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5 octobre, 2024
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Tribune libre: Le Niger plus que jamais dans la tourmente et l’incertitude

C’est un truisme que de le dire : le Niger est passé, en trois mois seulement, de la République respectable et respectée, au statut d’Etat banni par la Communauté internationale. En effet, la triste réalité c’est que l’anarchie est le maître mot pour décrire le Niger d’aujourd’hui.

Depuis le 26 juillet 2023, le Niger est plongé dans la tourmente, le pays est bloqué, la boite de pandore est ainsi ouverte de sorte que tout est possible si on n’y prend garde. Le pouvoir était un moment dans la rue et les généraux font semblant de l’exercer dans un équilibre de la terreur très précaire.

La junte anachronique du Niger pense gouverner à coup de communiqués et déclarations de soutien. La sécurité, l’économie, les questions de développement et d’éducation constituent le cadet des soucis des preneurs d’otages. Ils se délectent de transformer la capitale en un lieu de la débauche et de concerts nocturnes à ciel ouvert. Un policier très républicain qui a osé dénoncer violences, viols et vols, la rue a eu raison de lui. Il a été purement et simplement éjecté de son poste parce que le Niger de Tiani et consorts ne rime guère avec l’ordre et la discipline.

Très malheureusement, derrière le discours populiste et souverainiste, les masques continuent de tomber. Parmi les porteurs du projet de la déconstruction de la République, les observateurs ont identifié plusieurs catégories d’acteurs à intérêts divergents.

 Il y a d’abord la junte elle-même qui constitue un vrai cocktail qui pourrait exploser à tout moment tant leurs motivations et intérêts sont divergents dans la démolition des institutions de la République.

 Il y a les opportunistes qui mettent en avant la politique pour récupérer l’aventure : ils sont principalement de l’ancienne opposition notamment tapis dans le parti Lumana. Le retour précipité et triomphaliste de son gourou Hama Amadou prouve à suffisance que ce dernier n’a rien appris de l’histoire de ce pays. D’ailleurs, sa liberté provisoire n’est qu’un camouflet en ce sens que lui et ses avocats ont voulu obtenir un non-lieu mais le juge leur a accordé une mise en liberté provisoire comme ses compagnons d’infortune dans le même dossier. Une façon de le tenir en respect par la junte le connaissant iconoclaste et manipulateur. D’ailleurs, comment dans sa situation actuelle, Hama Amadou pourrait assumer les charges de la fonction présidentielle même si le pouvoir lui est offert sur un plateau d’argent, se demandent les observateurs avertis.

 Il y a une troisième catégorie connue par son discours anti français, ceux-là ont désormais changé de fusil d’épaule puisqu’ils ont renoncé à la défense et la promotion de la démocratie et les droits de l’Homme. Le chant de sirène ‘’labo sanni no’’ a eu raison de leur engagement pour les valeurs et principes républicains.

Il y a également les anciens ‘’tazarchistes’’ (les partisans de feu Mamadou Tandja) qui ont des comptes à régler aux démocrates qui ont empêché à leur funeste projet de prospérer. Ceux-là rêvent d’un retour de la refondation qui avait consacré la démolition de la 5ème République. Ils vivent la tourmente actuelle comme une sorte de réhabilitation, de revanche contre la coalition des démocrates opposés à leur projet de démolition des institutions.

  Il y a enfin tous ceux-là qui tirent quelques prébendes dans la mobilisation des gens à des fins de propagande. C’est dire que tout ce monde n’est pas logé à la même enseigne. Et le désordre actuel pourrait expliquer que la junte du Niger donne l’impression d’être la plus anarchique et dictatoriale. Le nombre des personnalités et des activistes arrêtés en dit long. La violation et la négation des droits humains sont flagrantes au Niger de sorte qu’il n’y a aucune limite dans un contexte caractérisé par la démission voire la paralysie des contre-pouvoirs.

Une autre catégorie de putschistes porteurs d’eau et du bois à la junte s’ajoute au lot à savoir certains “roses » qui se délectent aujourd’hui d’avoir déposé leur propre camarade porté aux commandes par le PNDS Tarayya. Ceux-là seraient les commanditaires du coup d’Etat contre Bazoum avec en toile de fond l’appât du pétrole qu’ils ont géré de façon opaque pendant dix ans. Ce qui donne à la crise une autre dimension sur fond de traitrise et de lâcheté politiques.

A l’épreuve des faits, s’il y a une chose qui ne fait aucun doute, c’est bel et bien  l’agenda de ces mentors de la junte qui s’impose envers et contre tout. Les Nigériens commencent à entendre le cri de désenchantement des petites voix de certains zélateurs de la junte comme Bana Ibrahim, Bounty Diallo ou Me Lirwana.

Après le retrait des militaires français, on se demande sur quel autre sujet la junte va-t-elle mobiliser la rue. On sait que les maitres de l’escadrille réclament la peau de Mahamadou Issoufou depuis le début du coup d’Etat. Mais à bien d’égards, la prise du désormais protégé d’Abdourahamane Tiani n’est pas pour demain. Le moins qu’on puisse dire, Mahamadou Gamatié Yansambou qui fait de l’arrestation de l’ex président par la junte une obsession a du pain sur la planche.

On le voit, le Niger est plus que jamais dans la tourmente, l’incertitude et la confusion. Pourtant avant le 26 juillet, tous les indicateurs étaient au vert et la gouvernance de Mohamed Bazoum augurait de très bonnes perspectives. Face à l’imbroglio actuel, les citoyens ne peuvent que déchanter car trois mois après, les gens ne savent plus à quel saint se vouer.

A la vérité, derrière le discours populiste sur la souveraineté et la sauvegarde de la patrie, les observateurs avertis décryptent que le coup de Tiani est le scénario du pire et du chaos : on a sacrifié les libertés fondamentales et la situation sécuritaire s’est plus que jamais dégradée.

Et très malheureusement, non contents d’avoir plongé le Niger dans l’anarchie, les bourreaux voudraient faire de leur victime le responsable de ce qui est arrivé au pays. Tout est arrivé du fait de Mohamed Bazoum, rabâchent au quotidien sur les médias publics les maitres du pays et des personnes assez ‘’civilisées’’. Le monde vraiment à l’envers.

Impasse sécuritaire et libertés sacrifiées

Dans la gestion d’une entreprise comme celle d’un Etat, dresser un bilan, évaluer les actions pour jauger si l’on est sur la bonne voie dans l’atteinte des objectifs, constitue le procédé le plus rationnel. Après la mise entre parenthèses des institutions au Mali, au Burkina Faso et au Niger, peut-on dire aujourd’hui que les objectifs pompeusement annoncés par ces régimes militaires sont atteints ?

Très malheureusement, les citoyens de ces pays qui ont cédé au populisme sont en train de déchanter : ils ont sacrifié les libertés fondamentales pour se retrouver dans l’impasse. Les promesses sécuritaires s’avèrent être un mirage et les libertés publiques sont de plus en plus menacées.

La maxime prêtée à Benjamin Franklin en dit long :« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux ».

Le 7 avril dernier, dans un communiqué de presse, Amnesty international écrit : « face aux attaques répétées, le droit à l’information doit être protégé » au Burkina Faso. Les autorités doivent cesser les attaques et menaces contre la liberté de la presse et la liberté d’expression et protéger les journalistes, déclare Amnesty International après la suspension de médias et l’expulsion de journalistes. Et selon certains observateurs, il y a aujourd’hui au Burkina, comme qui dirait l’autre, la mise en place d’un régime répressif.

En effet, outre le musellement des citoyens, le régime, à travers des arrestations d’opposants politiques et acteurs de la société civile, semble glisser vers « une dérive autoritaire afin d’assurer sa survie », indique-t-on. Une véritable « chasse aux sorcières s’instaure au pays des hommes intègres », apprend-on. Selon une source contactée par nos soins : « Activistes des organisations de la société civile, opposants, bref toutes les personnes considérées comme mal pensants par le régime en place subissent des menaces dans le sens d’obtenir leur silence. Dans ce sens, de nombreux influenceurs rapportent avoir été contactés par des militants du régime et par des forces de police qui leur ont demandé de choisir entre la prison et le soutien au régime ». Il est triste de constater que ni le départ de Kaboré ni celui de Damiba n’ont amené l’embellie attendue au Faso. Ces hommes sont passés, mais le problème sécuritaire demeure avec plus d’acuité.

« La lutte contre les groupes armés et l’insécurité ne sauraient être un prétexte pour restreindre les libertés de la presse et les droits des citoyens à accéder à l’information. L’expulsion des correspondantes des journaux Libération et Le Monde, et la suspension de la chaîne de télévision France 24 marquent un tournant inquiétant de violation du droit à la liberté d’expression par les autorités », s’indigne Samira Daoud, Directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre à Amnesty International.

La situation des droits humains n’est guère reluisante au Mali où le régime a instauré le règne de la pensée unique. Le rapport mondial sur les droits humains en 2023 est cinglant : « Les autorités ont placé en détention plusieurs détracteurs du gouvernement, pour certains pendant plusieurs mois sans procès. Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés sur la base d’accusations fallacieuses et torturés en 2021. En janvier, les forces de sécurité ont arrêté et détenu pendant six mois le Dr Étienne Fakaba Sissoko, un professeur d’économie, après qu’il avait critiqué des nominations au gouvernement, qualifiant ses propos de « subversifs ». Le chef du parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI), Dr Oumar Mariko, aurait quitté le pays après avoir été détenu en décembre 2021, puis menacé d’être placé une nouvelle fois en détention pour avoir dénoncé les abus de l’armée ».

Au Niger, c’est l’Association des jeunes avocats du Niger (AJAN) qui a récemment dénoncé la recrudescence de violations des droits humains à travers les arrestations extrajudiciaires et l’impossibilité pour les avocats de défendre leurs clients. Les jeunes avocats dénoncent également l’incapacité de la justice à faire respecter et exécuter ses propres décisions. Le silence assourdissant de nos magistrats face au cas de Salim Bazoum est, on ne peut plus, révoltant. La bloggeuse et journaliste Samira Sabou a été enlevée, pendant une semaine sa famille était sans nouvelle de l’activiste. Que dire alors des proches du Président Bazoum arrêtés du seul fait de leur couleur de peau ou leurs liens de famille avec la première dame ?

Pendant ce temps, la situation sécuritaire du Niger s’est fortement dégradée. En réponse, les généraux s’emmurent dans une posture iconoclaste avec comme armes : le populisme et la propagande. Roulés dans la farine, les citoyens qui ont tout sacrifié ne savent plus à quel saint se vouer.

L’Autre Républicain

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