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6 octobre, 2024
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Tribune : La posture infâme d’Issoufou Mahamadou

Par Elh. M. Souleymane

A l’occasion de la célébration de la fête de Ramadan, le 9 avril dernier, l’ex président Issoufou Mahamadou est allé à la grande mosquée et au palais présidentiel pour s’afficher aux côtés du général Abdourahamane Tiani. Il était apparemment grand temps pour l’ancien patron de Tiani de sortir du bois pour cautionner le putsch et apporter son soutien aux auteurs du coup de Jarnac dont il est accusé à tort ou à raison d’en être le parrain. Une image vaut mille mots, dit-on. Celle d’Issoufou Mahamadou avec Tiani a convaincu les nigériens de la complicité entre les membres de la junte et le compagnon de plus de 30 ans du président Bazoum. Retour sur les derniers hauts faits d’Issoufou Mahamadou.

Du déni de la réalité à la revendication de la forfaiture, c’est sans conteste ce qui traduit l’attitude d’Issoufou Mahamadou du 26 juillet 2023 à aujourd’hui. Autant dire que le très fier d’être surnommé ‘’lion’’ est finalement aller à Canossa, disent les militants du PNDS fidèles au président Bazoum. Il a longtemps nié les faits mais comme les criminels ont tendance à revenir sur le lieu du crime, l’ex président Issoufou a franchi le Rubicon en s’affichant avec la junte le jour de la fête de Ramadan. S’il était resté fidèle à ses sources et principes, son boubou d’ancien chef d’Etat ne saurait justifier sa présence à la grande mosquée et au palais présidentiel. Au moment où son camarade qu’il a contribué à faire élire président de la République au prix de mille et un sacrifices est pris en otage par la junte, il est malséant que Issoufou Mahamadou flirte avec les auteurs du coup d’Etat contre Bazoum. N’est-ce pas le même Issoufou Mahamadou qui a tenu tête au général Baré et aux putschistes de la sous-région ?

“Issoufou Mahamadou était intraitable vis-à-vis des putschistes de la sous-région alors qu’avec le putsch du 26 juillet contre Bazoum, il est resté muet comme une carpe”, nous a confié un diplomate très remonté contre la posture actuelle de l’ancien président.

Au 8ème Congrès du PNDS-Tarayya, le 24 décembre 2022, se rappelle-t-on, Issoufou Mahamadou a tenu ces propos très élogieux à l’endroit du président Bazoum : “Lors de notre première rencontre, ce jeudi 2 août 1990, le camarade Bazoum et moi, étions loin d’imaginer que le destin a mis en relation durable deux futurs présidents de la République. Je suis heureux d’avoir réalisé cette alternance historique avec ce camarade pragmatique, courageux, intègre, brillant, intelligent, cultivé, tribun hors pair, créatif, patriote engagé et doté d’un esprit d’initiative très développé. Je me réjouis d’avoir cet ami de 32 ans. En effet depuis 32 ans, nous partageons, ensemble, les bons comme les mauvais moments, les joies comme les peines. En l’élisant président de la République, les Nigériens ont fait le bon choix, le choix de la modernité. Avec lui, le Niger continuera sa transformation politique, économique et sociale. Vous avez eu raison de l’avoir désigné, à l’unanimité, comme votre candidat à l’élection présidentielle dès 2019. Son élection valide le choix que nous avons fait de créer un parti sur la base des valeurs et sur cette base d’y rassembler tous les Nigériens.” (sic).

En rapportant ces propos d’Issoufou Mahamadou, c’est juste pour dire qu’il a bien raison, celui qui conseille de se garder de prendre comme modèle un homme tant qu’il est vivant. Après les événements du 26 juillet, comment Issoufou Mahamadou pourrait-il encore dire à propos de Bazoum : “En effet depuis 32 ans nous partageons, ensemble, les bons comme les mauvais moments, les joies comme les peines”. Bien au contraire, après le coup d’Etat, tout ce que Issoufou a fait c’est de sauver sa peau. Il a plutôt enfoncé le président Bazoum qui doit prendre son mal en patience, à bien lire entre les lignes la posture de son compagnon de 32 ans. Depuis sa sortie du 9 avril, Issoufou Mahamadou et son monde font croire que les choses sont revenues normales. Les mauvaises langues disent qu’il se raconte autour d’Issoufou que l’immunité de Bazoum serait sans doute levée pour mieux l’enterrer vivant…politiquement.

La posture iconoclaste d’Issoufou

De sources bien renseignées, la belle posture, peut-être innocente, était celle de son fils Mahamane Sani Mahamadou dit Abba qui était prêt à se battre contre Tiani et les co-auteurs du putsch. “Nous devons préserver les acquis démocratiques et les institutions républicaines de notre pays. La libération du président de la République, S.E.M Mohamed Bazoum, et de sa famille, ainsi que sa restauration dans ses fonctions, sont des conditions sine qua non du maintien de la paix, de la sécurité et du progrès économique et social du Niger”, a tweeté le jeune lion aux premières heures de la forfaiture.  Il est d’ailleurs poursuivi pour cette publication en tant que membre du gouvernement de Bazoum et démocrate. Très certainement, le jeune Abba était très sincère et fidèle au président Bazoum, une posture qui aurait pu être celle de son père. Quelle autre lecture sur les événements du 26 juillet ce dernier lui aurait imposé depuis qu’il est entre les mailles de la machine judiciaire ? La question reste posée.

La postérité rose retiendra pour l‘Histoire, au lieu de se battre pour les valeurs du PNDS-Tarayya, Issoufou Mahamadou a plutôt opté pour la realpolitik ou disons l’opportunisme pur et dur. Il a oublié que “Ces valeurs (NDLR : du PNDS) sont le ciment de notre unité, le facteur décisif de notre cohésion. La foi en ces valeurs nous a permis de surmonter toutes les épreuves, de nous battre comme des lions. Sans elle, nous aurions été disloqués pendant les années 1990. Sans elle, nous ne nous serions jamais relevés de notre isolement et de notre défaite de 2004. Sans elle, on aurait été dissout en 2009-2010”. (cf Discours d’Issoufou Mahamadou au 8ème Congrès du PNDS).

Après 9 mois de l’intrusion des militaires sur le terrain politique, il faut admettre que le silence assourdissant des contre-pouvoirs sur la situation de Bazoum, ce démocrate sacrifié est plus qu’inquiétant. Celui de ses alliés, ses amis politiques et camarades n’est que lâcheté et traitrise. Dans le même ordre d’idée, le silence complice de son prédécesseur et ami de plus de 30 ans en est le prototype de l’indignité et de la félonie. Issoufou Mahamadou a-t-il décidé de tirer sa révérence en infame ? Pourquoi tant de manque d’humanisme et de reniement chez certains hommes politiques au Niger ? Pour quel péché quelques-uns ont décidé de sacrifier un homme aussi altruiste et proactif pour son pays et le monde ?

C’est vraiment le monde à l’envers lorsqu’on constate que Issoufou Mahamadou affiche publiquement son idylle avec les putschistes au détriment de son héritage politique. A ce jour, il est le seul homme politique qui s’est activé pour une courte période de transition à travers son ‘’machin’’ de Dynamique citoyenne pour une transition réussie (DCTR). A-t-il compris que les putschistes n’entendent plus organiser des élections et voudraient la promotion des régimes militaires purs et durs comme au Mali et au Burkina ? 

A l’épreuve des faits, Issoufou Mahamadou doit avoir l’honnêteté de reconnaitre que son calcul égoïste lui a fait tout perdre. Un président de la République en otage, des ministres et députés en prison, des responsables du PNDS en exil, la perte de tous les postes occupés par les cadres dans les institutions étatiques, la chasse aux sorcières, etc, c’est le bilan qui doit resonner dans la conscience d’Issoufou dans sa bulle gardée par la garde présidentielle ! Et pire, il a fait perdre les perspectives de développement et la démocratie à son pays, lui, qui, depuis les combats contre Baré et Tazarce se prenait pour le symbole achevé de la défense de la démocratie.

Avec le recul, il y a lieu de se plaindre de la démission de tous. Les partis politiques qui ont subitement oublié leur vocation pour applaudir les putschistes, les organisations de la société civile qui confondent vitesse et précipitation en se reniant. Certains se réduisent en simples porteurs d’eau de la junte en choisissant d’aller à contre-courant de notre processus démocratique.  S’agissant d’Issoufou Mahamadou, le compagnon de Bazoum, nul n’a besoin d’un dessin : il est à la fois opportuniste et renégat. Quelle infamie pour un homme qui aurait pu sortir par la grande porte de l’Histoire !

Elh. M. Souleymane

L’Autre Républicain du jeudi 25 Avril 2024

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