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17 septembre, 2024
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An I du CNSP : L’offre sécuritaire n’est pas au rendez-vous !

Depuis un an, l’insécurité s’est métastasée dans notre pays et le Sahel central à en juger par les récurrences et la violence des attaques des groupes terroristes et de kidnapping, leurs cibles et modes opératoires, l’envergure territoriale de ces attaques. Un nouvel acteur s’y est invité : ce sont les groupes rebelles qui expriment une toute autre revendication, plus politique celle-là. Le moins qu’on puisse dire c’est que les engagements du CNSP en matière de sécurité ne sont pas tenus. Décryptage de la situation sécuritaire du Niger sous le magistère du général Tiani.

Le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) qui a pris le pouvoir en annonçant renverser le régime du président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023, fêtera son premier anniversaire à la tête de l’Etat, dans quelques jours. Ce sera un anniversaire festif incluant des activités artistiques et culturelles qui dureront une dizaine de jours, et ce, jusqu’au 3 août 2024, qui coïncide avec le 64è anniversaire de l’indépendance du Niger. Le ministre chargé de la culture et des arts, porte-parole du CNSP, est le maitre d’œuvre de ces festivités, où les régions ont été invitées à réchauffer des anciens ballets des années 1980. Même avec un esprit à la fête, nulle place pour la créativité culturelle et artistique pour libérer le talent et le génie des artistes.

Ce sera une façon d’occuper les gens pendant une dizaine de jours pour espérer leur faire oublier les défis de survie qui sont devenus quotidiens dans notre pays : insécurité, cherté de la vie, chômage des jeunes et des moins jeunes, absence de perspectives, etc.

A quelques jours du premier anniversaire du CNSP, il y a lieu d’interroger les promesses de sécurité faites par les nouveaux maitres du pays. A l’analyse, la situation sécuritaire s’est globalement dégradée. L’offre sécuritaire de la junte n’a pas été au rendez-vous. Même si l’on ne dispose pas de chiffres officiels sur les bilans humains et matériels des attaques terroristes contre les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et les populations civiles, force est de reconnaitre que la psychose a gagné les cœurs et les esprits des Nigériens. Or l’un des objectifs des groupes terroristes et criminels est justement d’instaurer la peur dans les esprits au point où on a l’impression de n’être en sécurité nulle part sur le territoire national.

Si on tente de dresser une cartographie, on se rend compte que les FDS font face à divers groupes assaillants aux objectifs différents, avec des cibles différentes, des territoires d’intervention différents, et des modes opératoires tout aussi différents.

Les acteurs d’insécurité

A l’ouest du pays, dans la zone dite des trois frontières, l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (JNIM) opèrent souvent en coalition pour atteindre leurs cibles militaires et civiles. Ces groupes sont porteurs de violence inouïe. Ils exigent la « zakat » auprès des populations, volent leur bétail qui est revendu sur des marchés locaux ou frontaliers pour se constituer des trésors de guerre. Les populations qui ne peuvent plus faire de l’élevage et de l’agriculture, qui sont leurs seuls moyens de subsistance, vont-elles vivre comment ? Quelle est la proportion exacte des populations déplacées internes ? Leurs enfants ne peuvent plus aller à l’école. Comment les occuper ?

Le mode opératoire privilégié des groupes terroristes reste les attaques à motos, souvent en très grand nombre tant pour impressionner que pour espérer faire jouer l’effet du nombre.Un autre mode opératoire, c’est d’organiser des embuscades ou placer des engins explosifs improvisés contre les FDS pour éviter le combat frontal. Ce qui explique souvent le nombre élevé de morts et de blessés dans les rangs de nos FDS.

La région de Tillabéri est devenue l’épicentre du terrorisme car presque tous les départements sont touchés par des attaques terroristes : Ayérou, Gothèye, Banibangou, Tillabéri, Filingué, Abala, Balleyara, Torodi, Say, Kollo, etc. La récente attaque à Tamou (Say) ou celle menée, il y a quelques semaines, à 17 km de Niamey sur le tronçon Say-Niamey sont révélatrices de la mobilité de ces groupes de la mort.

En une année, on se rend malheureusement compte que ces groupes terroristes et criminels ont étendu leur territoire d’intervention. Ayant pris le contrôle du parc du W, comme l’indiquent certaines sources, qui constitue une frontière naturelle entre le Burkina Faso, le Bénin et le Niger, ces groupes, qui viennent du Burkina, ont un accès plus facile au sud du Niger (région de Dosso) et au nord du Bénin (région de Kandi).

Dans la région de Dosso, les départements de Gaya, Doutchi et Loga sont touchés par ce phénomène. On comprend dès lors, pourquoi, les autorités locales ont décidé que la circulation dans la région pour certaines catégories d’usagers est subordonnée à l’escorte militaire.

L’IEGS étend ses tentacules dans la région de Tahoua, comme le prouvent les récentes attaques contre les positions de la Garde Nationale du Niger, une force très aguerrie, à Takanamatt et Tebaram. Officiellement, six soldats y ont perdu la vie, et plusieurs terroristes neutralisés. Ou encore l’attaque contre les populations civiles qui s’étaient soldées par des morts et des otages, et plusieurs tètes d’animaux emportées.

Au sud du pays, dans les localités de la région de Maradi, frontalières du Nigeria, sévissent des bandits armés dont l’activité consiste à enlever des personnes pour exiger des rançons. Leurs cibles sont choisies parmi les familles susceptibles de disposer des moyens pour payer la rançon exigée. Ils volent également des animaux de leurs victimes.

A l’est du pays, le groupe Boko Haram et l’Etat islamique en Afrique de l’ouest (ISWA) continuent à mener des actions sporadiques à travers des embuscades et des poses d’engins explosifs improvisés. La menace est montée d’un cran, il y a quelques jours, lorsqu’ils ont mené des attaques meurtrières contre des civils sur l’axe Maïné Soroa-Diffa, obligeant les autorités locales à instaurer une escorte militaire sur ledit axe.

Au nord-est, le fait nouveau est la naissance des groupes rebelles qui portent des revendications plutôt politiques. Le Front Populaire de Libération (FPL), le Front Patriotique pour la Justice (FPJ) et le Conseil de la République pour la Résistance (CRR) exigent le départ de la junte et le retour rapide à l’ordre constitutionnel au Niger. D’ores et déjà, le FPL a revendiqué le kidnapping du préfet du département de Bilma et des membres militaires de sa délégation, de retour d’une mission à Dirkou, le 21 juin 2024, et le sabotage du pipeline Niger-Bénin, dans la région de Zinder.

Comme on le voit, l’est, l’ouest, une partie du sud et le nord-est du pays sont devenus des gîtes des groupes terroristes, des bandits armés ou des rebelles. Cette situation est intenable.

De nouveaux défis sécuritaires…

L’évasion d’un nombre indéterminé de prisonniers dont des terroristes et des criminels de grand chemin de la prison de haute sécurité de Koutoukalé, le 11 juillet dernier, l’enlèvement du préfet du département de Bilma et de ses collaborateurs militaires, le sabotage du pipeline Niger-Bénin dans la région de Zinder revendiqué par le Front Populaire de Libération (FPL) en juin dernier, sont des défis nouveaux, inédits dans notre pays qui appellent des réponses urgentes et définitives.

Actuellement, au moins 6 soldats sont entre les mains de l’EIGS. Cela fait plus de 2 mois que ça dure sans qu’on ait de leurs nouvelles, en dehors d’une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux où les otages imploraient les autorités nigériennes pour les sortir de la captivité.

Que s’est-il passé à Koutakalé pour enregistrer la première évasion des prisonniers dans cette prison hautement sécurisée ? Comment se fait-il qu’un préfet de département soit enlevé sans qu’on n’ait une idée de la situation dans laquelle lui et ses collaborateurs se trouvent actuellement ? Qu’en est-il des militaires pris en otages par les groupes terroristes ? Qu’est-ce qui est fait pour sécuriser le pipeline et le mettre à l’abri des sabotages? Autant de questionnements sur lesquels les autorités restent totalement muettes. Aucune communication tendant à rassurer les citoyens n’est faite.

Il faut nécessairement faire le bilan d’une année de gestion sécuritaire. Le succès remporté par le président Mohamed Bazoum, sur le plan sécuritaire, est dû aux réponses pertinentes et structurées qu’il a diligemment apportées. C’est pourquoi, durant des mois, avant le coup d’Etat du 26 juillet 2023, le terrorisme a diminué fortement d’intensité dans notre pays. On se rappelle que le président Bazoum a estimé que le tout militaire n’est pas la solution idéale. Il a mis en avant le nexus sécurité-développement. Tout en équipant les Forces de Défense et de Sécurité en ressources humaines et en matériels de pointe, il a songé à dérouler un programme de développement des zones affectées par les violences terroristes. Cela s’est matérialisé par le retour de l’Etat, le développement des services sociaux de base, le retour des populations dans leurs villages d’origine dans les régions de Diffa et de Tillabéri, le recrutement des jeunes autochtones dans les forces de sécurité avec des résultats très flatteurs, les forums de réconciliation entre communautés qui s’impliquent désormais dans la lutte contre l’insécurité et le grand banditisme, etc.

Au vu de la situation sécuritaire décrite ci-haut, pourquoi alors prétexté la lutte contre le terrorisme pour tenter de justifier le coup d’Etat du 26 juillet 2023 puisque la situation sécuritaire s’est fortement empirée ? Que sont devenus les engagements en matière de sécurité pris au lendemain du coup d’Etat ?

La rédaction

L’Autre Républicain du jeudi 18 juillet 2024

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