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6 octobre, 2024
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Issoufou Mahamadou VS Comité Mo Ibrahim : Mo Ibrahim roulé dans la farine !

Que retenir du jeu de ping-pong entre le Comité Mo Ibrahim et Issoufou Mahamadou ? Le communiqué de ce Comité tendant à se délecter de la réponse du récipiendaire controversé de ce prix ne risque-il-pas de décrédibiliser à jamais le prix Mo Ibrahim ? Certains analystes considèrent que c’est un arrangement, Issoufou Mahamadou a dû rembourser l’argent perçu pour éviter la publication du rapport du Comité tendant à lui retirer le prix. Oui, Issoufou a condamné sur le tard le coup d’Etat du général Tiani et après ? Qu’est-ce que cela pourrait changer au sein de l’opinion publique qui a eu à se faire son propre jugement, il y a belle lurette ? Pourquoi le Comité Mo Ibrahim a attendu un an pour demander des comptes à celui qui prétend être démocrate et désormais compagnon des putschistes ?

Quelle mouche a piqué Issoufou Mahamadou, se demandaient d’aucuns au regard de sa prise de position très claire quoique tardive. “Ce qui fait plonger la souris dans le feu est certes plus chaud que le feu”, selon un adage de chez nous. En d’autres termes, pourquoi l’ancien président était-il tenu de répondre de façon désobligeante ? La réponse est simple : il y a son honneur et de l’argent en jeu. Le Prix Mo Ibrahim a propulsé Issoufou Mahamadou en chantre de la démocratie en Afrique. Le Prix Mo Ibrahim est une récompense d’une valeur de 5 millions de dollars US versée sur dix ans. En tant que lauréat du Prix Mo Ibrahim, Issoufou Mahamadou va recevoir 5 millions de dollars, versés sur dix ans, en plus d’une allocation à vie annuelle de 200 000 dollars. C’est dire qu’il y a pour l’ancien Président de quoi faire diligence pour répondre au Comité Mo Ibrahim avec empressement.

Les observateurs constatent que Issoufou Mahamadou n’a pas eu le courage de faire montre de ‘’son leadership d’excellence’’ dans le renversement du président Bazoum. Pourtant, c’est le processus démocratique nigérien, pour lequel la Fondation Mo Ibrahim l’a célébré, qui est remis en cause. Si Issoufou est accusé d’être parrain ou complice des putschistes, il n’a qu’à s’en prendre à lui-même d’avoir entretenu la polémique voire la controverse. Tous ses faits et gestes après le coup d’Etat tendent à l’accabler par n’avoir pas été digne de confiance placée en lui par le président Mohamed Bazoum. Il ne s’est jamais démarqué de la démolition des institutions démocratiques dont l’auteur n’est autre que son homme de main. Bien au contraire. Il a plutôt accompagné le coup d’Etat au détriment de son camarade et de son parti. Son attitude a fait douter tout le monde sur sa sincérité notamment les partenaires extérieurs du Niger. Sa sortie récente à Addis-Abeba lui a permis de jauger son aura à l’international. C’était justement depuis ce Sommet d’Addis que des sources diplomatiques bien renseignées nous ont confié qu’Issoufou Mahamadou serait en passe de perdre le privilège du prix Mo Ibrahim et les missions au niveau de l’ONU et des autres Organisations internationales.

Beaucoup de voix s’élèvent pour dire à Mo Ibrahim et son fameux Comité, ce qui suit :  Issoufou Mahamadou n’est plus digne de votre prix au regard de sa posture depuis le 26 juillet 2023. Il n’a pas prêché la vertu par l’exemple. Bien au contraire, de bout en bout, il a rendu service à la junte pour assoir sa transition.

Aujourd’hui encore, un an après, la junte n’a toujours pas indiqué le délai de la transition et cela ne semble provoquer aucune réaction du récipiendaire du Prix Mo Ibrahim. La publication d’un communiqué attribué au PNDS-Tarayya appelant les militants du parti à se mobiliser pour imposer à la junte le retour à l’ordre constitutionnel, a provoqué une plainte de l’avocat d’Issoufou Mahamadou faisant office également d’avocat du parti. Dans d’autres circonstances, comme face aux velléités de feu le président Mamadou Tandja de rempiler pour un troisième mandat inconstitutionnel, Issoufou Mahamadou a montré aux yeux du monde qu’il peut prendre des risques pour faire respecter l’ordre républicain. Mais comme il a intérêt de voir déposer son ami Mohamed Bazoum, il ne s’est pas battu pour lui et la démocratie ; au contraire, il a même mis les bâtons dans les roues pour empêcher au PNDS-Tarayya de le faire. Si l’ancien président tenait vraiment à la restauration de la démocratie, sa posture aurait été autre que ses intrigues et accointances avec la junte. Il est dans une liaison dangereuse avec les militaires au pouvoir où les histoires finiront par dévoiler, tôt ou tard, le flou artistique qui entoure l’idylle entre Issoufou et le général Tiani.

Le double langage du champion de Mo Ibrahim…

Pour justifier l’attribution du Prix à Issoufou Mahamadou, en 2020, le Comité Mo Ibrahim a considéré que “le président du Niger a fait preuve d’un leadership exceptionnel et de respect pour la démocratie face à un cumul de défis sans précédent”.  Lors de l’annonce de la décision, le président Festus Mogae, président du Comité du Prix et ancien président du Botswana, a déclaré : « Face aux problèmes politiques et économiques les plus graves, notamment un extrémisme violent et une désertification croissante, le président Issoufou a su conduire ses concitoyens sur la voie du progrès. Aujourd’hui, le nombre de Nigériens vivant sous le seuil de pauvreté est tombé à 40 %, contre 48 % il y a dix ans. Bien évidemment, les défis demeurent conséquents, mais le président Issoufou a tenu ses engagements auprès du peuple nigérien et leur a ouvert la voie d’un avenir meilleur. Après mûre réflexion, le Comité a considéré que le président Issoufou est le digne lauréat 2020 du Prix Ibrahim. »

Prenant connaissance des résultats des délibérations du Comité du Prix, Mo Ibrahim, président de la Fondation Mo Ibrahim, a déclaré : « Je suis très heureux du choix du Comité du Prix. Le président Issoufou est un dirigeant exceptionnel, qui a œuvré sans relâche pour son peuple, pour son pays et pour sa région, en relevant des défis apparemment incommensurables avec courage et détermination. Je suis fier que le président Issoufou soit reconnu comme un exemple de leadership d’excellence et j’espère que son parcours inspirera de nombreuses générations de leaders africains. »

Tout cela pour célébrer la démocratie nigérienne à travers Issoufou Mahamadou qui a fait rêver les nigériens et les autres citoyens du monde. Mais force est d’admettre que tout ce qui brille n’est pas de l’or. Qui aurait cru que le même Issoufou Mahamadou allait flirter avec les putschistes ? Qui aurait cru qu’il pouvait continuer à vivre sous la protection de son ancienne garde prétorienne qui a renversé son ami ? Nous ne doutons pas que Mo Ibrahim et son Comité suivent le rythme du monde, par conséquent ils sont bien renseignés sur la situation de la démocratie au Niger et surtout des agissements d’Issoufou Mahamadou. C’est pourquoi, nous pensons que pour la crédibilité de leur Prix Mo Ibrahim, ils n’ont ni droit à l’erreur ni à la complaisance en ce qui concerne le cas Issoufou Mahamadou. Comme argumentaire, en réponse à Mo Ibrahim, c’était trop facile pour Issoufou d’accabler la CEDEAO pour justifier son comportement post coup d’Etat. 

Le Comité Mo Ibrahim a-t-il vraiment examiné la posture de Issoufou Mahamadou depuis le 26 juillet 2023 ? Imagine-t-on  Issoufou insulter la CEDEAO si, en 2009, celle-ci avait décidé de prendre les mesures qu’elle a prises après le coup d’Etat du 26 juillet ?  Il en aurait été le plus ardent partisan parce qu’il aurait considéré ça comme allant dans le sens de ses intérêts. Dans une autre posture, en juillet 2023, ses intérêts sont avec le coup d’Etat, il est contre les sanctions de l’organisation communautaire. Issoufou  Mahamadou était, en mars 2012, le champion des sanctions extrêmes contre le Mali pour combattre le coup d’Etat du capitaine Sanogo. En août 2020, il était le seul chef d’Etat de la même CEDEAO, suite au putsch contre le président Ibrahim Boubacar Keïta, à avoir proposé contre le Mali les sanctions prises contre le Niger le 30 juillet 2023. Comment comprendre son comportement si hostile à la CEDEAO alors même que c’est son parti qui est victime d’un coup d’Etat au Niger ? Comme quoi, Issoufou Mahamadou est un homme fidèle à ses principes !?

Imagine-t-on Zakari Oumarou, un homme de main de l’ancien président parcourir les départements de la région de Tahoua pour demander aux militants du PNDS de converger vers le chef-lieu de ladite région pour manifester contre la CEDEAO et l’UEMOA si c’était Issoufou Mahamadou qui était victime d’un putsch militaire, et retenu en otage, privé de courant électrique à un certain moment ? Peut-on dire aujourd’hui que les camarades du PNDS sont très solidaires entre eux ? Et que dire du comportement d’Issoufou Mahamadou à l’égard de Bazoum, son épouse Hadiza et ses enfants ?

Du déni de la réalité à la revendication de la forfaiture, c’est sans conteste ce qui traduit l’attitude d’Issoufou Mahamadou du 26 juillet 2023 à aujourd’hui. Autant dire que le très fier d’être surnommé ‘’lion’’ est finalement aller à Canossa, disent les militants du PNDS fidèles au président Bazoum et à la démocratie. Il a longtemps nié les faits mais comme les criminels ont tendance à revenir sur le lieu du crime, l’ex président Issoufou a franchi le Rubicon en s’affichant avec la junte le jour de la fête de Ramadan. Au moment où son camarade qu’il a contribué à faire élire président de la République au prix de mille et un sacrifices est pris en otage par la junte, il est malséant que Issoufou Mahamadou flirte avec les auteurs du coup d’Etat contre Bazoum. N’est-ce pas le même Issoufou Mahamadou qui a tenu tête au général Baré et aux putschistes de la sous-région ?

“Issoufou Mahamadou était intraitable vis-à-vis des putschistes de la sous-région alors qu’avec le putsch du 26 juillet contre Bazoum, il est resté muet comme une carpe”, nous a confié un diplomate très remonté contre la posture actuelle de l’ancien président.

Après tant de gâchis et de perte de dignité et d’honneur, Issoufou Mahamadou s’enfonce dangereusement dans les bas-fonds de l’Histoire. Il n’a pas tort de dire de façon prémonitoire, dans une interview accordée à Jeune Afrique qu’il allait tout perdre. Déjà son héritage politique s’est effondré comme un château de cartes. Il observe impuissant la déconstruction de sa fameuse Renaissance du Niger. Il a beau nié sa posture infâme, les Nigériens ont finalement tout compris. Abraham Lincoln disait :  » On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. »

C’est trop facile d’attendre un an pour condamner le coup, cela n’est pas digne d’un chantre de la démocratie. Entre la réponse d’Issoufou Mahamadou et sa posture telle que décrite depuis le 26 juillet 2023, il est fort à craindre que MO Ibrahim ne soit roulé dans la farine.

Elh. M. Souleymane

L’Autre Républicain du jeudi 22 août 2024

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