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6 octobre, 2024
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Olivier de Sardan sur TV5 Afrique : « Bazoum…est quelqu’un d’honnête »

Rarement un homme politique nigérien aurait fait presque l’unanimité sur une valeur fondamentale : l’honnêteté. C’est le cas du président Mohamed Bazoum. Les Nigériens y compris ses adversaires politiques les plus féroces sont d’avis que le président Bazoum est un homme honnête. On ne croit pas si bien dire quand on entend le témoignage fort éloquent du Professeur Jean Pierre Olivier De Sardan, un intellectuel critique, qui, pendant presque 60 ans, a travaillé sur les dynamiques sociales dans l’espace nigérien. Directeur de recherches émérite au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) de France et premier Directeur Scientifique du Laboratoire d’Etudes et de Recherches sur les Dynamiquse Sociales et le Développement Local (LASDEL) de Niamey, le Pr de Sardan était sur le plateau de TV5 Afrique, hier jeudi, pour évoquer la sortie de son dernier livre intitulé : « L’enchevêtrement des crises au Sahel ».

Intellectuel rigoureux, ni partisan ni laudateur, ses travaux font autorité. C’est quelqu’un qui sait de quoi il parle, qui a une bonne connaissance des acteurs et du terrain nigériens. Il connait Bazoum, et ce qu’il dit sur lui n’est pas une vue de l’esprit. Il le présente comme : « un des rares dirigeants qui n’a pas de casseroles au sens où il ne peut pas être accusé de corruption et de détournements des biens publics…C’est quelqu’un d’honnête. C’est quelqu’un qui essayait de lutter contre la corruption, ce que ses prédécesseurs n’avaient pas fait y compris le président précédent (NDLR : le président Issoufou Mahamadou) ».

En 2016, alors que le président Issoufou entamait son 2è et dernier mandat, Bazoum, en homme de conviction, a cru comprendre que cette période est idéale pour que le chef de l’Etat, qui a toutes les cartes entre mains, engage une lutte résolue contre la corruption et la prédation des deniers publics. Il croyait si bien dire parce que le président Issoufou entame son dernier mandat donc n’étant plus redevable de qui que ce soit, étant hors de tout chantage de suffrages. Il croyait si bien dire parce que la lutte contre la corruption et les détournements des biens publics correspond à une forte demande sociale.

Bazoum pensait sincèrement que cela était bien possible. Rien n’y fit. On comprend alors pourquoi, une fois élu à la magistrature suprême, il s’est engagé à promouvoir une gouvernance vertueuse. Ses propos fort éloquents à la cérémonie de son investiture, le 2 avril 2021, traduisent toute sa conviction sur la protection des biens publics. Aujourd’hui encore, ses propos ont une résonance indicible. Les délinquants économiques doivent rendre gorge même s’ils sont militants du PNDS, son parti. C’est pourquoi, il n’avait pas pris de gants pour dénoncer les militants du parti et refuser toute interférence pour sauver la tête de ceux d’entre eux qui ont été pris dans les mailles des filets de la justice. Normal parce qu’il avait prévenu les Nigériens à son investiture : ni le parti ni la région d’origine ne pourraient constituer de paravent pour assurer l’impunité aux délinquants économiques et financiers. Du coup, il ne pourrait s’associer à des opérations visant à faire main basse sur les ressources publiques ou servir une certaine clientèle politique au moyen des marchés publics.

La bonne gouvernance est contenue en bonne place dans son agenda. C’est pourquoi, il a engagé des réformes en renforçant les pouvoirs de la HALCIA avec des résultats particulièrement appréciables.

Le Professeur De Sardan regrette que les ambitions que porte Bazoum pour son pays soient ruinées à travers la tentative du coup d’Etat du 26 juillet 2023. Bazoum, ce n’est pas que la lutte contre la corruption et les détournements des deniers publics ; Bazoum c’est également une approche de lutte contre le terrorisme novatrice et fructueuse, reconnait le Pr De Sardan. « Il essayait d’avoir une stratégie militaire et en même temps de rallier certains éléments djihadistes qui était intelligente plus que celle qui est menée par les autres pays », dit-il. Cette approche a permis d’organiser le retour des populations dans leurs villages d’origine en proie à l’insécurité où elles ont repris une vie normale. De très nombreux terroristes se sont repentis et ont regagné la communauté nationale avec l’accompagnement de l’Etat et de ses partenaires. Des jeunes autochtones des zones d’insécurité ont été formés et intégrés dans les corps des Forces de sécurité avec des résultats concluants sur le terrain de la lutte contre le terrorisme. Et l’anthropologue de tirer une conclusion déprimante : « Je pense que c’est une grosse chance qui a été gâchée », en parlant de la tentative de coup d’Etat du 26 juillet.

Pourtant, le CNSP a justifié sa tentative de coup d’Etat par l’insécurité et la mauvaise gouvernance. Qu’a-t-il fait depuis qu’il est là ? A-t-il fait bouger les lignes ? La réponse est bien sûr non puisqu’il ne sait pas encore où ces lignes se trouvent.

La Rédaction

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