqu’il écrit : “Les modèles de gouvernance doivent être plutôt ceux de la coopération internationale harmonieuse et des valeurs de coexistence pacifique ; la guerre n’a jamais été la grande santé des peuples. Il est encore temps pour le Niger, pour l’Afrique de l’Ouest, de proposer des modèles politiques de gouvernance inventifs et vraiment bénéfiques pour tout le monde. Ce n’est pas la haine et le ressentiment victimaires qui font avancer les États et les sociétés mais l’invention et la concorde, l’éducation et le bien-être, la santé et la justice, la paix et la sécurité car les limitations des libertés fondamentales et les décisions de s’en remettre au militarisme revanchard peuvent cacher l’absence d’innovations et d’inventions politiques authentiques.”

Commentant la nouvelle ordonnance du général Tiani, un analyste a réagi en ces termes : “Après les décisions de déchéance de nationalité, les séquestrations, les gels des comptes, …l’intolérance politique se précise. C’est le règne de la pensée unique. Les citoyens doivent observer et suivre les ordres et autres diktats de la junte. Tout le monde doit regarder dans la même direction : on se range ou on va en exil ».

Après ‘’l’avertissement national’’ du colonel Ibro, c’est au général Tiani, dans son message à la Nation, d’avertir tous les opposants ou mal-pensants que le Niger a cessé d’être la terre de l’altérité et de la tolérance. Dans cette optique, il y a lieu de se demander comment la junte militaire entend sauvegarder la patrie en considérant une partie des fils du pays comme quantité négligeable.

Dans une étude intitulée ‘’Niger : anatomie d’une junte’’, l’Institut français de géopolitique (IFG) constate : “Au Niger, leur objectif est d’instaurer un régime d’exception, d’accaparer les postes stratégiques de l’administration, … et de se substituer aux élus des instances régionales et municipales qu’ils ont dissoutes. En outre, ils promulguent des lois et des décrets renforçant leur mainmise sur l’État, musèlent la presse et l’opposition…” C’est dire que l’ordonnance du 27 août, entre autres, corrobore ce constat de l’IFG.

Le règne de la pensée unique est révolu.  A notre humble avis, si les militaires au pouvoir voudraient réussir leur transition, ils doivent cesser de considérer le pays comme une caserne et les citoyens comme des soldats. Il n’y a que dans les casernes où les soldats sont tenus d’obéir sans murmure ni toute autre forme de contestation de l’ordre avant son exécution. Les Nigériens ont vécu l’ère démocratique pendant une trentaine d’années. Ils ont appris à contester l’ordre en place, à donner leurs opinions sur la marche du pays, bref à dire non. Nier cette réalité ne peut aboutir qu’à une dictature béate.

Elh. M. Souleymane

L’Autre Républicain du jeudi 29 août 2024

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