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5 juillet, 2024
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Salim Mokaddem : « Le temps joue en faveur du président Bazoum »

ENTRETIEN  à le Point Afrique. Philosophe, compagnon de route et conseiller spécial du président du Niger, Salim Mokaddem revient pour « Le Point Afrique » sur la crise que traverse le Niger.Propos recueillis par notre correspondant à Alger, Adlène Meddi

Vous connaissez le président Mohamed Bazoum depuis longtemps, vous avez enseigné avec lui la philosophie au lycée à Maradi : comment pensez-vous qu’il vive cette situation ? Avait-il des intuitions sur ce qu’il allait se passer ?

Salim Mokaddem : Le Président Bazoum vit la situation actuelle avec beaucoup de courage, de sérénité et de responsabilité ; en effet, élu par le peuple souverain du Niger, il n’a pas démérité de son mandat électif, et à mi-mandat, il est plébiscité pleinement par toutes les Chancelleries, les Partenaires Techniques et Financiers (PTF), la grande majorité des Nigériens et des forces de défense et de sécurité (FDS). Cette séquestration, dans les conditions difficiles qui sont celles qu’il vit, avec sa femme Khadidja et son fils Salem, avec des restrictions hydriques, alimentaires, sociales, médicales, et une absence de confort, indignes de son rang et de sa personne, ne sont pas respectueuses des reconnaissances politiques et diplomatiques que la communauté internationale lui témoigne positivement du fait de son statut de Président élu démocratiquement et surtout depuis les réalisations économiques, sociales, politiques de son programme politique.

Assuré d’être dans le droit, garant de la Constitution, c’est le Président légitime du Niger, et il a absolument confiance dans l’avenir car il a une entière conscience de sa tâche et de ses responsabilités historiques et politiques. Il a toujours fait montre d’un humanisme et d’un style éthique du dire-vrai et de l’agir-vrai qui font sa renommée, sa réputation, et qui ont permis alors au Niger d’avoir une autre notoriété que celle de la misère, de la violence et de l’insécurité. Tous les secteurs de l’économie sont en hausse, et, depuis que la junte a pris illégitimement le pouvoir, le Niger est en régression sociale, économique, financière, les attaques des GAT (Groupes armés terroristes) endeuillent le pays et le centre de recherche et d’analyse Acled a déjà renseigné cet état de fait par la constatation d’une recrudescence des attaques terroristes et des pertes civiles et humanitaires en hausse de 30% depuis le 26 juillet 2023, date de sa séquestration par une partie de la Garde Présidentielle, bien embêtée à cette heure de s’être aventurée dans un jeu politique complexe qui se retourne contre elle, comme le témoignent les récents cafouillages de communication de la Junte et le refus de l’ONU de la recevoir lors de l’Assemblée générale annuelle de septembre 2023. Partant d’une revendication corporatiste et statutaire, et s’opposant à la volonté du Président Bazoum de lutter contre la corruption de certains éléments de la Garde Présidentielle, il y eut un aventurisme politique lié aux petits calculs politiciens d’hommes de l’ombre oubliant que Bazoum est un homo politicus humaniste et sérieux au service de son programme et du peuple nigérien, et, en ce sens, il ne peut absolument pas signer une démission qu’il n’a jamais voulue, et encore moins sous la pression d’un chantage infra-politique relevant de calculs retors menant les agents de cette séquestration dans l’impasse politique.

Tout est su et connu de ces rebondissements, à la fois par les acteurs directs et indirects, et, également, par les Chancelleries qui, perplexes, n’en restent pas moins déterminées à ne pas laisser la violence anti-démocratique, ethnique, anticonstitutionnelle, prendre le pas sur la construction républicaine du Niger. Le Président Bazoum a une très haute conscience de ses fonctions et de ses devoirs en tant que  Chef de l’Etat ; par ailleurs, il a une modestie et une absence d’égo et de culte de la personnalité qui contraste avec l’importance de son programme et l’empan de ses actions faites à mi-mandat : de sa fonction), comme l’a bien montré l’historien polonais, Ersnt Kantorowicz dans son maître livre : Les Deux corps du Roi, il sait qu’il a un corps profane et un corps politique sacré qui appartient au Peuple Souverain. Il savait que les Gardes Présidentielles, les militaires, au sens large – surtout au Niger où il y a presque une tradition politique du coup d’Etat – étaient des éléments susceptibles de le renverser ; les services d’information l’alertaient régulièrement sur des complots, des déplacements de gardes, des promotions, des faisceaux d’informations qui faisaient sens pour lui et le premier cercle. Des gardes présidentiels, des agents de sa Sécurité rapprochée, des agents de renseignements, des ministres, des amis, des conseillers techniques, l’informaient : il savait qu’il était en danger (les Présidents, toujours entourés de gens en armes pour cette raison, sont tous sous haute surveillance) et depuis la tentative de coup d’Etat visant à empêcher son investiture, en avril 2021, il était au fait qu’une partie de la GP, structurellement, pour des raisons racistes, politiques, maffieuses, voyait d’un très mauvais œil sa probité, sa lutte contre la corruption, le népotisme, et sa politique humaniste, sociale ainsi que les engagements qu’il prenait devant la société civile, les FDS, les populations rurales et urbaines, se manifestant par les améliorations visibles et tangibles du climat socio-économique au Niger. Nous pouvons d’ailleurs nous demander si ce n’est pour ces raisons qu’il y a eu cette séquestration. Le Président Bazoum, n’en déplaise à certains, est très aimé, même à Niamey, qui n’est pourtant pas son fief électoral. Son style, sa bonhomie, son approche très rationaliste des choses de la vie et sa philosophie politique plaisent à tous les segments de la société, sauf à ceux qui préfèrent l’ombre à la lumière, les corruptions cyniques à la construction historique réelle, les magouilles personnelles à la souveraineté républicaine et à la noblesse des vertus démocratiques.  Nous l’avions informé des va-et-vient suspects de quelques individus ; les éléments de sa Sécurité rapprochée et de sa sécurité présidentielle l’ont aussi averti des intentions malveillantes qu’ourdissaient des personnes chargées de sa protection. La traîtrise était sans doute prévisible ; non pas l’instrumentalisation politique des revendications corporatistes des putschistes. Il a pris le risque de la fonction qu’il occupe, sans naïveté ou impéritie : il a fait le pari de l’intelligence en politique. Malheureusement, la bêtise existe et les ruses de la raison sont telles que ceux qui ont récupéré, aventuriers de la chose politique, la donne ne peuvent désormais plus agir pour gouverner à leur guise car ils ont mésestimé la volonté politique du Président, sa vertu, d’une part, et les oppositions et conflits d’intérêts entre les généraux eux-mêmes. Nous assistons aujourd’hui à ce que Machiavel appelait la politique incertaine de la virtú, de l’occasion, du moment opportun : les opportunistes ont rencontré leur reflet en miroir car ceux qui se sont senti habilités à se saisir de l’occasion n’ont fait que reproduire la logique de ceux qui les avaient commandités pour leurs basses œuvres. Je ne parlerai pas des raisons singulières (départ en retraite de généraux, demande de clarté de compte par le Président au sujet des détournements de fonds dans la GP, pressions « politiques » pour des nominations politiques, rôle de la rente pétrolière à venir dans les causes profondes de ce tumulte politique) car elles sont connues de tous les acteurs désormais, et que cela ne ferait que renforcer ce que tout le monde s’accorde à reconnaitre aujourd’hui : la volonté de lutte contre la corruption du Président Bazoum est à l’origine de sa séquestration. C’est pour cela qu’il faut toujours se demander à qui profite le crime en de telles circonstances.

Comment la classe moyenne et les élites du Niger réagissent à ce coup d’État ?

Salim Mokaddem : Je ne sais pas ce que vous nommez « élites nigériennes » car la notion est ambigüe : sont-ce les commerçants, les grandes familles « niameyzé », les universitaires, les hauts cadres de l’administration, les rentiers, les hommes politiques médiatisés, les hommes d’influence, les grands marabouts, etc. ? Tous ces segments sociaux n’ont pas les mêmes intérêts et les mêmes logiques politiques. Disons que les classes moyennes qui sont généralement, en majorité, pour l’ordre républicain et la sécurité civile, la stabilité sociale et économique, pour que le climat des affaires soit serein, et que les déplacements puissent se faire sans encombre à l’international et sur tout le territoire, sont contre l’immobilisme, le hasard et l’incertitude institués par la junte. Il y a du désordre à voir des masses d’enfants, d’adolescents, d’adultes déambuler dans les rues de la Capitale, et seulement là, au risque de casses de bien privés et publics, de vols et d’actes de délinquances plus ou moins violents, et de débordements violents dans la cité.

De plus, instruites et informées, les classes moyennes sont conscientes que cette vacance de légitimité et ces désordres sociétaux profitent à l’avancée des terroristes qui en profitent effectivement pour avancer aux frontières et faire des razzias dans les villages ; si cette anomie politique se poursuit, il y a également un risque de fuite des cerveaux et de désengagement des diplômés et des cadres de la vie politique. On voit ainsi des opportunistes issus de la société civile répondre à des sollicitations de la Junte pour occuper des postes qu’il faut bien attribuer à des personnes ayant des compétences techniques réelles. Cependant, on ne peut pas dire que ce sont actuellement les meilleurs qui sont affectés çà et là dans les technostructures et qui se proposent spontanément à des fonctions régaliennes réclamant d’authentiques compétences techniques hautement développées et des niveaux de qualifications élevées, souvent peu compatibles dans la logique libérale des cadres civils avec la soumission que réclame par état une hiérarchie militaire, surtout quand elle est fondée sur des intérêts opportunistes et privatifs plus ou moins reliés à des logiques d’alliances et d’intérêts familiaux. Les classes populaires de Niamey, galvanisées par la Junte et le sentiment ethnique d’appartenance à l’énergie de l’Ouest basée sur un fort identitarisme communautaire, sont plutôt opposées en cela aux classes moyennes nigériennes : elles veulent du changement dans leur mode et leur niveau de vie, et elles pensent que les accointances ethniques les favoriseront alors dans leur demande d’amélioration de leur condition matérielle d’existence. Les prétentions sociales et économiques sont là antagoniques. Mais il est vrai que les populations illettrées et analphabètes vivant avec moins de deux dollars par jour dans les espaces urbains et ruraux paupérisés par l’insécurité, les vols et les pillages des groupes terroristes, ne voient pas et ne subissent pas les mêmes rapport au réel que les classes moyennes vivant en milieu urbain, pouvant contrevenir aux coupures d’eau et d’électricité par le bais de groupes électrogènes et de pompes à moteur, et pouvant se soigner, se loger, se nourrir décemment. De fait, les attentes ne peuvent être les mêmes car vous savez bien que la façon de penser et d’être dans le monde dépend de la manière dont on vit dans son quotidien les violences sociales et les déterminations de ses libertés dans l’espace social, économique, politique.

Les putschistes avancent une série de reproches au président Mohamed Bazoum pour justifier le coup d’État. Comment ressentez-vous ce procès fait au président ?

Salim Mokaddem : Il suffit de faire le bilan de la gouvernance Bazoum pour répondre à cette question : depuis qu’il est au pouvoir, les insécurités ont diminué contre les civils et les militaires aux frontières ; des internats de jeunes filles permettent de lutter contre le dividende démographique et ainsi d’améliorer le sort des filles, des adolescentes, des familles, surtout en milieu rural ; le recrutement d’enseignant-e-s qualifié-e-s avec le relèvement du niveau de recrutement, la modification des curricula, la construction d’écoles modernes avec des matériaux et des architectures durables, la prise en compte des langues nationales dans les apprentissages scolaires, le souci de développer des centres de formation professionnelle dans toutes les régions du pays, ont donné un autre visage à l’école nigérienne ; des routes et des puits ont été construits dans les zones reculées pour le confort des populations concernées ; les réfugiés retournent dans leur village, suite à la paix instituée par les réformes militaires et les nouvelles logiques de stratégies opérées avec le soutien des pays amis du Niger, dans des zones auparavant dangereuses (Diffa, Tillabéry, entre autres) ; les bailleurs de fonds, se sentant en confiance, accordent des prêts raisonnables, énormes et conséquents, pour réaliser des projets d’envergure du fait des ambitions rigoureuses et visionnaires du Président Bazoum car ces plans financiers ont été accordés au Gouvernement sur la base de projets sérieux, rigoureux et viables ; les exploitations de pétrole ont été accélérés par la construction du plus grand pipeline d’Afrique (2400 kms) du fait de gisements riches en gaz et en pétrole de très bonne qualité à Agadem (et ailleurs dans le Nord du pays) devant rapporter au Niger environ dix millions de dollars par jour dès février 2024 (120 000 barils de pétrole par jour) ; le plus grand barrage hydroélectrique du Niger était en construction à Kandadji (avec l’appui des chinois) ; la grande route transsaharienne qui va d’Alger à Johannesburg était en voie de réalisation ; la construction de grands centres de santé et d’un grand hôpital militaire de référence à Niamey avec l’appui de la coopération allemande , donnera à la ville de Niamey un rayonnement national et international en termes de santé ; les aménagements des berges du fleuve Niger en permettront l’amélioration des usages socio-économiques, et l’entretien et la construction de routes bitumées par la SATOM, va donner à la ville de Niamey une vraie dynamique urbaine. Il y a d’autres projets en cours qui ont été arrêtés du fait de ce putsch totalement indécent et incompréhensible en termes politiques.  Il suffit de voir le nombre d’événements phares internationaux qui se tenaient alors à Niamey du fait du rayonnement de la politique du Président Bazoum pour se rendre compte qu’il est reconnu comme un grand chef d’Etat et qu’il a un rayonnement qui va bien au-delà des frontières du Niger.

Je ne connais à cette heure aucun pays qui ne trouvait à redire à la politique économique et financière, sociale et prospective, du Président Bazoum. Il a un charisme et une autorité morale et politique reconnue par tous les acteurs internationaux et nationaux. Je ne peux que vous renvoyer aux réalisations de son parcours de mi-mandat pour vous rendre compte que les reproches faits sont infondés. Le récent sommet du G20 lui a rendu hommage. Prenons les griefs de la junte : la sécurité territoriale et la gestion des budgets nationaux. Justement, depuis que Bazoum est aux commandes de l’Etat, la sécurité n’a jamais été aussi présente au Niger. En renforçant des dispositifs d’aides aux alliés des trois frontières, en insistant sur les fournitures de matériels militaires ad hoc aux troupes et en développant les formations des militaires, tout en changeant de tactique sur le terrain, il a permis de faire de l’armée nigérienne une des plus aguerries de la sous-région, de diminuer les actes terroristes contre les civils et les militaires, de rationaliser les dépenses sectorielles, et de diminuer les dépenses non justifiées de certains membres de la Junte qui l’ont séquestré pour des raisons personnelles de refus de cautionner certaines dépenses injustifiables. En matière de gestion des budgets nationaux, la lutte contre la corruption était un de ses objectifs majeurs et il se targuait d’être incorruptible : ce que montrent les arrestations des acteurs de détournements de fonds de l’Etat, et le refus de signer une démission pour laisser l’Etat aux mains d’aventuriers sans scrupules et sans objectifs de souveraineté.

Je pense que ces griefs se retournent contre ceux qui les font car ils expriment plus leur fait que le sien. Comme le philosophe Spinoza l’écrit, quand Paul me parle de Pierre, j’en apprends plus sur Paul que sur Pierre. Et c’est ainsi que les mêmes qui étaient au pouvoir depuis dix ans se rebiffent quand on commence à regarder de près leur gestion des fonds et qu’on réduit l’empan de leur confort se faisant aux dépends du Trésor public et du bien des populations nigériennes. La mauvaise foi ne peut tenir longtemps d’argumentation quand on est juge et partie à la fois et qu’on dénonce chez l’autre ce qu’on fait soi-même : il ne faut pas oublier que la Junte tient en otage une famille et qu’elle a pris le pouvoir par la force et sans raison politique valable. Le bilan de Bazoum parle en effet pour lui ; et si la CEDEAO, l’UA, l’UE, les USA, et l’ensemble des pays de l’ONU, hormis l’axe militaro-putschiste, soutiennent le Président Bazoum et réclament sa libération et le retour à l’ordre constitutionnel, ce n’est vraiment pas un hasard : il donne des gages authentiques d’honnêteté et de rigueur budgétaire aux partenaires techniques et financiers. Pour l’heure, le seul pays qui veut coopérer avec le Niger est la Chine, qui n’a aucun état d’âme pour vendre de la dette et se soucie fort peu de la question des libertés privées et publiques. Le procès qui est fait au Président est donc non pertinent et sans objet ; c’est pour cela qu’actuellement la Junte revient encore sur la nationalité avérée nigérienne du Président Bazoum alors que la Cour a déjà statué et tranché parce qu’elle n’a rien à se mettre sou la dent pour le prendre en tort ; pour rappel Bazoum fut fonctionnaire nigérien, professeur de philosophie, ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Intérieur, député et enfin Président de la République. Les allégations xénophobes et racistes, dans une campagne indigne et violente ayant débouché sur des actes violents en avril 2021 et une tentative de prise de pouvoir par la force, ont été produites par la même énergie négative qui a séquestré le Président et sa famille et qui a mis en suspens la Constitution légitime et souveraine de la 7ème République.

L’Algérie et la Cedeao ont, chacune, proposé des solutions incluant une période de transition. Quelles seraient les chances de ces deux initiatives ?

Salim Mokaddem : La Cedeao n’a jamais demandé autre chose, avec l’appui de l’UA, de l’UE, de la France, et de l’Algérie, que le retour constitutionnel à l’ordre républicain, la libération du Président Bazoum toujours séquestré à cette heure, et son retour à son poste de Président de la République du Niger afin d’achever dûment son mandat électif. Si l’Algérie a engagé une médiation et proposé une période de transition, ce n’est certainement pas pour mettre à l’écart le Président Bazoum. Seulement, elle commence à comprendre que la neutralité n’est plus de mise quand le conflit est internationalisé à ce point. La France a pris une position légitime et légitimiste. L’Algérie a des positions qu’on comprend aisément car elle a plus de 1000 kms de frontières avec ce pays ami, et a tiré une expérience de la dislocation de la Libye, de la Syrie, de l’Afghanistan, et ne veut pas avoir une guerre interminable et dangereuse à ses frontières. D’autre part, l’Algérie a des relations économiques et de proximité avec les populations du Nord Niger ; elle n’a jamais dénié au Président Bazoum sa légitimité. La politique algérienne de non-ingérence ne veut pas dire qu’elle ne s’autorise pas à agir en sous-main pour faciliter des médiations et des négociations pour la paix régionale. N’oubliez pas que la question migratoire est fondamentale pour comprendre la position de l’Algérie vis-à-vis du Niger ; elle est directement exposée au flux d’éventuelles migrations sauvages en cas de conflit sur le territoire nigérien. Le ministre algérien des Affaires étrangères connait bien le Président Bazoum ; et je ne pense pas que le Président Tebboune apprécie la façon dont les militaires séquestrent actuellement son homologue nigérien. Autrement dit, personne n’a intérêt à une transition qui serait une façon de transformer une situation de facto en situation de juro : ce qui serait un non-sens juridique et institutionnel et surtout un cas dangereux d’école pour les éventuels aventuriers. La question militaire est très sensible en Algérie…

Il faut bien lire et écouter ce qui se dit à la CEDEAO et ailleurs : le consensus est pour le retour du Président élu du Niger dans ses fonctions. Le temps joue en sa faveur et les putschistes et leurs alliés le savent. Tout le monde a intérêt à la paix ; sauf ceux qui confondent la guerre et la politique. Je vous renvoie sur ce sujet à ce que j’ai dit dernièrement dans le Grand Continent. Il n’est pas question de transition, ou de surseoir à un Etat de droit qui existe et que la Junte voudrait faire oublier. Je vous rappelle que le Président Bazoum n’a pas démissionné et qu’il est à cette heure séquestré ; donc il existe une République au Niger, une constitution, un gouvernement légitime et les gesticulations en uniforme de quelques aventuriers ne peuvent pas tromper l’opinion publique nationale et internationale. La transgression des lois fondamentales et organiques de la République ne peut pas contradictoirement s’autoriser de la loi ou faire la loi sans risquer de mettre à bas l’ordre juridique international de la légitimité au fondement des États de droit. Je ne fais ici qu’énoncer des règles de droits formels au principe des lois réelles qui relèvent de la constitutionnalité des actes légitimes et souverains en politique.

La France est-elle ciblée directement ou est-ce que l’attitude anti-française de la junte sert de carburant populiste ?

Salim Mokaddem : La France est un alibi pour masquer l’illégitimité de cette prise de pouvoir tragi-comique. On est dans le comique de répétition cher à Bergson : on mime ce qui s’est passé au Mali, au Burkina Faso, en Guinée, en reprenant les mêmes antiennes et la même chanson anticolonialiste et panafricaniste avec des accents sankaristes déplacés car ce n’est plus la même époque, les mêmes enjeux, les mêmes circonstances, les mêmes acteurs. Le Président Bazoum est plus proche de Sankara que les généraux qui le séquestrent ; je veux dire qu’il a lu (et compris) les auteurs de la décolonisation, les théoriciens du droit naturel et positif, les textes de N’Krumah, de Sylvanus Olympio, de Modibo Keita, de Bourguiba, de Fanon, et qu’il a pratiqué les auteurs qui ont écrit des œuvres critiques durant le Soleil des indépendances et qu’il est donc plus à même de parler de la lutte contre l’oppression que les putschistes qui sont plus, en termes de références idéologiques, du côté de Kountché et des Junte régionales que de Rousseau, de Mandela, de Nasser ou de Frantz Fanon. Il en a fait son miel durant ses années d’études et de syndicalisme et il vite compris que les luttes idéologiques ou les engagements devaient prendre la mesure de la nouvelle donne politique, à savoir l’effondrement du Mur de Berlin, la mondialisation, la conférence de la Baule, l’ouverture à des partenaires économiques nouveaux et la fin des grands récits métaphysiques sur les finalités et le sens de l’histoire.

Il serait d’ailleurs très intéressant de dialoguer avec la Junte pour connaître ses références idéologiques et ainsi comprendre, s’il y en a une, sa logique d’action politique. Des invectives, des communiqués incantatoires, des litanies comminatoires ne peuvent tenir lieu de programme politique. Il se trouve que la France a colonisé l’Afrique au XIXème siècle et qu’elle a longtemps été dans le déni des souffrances des populations colonisées ; il suffit de voir comment l’Algérie, qui a vraiment souffert très durement de la présence française sur son territoire, se méfie de la politique française en Afrique : il a fallu plus d’un demi-siècle pour que la France qualifie et puisse nommer justement la guerre d’Algérie, ce qu’elle convoquait auparavant sous les signifiants d’événements, de pacification. Le déni de l’histoire produit des monstres psychiques et sociaux ; le Niger, comme les autres pays ouest africains francophones, n’échappe pas au retour du refoulé historique. Cependant, il faut préciser, pour ne pas être de mauvaise foi systématique, que plus de 13 millions de nigériens ont moins de 15 ans, et que les putschistes n’ont jamais connu l’époque de la colonisation française. Il y a donc une utilisation frauduleuse de l’histoire à des fins de manipulation de masse pour produire un patriotisme utilitaire et national-chauvin assez proche d’un populisme dangereux pour les libertés en Afrique.
Le fascisme n’est pas une affaire de mélanine ou de géographie ; il consiste à masquer la violence des pulsions sous un vernis de vertu patriotique. Je vous informe que le nouvel hymne national du Niger, moins paternaliste et soumis aux archétypes de la colonisation, a été réécrit et composé à la demande du Président Bazoum. L’alibi anti-français cache donc très mal le ressentiment et l’absence de vision du futur de ces juntes virales. Il est vrai, toutefois, que la France n’a pas su dialoguer avec les sociétés civiles, proposer une autre coopération que celle de l’assistanat financier et technique, et que les chinois, ou les turques, plus discret mais très efficace, les Émirats Arabes Unis, vierges de tout rapport incestueux avec les Gouvernements africains, ont rapidement construit des infrastructures facilitant la vie quotidienne des populations (ponts, échangeurs routiers, barrages, stades, hôpitaux) et exporté des produits de consommation courante (ventilateurs, piles, lampes, climatisation, allumettes, matelas, couvertures, objets ménagers et électroménagers, etc.) qui sont visibles et appréciés des populations.

La guerre informationnelle, comme je la nomme, et les usages sociaux d’internet ont fait le reste. Les fermes à troll basées au Mali et la propagande russe qui procède de façon industrielle en bombardant la toile de fake news mensongères continues et de fausses informations ciblées (afin de produire des affects de haine, de colère, de peur, et de vengeance) renforcent l’idée que la France est la cause de tous les malheurs nigériens. C’est exagéré et quelque peu démesuré. Ce manque de lucidité et ces hyperboliques déformations de la réalité prouvent qu’on n’est pas dans une logique d’émancipation politique mais de suscitation de haine racialisée afin de produire un assentiment de masse de la Junte valant blanc-seing pour ses égarements. J’appelle cette attitude le complexe d’Othello. Il est compréhensible que la population, dans un contexte de guerre Otan-Russie, tombe dans le piège du bouc-émissaire car le Niger, pour ne parler que de lui, a obtenu son indépendance en 1960, et a encore à effectuer un travail historique et critico-réflexif sur sa période de collaboration avec le colon et avec ses supplétifs.

En ce sens, une étude approfondie du rôle politique des armées au Sahel reste à faire pour montrer qu’aujourd’hui les juntes ne sont plus des avant-gardes révolutionnaires visant à libérer les peuples d’ennemis et de tyrans l’appauvrissant et le maintenant dans la misère, mais elles sont plutôt des segments opportunistes de la société reproduisant de façon mimétique le complexe d’Othello pour faire sur les peuples ce que faisait le colon du 19ème et du 20ème siècle. Le sentiment antifrançais provient pour grande partie de ressentiments de classes moyennes inachevées et de répétitions de mémoires populaires tronquées et réécrites pour des besoins de patriotisme chauvin et d’identité frelatée. Cela ne diminue en rien le fait colonial et l’histoire douloureuse de l’Afrique qui a été spoliée historiquement par l’esclavage, le travail forcé, les mobilisations militaires, les exploitations de ses ressources, sa mise en coupe réglée par des jeux complexes d’économies assistées et ajustables en fonction des besoins des pays du Nord. La France doit prendre en compte toute cette histoire du négatif, et les souffrances réelles des peuples, et, peut-être, favoriser, pour elle et pour le Niger, un développement réel des potentialités matérielles et humaines du pays. Il est clair que les dernières décisions du G20, les changements de cap des grandes instances internationales et financières, sont à acter dans le concret des pratiques pour que le Niger et l’Afrique soient plus reconnus dans les grandes instances internationales décisionnaires, et pour que l’Afrique soit prise en compte en fonction de sa taille géographique, de sa population, de ses richesses, de ses écosystèmes et des potentialités prospectives qui sont les siennes.

Avec près de deux milliards d’habitants, il est temps que l’Afrique sorte de l’anonymat politique notamment au niveau des grandes instances de décisions internationales et du groupe de Sécurité de l’Onu, d’une part et que l’on ne la réduise pas d’autre part à des « élites » qui sont souvent des « masques blancs », pour reprendre l’expression de Fanon, ne reflétant pas les réalités du quotidien africain et nigérien en particulier. Pour cela, il est clair que les africains ont besoin de sociétés développées, de routes, d’hôpitaux, d’écoles, d’universités, de bonne gouvernance et de cadres constitutionnels et juridiques stables et respectés. Il n’y a aucune raison pour que le Continent ne joue pas un rôle majeur dans la gouvernance mondiale s’il se met à l’échelle de ses aspirations, de ses besoins, et de ses potentialités réelles.

Comment le Niger, pays déjà éprouvé par la pauvreté, pourrait tenir face aux sanctions décidées à l’international après le coup d’État ?
Salim Mokaddem : Il faut poser cette question pertinente aux putschistes ; je ne vois pas comment le Niger dont l’économie dépend, à plus de 60% désormais, de l’aide extérieure peut, sur ses fonds propres, se développer. Par ailleurs, si un pays riche, développé, bienveillant, peut aider le Niger, il le fera avec l’aval des organisations internationales et dans des optiques d’échanges et d’affaires commerciales qui devront davantage endetter le Niger au vu des fermetures des frontières terrestres et aériennes actuelles. Je pense que les gouvernements chinois et russes sont peut-être intéressés pour aider le Niger à se développer ; tous les projets chinois qui existent actuellement ont été signés sous la gouvernance Bazoum. Je ne vois pas ce que peut faire la Junte sinon continuer dans cette dynamique en tenant un discours schizé par rapport au réel de l’économie et de la finance.

Le réel ne peut être contourné ou dénié sans qu’il revienne sous une forme plus ou moins incontournable : un pays a des encours, des avoirs, des dettes, des crédits, des investissements, des projets, des placements, des modèles de croissance et de développements. Je ne sache pas que la Junte ait proposé en ce sens des cartes de navigation et des plans de subsistance économique pour les populations. C’est en ce sens où la situation est anomique : diriger un pays requiert des collaborations, des contractualisations, des échanges, des ouvertures sur le monde social, économique hors et dans ses frontières. L’improvisation ne s’improvise pas, en jazz comme en politique. Il est encore temps pour la Junte de sortir de cette impasse si elle est réellement patriotique et soucieuse du bien public.

Le Président Bazoum ne démissionnera pas car il est garant de la Constitution et il a juré devant le peuple, et Dieu, de protéger le peuple nigérien et les cadres de droit juridique, constitutionnel, et économiques qui le protègent de la loi de la jungle. Les faits lui donnent raison : le Président Bazoum a plus protégé le peuple nigérien et sécurisé le territoire sous sa mandature que ne l’a fait jusqu’à présent la Junte. Le Niger a subi, depuis la séquestration du pouvoir légitime, plus d’agressions terroristes que sous le mi-mandat du Président légitime de la république du Niger. La Real Politik requiert qu’on en tire des conséquences pour savoir qui protège le plus et le mieux le peuple du Niger. Pour répondre à votre question, il est urgent que le Niger retourne dans le giron de l’UA, de la CEDEAO et de l’UEMOA, et qu’il retrouve des activités économiques et sociales sereines, loin de toute aventure hasardeuse qui ne trouve de débouchés politiques que dans la rhétorique de la guerre, du conflit, de la chasse aux sorcières, de la logique du bouc-émissaire et dans la diabolisation de l’autre, du différent.

La théorie de Carl Schmitt concernant l’ami et l’ennemi en politique est d’essence totalitaire : en politique, la controverse, la critique, la contradiction, l’accueil de la parole de l’autre, l’écoute, la patience, et la reconnaissance de la pensée divergente, sont nécessaires. Les pensées sclérosantes, unifiantes, homogénéisantes, sont souvent peu propices à l’ouverture à la complexité du monde et à la compréhension de la richesse fine et multiple de la réalité. Cela exige une attention dialectique à l’altérité et à l’articulation du simple et du complexe, de l’un et du multiple, en économie, comme en tactique guerrière. Le dogmatisme mène souvent les individus comme les groupes à tomber dans des pièges fatals. C’est pour cela qu’il est essentiel de savoir revenir sur ses positions et reconnaître ses erreurs pour pouvoir mieux avancer et se perfectionner. Par définition, le dialogue est l’invention qui permet de mettre fin à la polémique dont l’étymologie est polemos, la guerre. C’est pour cela que la Junte a les moyens de mettre fin aux sanctions de la CEDEAO : relâcher le Président Bazoum et revenir à l’ordre constitutionnel serait un geste qui irait vers la paix et la réconciliation du pays avec lui-même. Les putschistes ont désormais la balle dans leur camp : la saisiront-ils pour pacifier le pays et la société civile ? Ou bien resteront-ils campés sur leur position au risque que l’on sait d’appauvrir le pays et de geler le Niger dans sa logique de croissance ? En négociation, l’autisme est toujours toxique et nocif. J’ose espérer que la situation se débloquera très rapidement en interne. Car le consensus n’existe pas totalement dans la Junte comme le révèlent certains faits très symptomatiques de l’affolement des Chefs. Les masques tombent quant au désir profond de changement qu’il y avait derrière ces revendications de Palais.

Alors que la junte bunkérise Niamey en créant des appels d’air aux groupes terroristes dans le reste du territoire, comment voyez-vous l’évolution de la situation sécuritaire ?

Salim Mokaddem : Je suis très inquiet de la situation sécuritaire aux frontières et hors du Niger car des attaques de groupes armées terroristes (GAT) se manifestent de plus en plus ; au Mali, on assiste depuis ces derniers jours à des attaques terribles contre les FAMA et des populations civiles. Les armements des groupes irrédentistes et des GAT sont, comme le disait en son temps le Président Bazoum, très puissants et modernes. La Junte a accéléré l’insécurité aux frontières car elle a rappelé des unités de combats dans la capitale Niamey, pour se sécuriser, aux détriments de la sécurité du territoire et des populations. C’est une situation très grave et très anti-républicaine du fait de l’abandon des missions de protection des populations des forces armées nigériennes (FAN). Ce qui est d’autant plus cocasse que la Junte justifiait son action de prise du pouvoir en clamant qu’elle voulait apporter de la sécurité au Niger. Or, elle n’a fait que l’affaiblir et démoraliser les différents corps d’armée qui commencent à douter de la sincérité des déclarations des putschistes et surtout de la capacité à protéger le territoire nigérien des incursions terroristes. Le Mali et le Burkina Faso sont là pour le montrer : les militaires se font chaque jour rogner leurs prérogatives par des groupes unis, mobiles, bien armés et aguerris. Il est temps que les forces de sécurité et de défense fassent ce pourquoi elles sont missionnées et relâchent le Président Bazoum.

Avec cette succession de putsch dans la région, faut-il y voir une fatalité pour le continent africain, ou du moins dans les pays francophones ?

Salim Mokaddem : Je ne pense pas que cela soit dans l’ADN des pays francophones que de pratiquer des putschs et des coups d’Etat à répétition en Afrique ; la viralité récente est le fruit de certaines impérities dans les pratiques de gouvernementalité en Afrique. Notamment, le rôle de l’instruction des masses et de l’éducation des citoyens est important. Il y a toute une invention du quotidien à refaire par le changement des programmes d’éducation, de l’analyse fine des dogmatismes religieux, des pratiques sociales liés à l’absence d’industries et de sociétés civiles organisées autour de projets de développement concret, de relance de l’emploi des jeunes et de la fabrication d’horizons historiques permettant aux populations de s’inscrire dans un destin national cohérent et viable. Le chômage est endémique et il est très dangereux dans des sociétés jeunes à forte démographie (plus de 6,7 enfants par femme au Niger qui a un taux de natalité de 3,5) de ne pas éduquer les populations.

La survie prend tout le temps de la vie en Afrique pour la plus grande masse de la population ; comment pouvoir envisager un autre avenir que l’exil, la délinquance, le terrorisme, quand on n’a pas de formation générale, technique, professionnelle, de revenus, d’emploi, d’avenir ? Ce n’est pas une fatalité pour l’Afrique que de demeurer dans cette violence et la misère ; si vous transformez les conditions de vie des africains, ils aspireront, comme les occidentaux, à la paix, à la sécurité, à un avenir radieux pour leurs enfants, à la culture, aux loisirs et à envisager un futur qui ne soit pas fait que d’expédients et d’urgences à traiter. La fatalité serait de croire qu’il n’y a pas d’issue, et d’essentialiser ainsi les difficultés rencontrées par les africains en supposant de façon insidieuse qu’ils sont responsables totalement de leur malheur. En grande partie, l’Afrique peut décider de changer ses paradigmes et de refuser la spirale de la violence et des coups d’Etat ; seulement, il faut des alternatives viables et désirables pour les peuples. Des sociétés basées sur un consensus de droit et de sécurité, avec de l’emploi pour toutes et tous, une éducation de qualité tout au long de la vie ; des indices de croissance mesurant des améliorations concrètes des conditions de vie pour les populations sont nécessaires afin que la fatalité disparaisse par l’action conjuguée des gouvernements, des citoyens et des citoyennes, et des partenaires extérieurs. Enfin libérée des contraintes du climat, des spoliations violentes et des corruptions quotidiennes, l’Afrique sortira de la tragédie du Fatum et fera de ses nécessités de développement la grammaire de son essor et l’horizon de sa réelle aliénation à des logiques qui l’excluent de facto de la richesse du monde. Cela exige une éthique, un style de gouvernance, un rapport à la chose publique, un sens des valeurs, un programme politique, un humanisme et un réel courage dans le faire et le dire qu’incarne justement l’homme Mohamed Bazoum.

Quelle issue voyez-vous à cette crise ?

Salim Mokaddem : Il n’y a qu’une issue viable, raisonnable, légitime, cohérente et pacifique, pour la communauté nationale et internationale : le retour à l’ordre constitutionnel et la libération du Chef de l’Etat. Les militaires doivent retourner là où ils ont un rôle majeur à jouer, dans les casernes et sur le terrain de la guerre, et là où les avait affectés le Président de la République du Niger. Imaginez que, ne voulant pas partir en retraite ou être affectés là où votre hiérarchie vous envoie, vous preniez les armes pour imposer de force vos desiderata à votre supérieur hiérarchique ; comment caractériseriez-vous cet état de fait sinon par une insubordination doublée d’une séquestration avec usage abusif et illicite de la force armée, et en l’occurrence, doublé d’un délit de mise en danger de la Nation, de la vie d’autrui, et prise d’une famille en otage. Je pense que n’importe quel étudiant de droit de première année est capable de renseigner alors ce dont il s’agit dans ce cas de figure.

La raison et le droit commandent, avec équité et justice, que le Président Bazoum soit libéré, avec sa famille, au plus tôt, que les institutions et le Gouvernement légitime reprennent leur mission régalienne, que le peuple et toute la sous-région ne soit plus pris en otage par un imbroglio tragi-comique qui fait du tort au Niger et rend la paix des Nations fragile en Afrique. Je sais que beaucoup de militaires ont des valeurs républicaines et sont conscients de leur mission et de l’impasse d’une crise singulière qui prend des proportions aporétiques et qui réclame désormais une normalisation républicaine et constitutionnelle pour le bien public et l’essor économique et social du Niger. Cette crise aura du bon en ce qu’elle permettra de savoir en quoi la liberté, l’ordre et la sécurité républicaines ne sont pas de vaines et formelles valeurs. Sans cela, l’anomie, la régression socio-économique et le spectre du délitement social et politique risquent d’entraîner le Niger dans une spirale régressive de décrochage et de paupérisation sans retour. L’issue est donc dans le retour à l’ordre constitutionnel et dans la libération du Président Bazoum qui ne démissionnera pas.

Et les cartes sont dans les mains de ceux qui les ont battues et ainsi disposées sur le tapis ; il faut faire attention désormais que ce jeu ne soit pas le piège dans lequel se sont mis les protagonistes. Qu’il y ait des requêtes à satisfaire pour le peuple, qu’il y ait des fonctions et des missions à revoir, qu’il y ait des cadres à établir et des fautes politiques à éviter pour ne pas être à nouveau dans une situation de crise similaire, nous le comprenons bien. Nous savons désormais que la seule issue à la guerre est le respect des volontés souveraines des peuples et la loyauté des grands corps de l’Etat aux engagements de respect de la loi et des serments prêtés pour servir le peuple et son représentant élu. Sinon, la société civile sera une jungle et la loi du plus fort instituera en elle une instabilité et une dissension permanente qui en feront un enfer pour tous, avec les risques de contagion que l’on sait dans toute l’Afrique de l’Ouest jusqu’au Golfe de Guinée. Si l’on veut la paix, il faut donc éviter les anomies, les irrégularités juridiques et les dénégations du droit menant aux impasses les plus incertaines et les plus disruptives. Le droit est une invention anthropologique pour éviter que les conflits et les disruptions ne se perpétuent de façon exponentielle et continue dans les sociétés politiques ; il demeure en l’état des choses, quelles que soient les sociétés et les cultures, la moins pire des manières de vivre ensemble et de fabriquer du lien social et politique dans l’histoire des sociétés humaines.

Enfin, le Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme, sa base active et ses cadres actifs et autorisés, notamment le Ministre des Affaires étrangères et des nigériens de l’extérieur, SEM Massaoudou Hassoumi, et le Premier Ministre en exercice, SEM Ouhoumoudou Mamadou, ainsi que tous les cadres régionaux et nationaux viennent de réitérer hier encore, par une déclaration officielle, le soutien actif  du PNDS au Président Bazoum, tout en réclamant au plus tôt sa libération, le retour à l’ordre constitutionnel, et son retour dans ses fonctions au grand dam d’une partie de caciques non représentatifs qui ont voulu obscurément faire une OPA sur le Parti présidentiel et faire voter une motion de reconnaissance de la Junte au pouvoir, contre l’avis de la base du Parti et hors toute procédure valide et légitime. Pour rappel, la Junte est reconnue par l’UA, l’UE, les USA, la CEDAO et l’UEMOA, la Russie, l’Algérie, comme étant totalement illégale et hors normes juridiques et constitutionnelles. Cela augure de la suite prévisible et du retour prochain de l’ordre républicain, malgré les fausses informations et les fake news bombardées au Niger et ailleurs par les fermes à troll de désinformation et de propagande.

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