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6 octobre, 2024
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Après le coup d’Etat du 26 juillet : Une gouvernance à huis clos !

Selon vous, la gouvernance s’est-elle améliorée au Niger depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023 ? Voilà une question qui aurait été posée par les instituts de sondage s’ils en existaient dans notre pays pour évaluer l’état de la gouvernance au Niger, 9 mois après le coup d’Etat. A défaut, une enquête des chercheurs ou des centres de recherches intéressés par les politiques publiques pourrait être faite pour avoir la perception des Nigériens sur la gouvernance, un prétexte sur lequel le CNSP s’est fondé pour démolir les institutions démocratiques au Niger.

Les caractérisations de la gouvernance sont plus larges que ce que le citoyen lambda pourrait y voir : transparence, redevabilité, reddition des comptes, promotion du mérite, respect de l’Etat de Droit, égalité des citoyens devant la loi, lutte contre la corruption, les détournements des deniers publics et l’enrichissement illicite, etc.

De la gouvernance économique et financière

En seulement 9 mois d’exercice, sous l’ère CNSP, la gouvernance est malheureusement sur béquilles. Les faits sont là pour alerter les citoyens sur l’inclinaison rampante des maitres du jour à la mauvaise gouvernance. Les actes sont posés au gré du vent. Aujourd’hui, où en sommes-nous par rapport à la sulfureuse affaire de 1.400 kilogrammes d’or nigérien retrouvé, comme par hasard, à Addis Abeba en transit pour Dubaï ? A cette date, on ne connait ni le ou les propriétaire (s) de cet or ni les conditions dans lesquelles il a été sorti du pays. Alors que son ministre de la Justice s’est engagé à ouvrir une enquête impliquant Interpol, le général Tiani dit qu’il n’y a pas eu affaire de l’or. Quelques personnes ont été auditionnées par la police dans le cadre de l’enquête. Puis plus rien. Seuls les gendarmes, policiers, douaniers et forestiers en poste à l’aéroport international Diori Hamani ont fait les frais de cette affaire : tous ont été affectés à l’intérieur du pays, avec effet immédiat.

Qu’en est-il de la fameuse Ordonnance N°2024-05 du 23 février 2024 portant dérogation à la législation relative aux marchés publics, aux impôts, taxes et redevances et à la comptabilité publique, une Ordonnance avec effet rétroactif sur les marchés publics des Forces de défense et de sécurité et des villas d’hôtes qui contredit les engagements de la junte sur la transparence et la reddition des comptes ? Tous se sont rendus compte que ce texte de circonstance a été pris pour gérer à huis clos, en ignorant royalement les procédures normales de passation de marchés publics. On comprend alors pourquoi, en un temps deux mouvements, 100 instructeurs russes ont foulé le sol nigérien avec du matériel de défense anti aérienne.

Installer un système de défense anti aérienne pour un pays qui ne fait l’objet d’aucune menace aérienne est pour le moins bizarre. Nos ennemis dans cette guerre asymétrique sont bien connus : ce sont des terroristes à moto. A moins que comme certains le prétendent, ce système anti aérien ne soit installé pour protéger Tiani contre toute velléité interne. Pendant que nous y sommes, ce matériel a coûté combien au Niger étant entendu que la Russie fait du business et non de la philanthropie. Les instructeurs russes resteront-ils sur notre sol pendant combien de temps ?

Qu’en est-il des 160 véhicules acquis à la vitesse de l’éclair, semble-t-il sur les ressources mobilisées par le Fonds de Solidarité, sans appel d’offres connu du grand public ? Qui en sait grand-chose de ce que fait ce Fonds qui a aménagé dans un compartiment de l’ex Ministère des Finances, remis à neuf pour l’occasion ?

Qu’en est-il de l’avance-prêt de 400 millions de dollars consentie par la Chine remboursable sur une petite année avec un fort taux d’intérêt de 7% ? Qu’en est-il de la vente de 150 millions de litres de gasoil nigérien à Electricité du Mali (EDM) dont les Nigériens ignorent tout des conditions ? Sans l’indiscrétion du bruyant Premier ministre malien Choguel Maiga qui a annoncé le prix d’achat « amical » du litre fixé à 328 francs CFA (presque la moitié de ce que payent les consommateurs nigériens), on ne saura pas ce qui s’est effectivement passé. Vendre à EDM connue pour être un mauvais payeur, un payeur insolvable, constitue un véritable saut dans l’inconnu. La Côte d’Ivoire en sait quelque chose.

Combien la COLDEFF a-t-elle mobilisé réellement même si souvent sous la contrainte (payer ou aller en prison), et la part que ses membres qu’on pensait acquis à la cause patriotique ont-ils partagé sous forme de ristournes ?

Sur tous ces sujets, il n’y a aucune communication du gouvernement pour informer les citoyens et leur expliquer les vrais tenants et aboutissants. La source d’information reste les réseaux sociaux et les médias, dans la plupart des cas internationaux, parce que le gouvernement a fait le choix de la politique du clair-obscur, refusant obstinément la transparence et la redevabilité et accréditant ainsi les soupçons de mauvaise utilisation de l’argent public.

De la gouvernance politique

Qu’en est-il de l’Etat de Droit, qui donne la primauté aux lois, foulé allègrement au pied comme l’atteste la détention de plusieurs personnalités et agents des FDS depuis le 26 juillet 2023 sur la base d’accusations fantaisistes ? De quoi le CNSP a-t-il peur en libérant ces personnalités ? Peut-on avoir peur si on fonde tout acte sur les règles du droit et de la loi ? Doivent-ils garder prison simplement parce qu’ils ont servi leur pays ?

Les nominations sont-elles fondées sur la compétence et le mérite ? La réponse est bien sûr non. Dans bien de cas, le népotisme prend le dessus. Pourquoi la frontière avec le Bénin est toujours fermée obligeant nos concitoyens à traverser le fleuve au moyen des pirogues pour se rendre dans les localités pour faire leur commerce ou pour des raisons de famille. Lorsque la frontière avait été fermée suite aux sanctions de la CEDEAO, la mesure avait été critiquée au Niger arguant du fait qu’elle est contre les intérêts des populations. Aujourd’hui que le Bénin rouvre sa frontière, le Niger maintient la sienne fermée pour des raisons officiellement inconnues. Le Burkina Faso et le Mali, deux autres membres de l’AES, n’ont pas fermé leurs frontières avec la Côte d’Ivoire au motif que ce pays abrite une base militaire française. Au contraire, les relations humaines, politiques, économiques et commerciales s’intensifient entre ces pays.

On attend que la junte et son gouvernement aient le courage de tenir informés les citoyens sur la façon dont ils gèrent leur quotidien. Les Nigériens n’ont droit à aucune information, aucun compte-rendu. On comprend pourquoi, la junte reste motus et bouche cousue sur la tenue du dialogue national inclusif, la durée et l’agenda de la transition et les délestages fréquents d’électricité.

Cette gouvernance à huis clos se fait sous le couvert de la souveraineté, un mot sans contenu, balancé pour servir de cache-sexe à la volonté de la junte de rester au pouvoir. Le CNSP continue à s’illusionner sur l’état de grâce dont il a bénéficié, les premières semaines qui ont suivi le coup d’Etat. Il ignore qu’il ne s’agit pas d’un blanc-seing pour gérer le pays au gré du vent en violant les procédures de bonne gestion. L’heure de comptes viendra.

La rédaction

L’Autre Républicain N°05 du jeudi 25 Avril 2024

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